Pointure 39, mes deux pieds dans le plat: alors l’art? Bah l’art, euh, c’est quoi, on en est où? Je pourrais parler des discussions politiques ou sexe entendues lors de visites au musée, ou des duckfaces quand tu hashtag “art” sur Instagram ou encore de l’imprimé Mondrian réutilisé jusque sur des emballages de Kleenex. Mais en réalité, on en est où?
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Aujourd’hui, pour être artiste, il faut sortir d’une école d’art et pas de n’importe laquelle, de préférence de celle d’une capitale européenne, incluant l’École des arts décoratifs de Strasbourg (Esad). Le nec plus ultra étant d’avoir été félicité à son diplôme de cinquième année, être en galerie avant 27 ans sinon c’est cuit, en sachant qu’un jeune artiste est un artiste de 50 ans. Tout le monde est artiste, plus personne ne l’est, c’est un peu comme être photographe après l’achat d’un 5D. À l’époque de Van Gogh ou de Courbet, c’était une certaine catégorie sociale qui était artiste et qui était reconnue par ses contemporains parce que tous répondaient à des commandes, aux codes établis, rentraient dans un moule, les autres ont dû attendre d’être morts. De ce point de vue-là, rien n’a changé: les écoles, les galeries et le marché de l’art forment, imposent un académisme du XXIème siècle.
Il faut savoir se vendre comme un produit marketing et respecter le rang social auquel on appartient.
En 2013, il faut être un artiste pluridisciplinaire mais en même temps avoir une seule pratique, savoir se vendre comme un produit marketing et respecter le rang social auquel on appartient, sinon on ne comprend rien. Il faut faire de l’art féministe quand on est une femme, s’impliquer dans la cause de l’immigration et exposer avec d’autres artistes arabes quand on en est un, ou plus simplement suivre les tendances mode dans son travail plastique -celle du pastel la saison dernière. En gros, reproduire le display d’une vitrine H&M mais avec un discours, et l’étayer de références culturelles pointues, avec un choix de prédilection pour les moins connues, parce que ça donne plus de cachet; l’incompréhension dans l’art est une zone d’ombre nécessaire investie par les artistes semi-brillants car s’y immisce la fascination plus qu’une réelle remise en question.
Cependant, oui il y a un “mais”, je crois beaucoup trop en l’art pour n’être que pessimiste. Dans ces mêmes écoles d’art s’accrochent de jeunes artistes talentueux, souvent autodidactes, en quête de notions et de moyens, qui dealent mal en faisant avec des structures qui ne sont plus soutenues par l’Etat, qui se tournent vers des “bienfaiteurs” privés comme Ralph Lauren pour l’École des beaux arts de Paris, en privatisant une partie des locaux pour des évènements au détriment des étudiants pour disposer des fonds nécessaires à la rénovation ou juste au fonctionnement de l’établissement.
Internet offre une accessibilité à des travaux pertinents, à des démarches ou juste à des gestes qui méritent d’être vus.
Les sentiers de l’art ont été balisés, presque avec de grosses colonnes de Buren, ils mériteraient d’être mis en jachère. En attendant, Internet offre une accessibilité à des travaux pertinents, à des démarches ou juste à des gestes qui méritent d’être vus. Les artistes de la nouvelle génération, lassés de devoir penser aux produits dérivés conçus d’après leurs œuvres initiales, trouvent des compromis en pensant des actions qui ne seront qu’une invitation à la réflexion ou à la contemplation, tout en continuant à produire des œuvres commercialisables.
Évidemment que Lichtenstein, en vrai, il faut le voir au même titre que la Joconde ou la rétrospective de Pareno au Palais de Tokyo, mais puisque le mot “art” a été galvaudé, j’irai encore plus loin. Il s’est aujourd’hui complètement décloisonné, il est partout et surtout là où on ne l’attend pas, d’une affiche à un clip sur YouTube en passant par la mode comme chez Martin Margiela. Il le devient aussi quand un prisonnier filme sa cellule et la cour de sa prison pour Mohamed Bourouissa. Oscar Wilde le disait mieux que moi: “La vie imite l’art plus que l’art n’imite la vie.”
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