Attention, raz-de-marée! Eyeliner too much, bouches néon et faux ongles XXL… les nouvelles amazones de la beauté naviguent entre coquetterie et provoc. Décryptage.
De Rita Ora et ses faux ongles démesurés à Nicki Minaj et son improbable crinière platine, le message est clair. Exit le nude bien élevé et ses discrets camaïeux de beige. Le chic WASP, celui qui dissimule soigneusement ses artifices au profit d’une beauté “naturelle”, perd chaque jour du terrain. A la place, déferlement de rouge à lèvres flashy, de faux cils oversize et de nail art tapageur. Détournés par des idoles planétaires -Rihanna et M.I.A. en tête- qui cultivent sans complexe l’art du “trop”, les codes de la beauté ont volé en éclats. Dans la rue, une armée de filles over-lookées a pris le relais et achève de faire sauter les verrous du bon goût. Devant l’ampleur de la vague, les marques circonspectes se sont décidées à suivre, et lancent avec entrain de nouveaux produits inimaginables il y a seulement quelques mois.
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“Face à un establishment qui valorise le bon goût, on pratique avec délectation l’accumulation de signes extérieurs de richesse”
Effet de mode? Simple retour de balancier après des années de sagesse? Pas seulement. Pour l’ethnologue Elisabeth Azoulay, auteure de 100 000 ans de beauté (Gallimard), le phénomène traduit la volonté d’affirmation d’une nouvelle génération qui, à l’instar des précédentes, pioche ses modèles dans l’univers de la musique. Et en profite pour faire passer un message contestataire à base de surenchère. “Face à un establishment qui valorise le bon goût, on pratique avec délectation l’accumulation de signes extérieurs de richesse, à coups de maxi-chaînes en or et de logos géants”, décrit Elisabeth Azoulay. Une sorte de lutte des classes transposée sur le plan du style, et qui signifie bruyamment à quiconque en douterait encore, qu’une nouvelle ère est en marche.
Brouiller les frontières
Aux premiers rangs de cette révolution du style, une génération métissée issue des grandes mégalopoles, qui s’amuse à brouiller toutes les frontières de genre physique. Brune, une méditerranéenne? Délicate, une blonde? Si je veux! Les lois de la nature et les anciens clichés n’ont qu’à bien se tenir. Grâce à des procédures esthétiques et des produits de plus en plus sophistiqués, on n’a plus d’autres origines que celles qu’on s’est choisies et on se métamorphose à l’envi. Cheveux blindés à coups d’extensions, lentilles colorées, grain de peau caramel à l’année… “On se photoshope aussi facilement qu’on retouche une photo, on se crée un avatar”, analyse Elisabeth Azoulay. Et dans cette grande opération de réinvention de soi qui brasse toutes les références, l’artifice s’affiche comme une provoc supplémentaire.
Ces queens cash sont aussi puissantes que sexy.
Des warriors de la séduction, les bling girls? Oui -et qui ne font que ce qu’elles veulent. Avec le déploiement de l’esthétique “in your face”, s’opère un kidnapping géant: celui des codes de la féminité traditionnelle. Car ces queens cash sont aussi puissantes que sexy. Entre leurs mains, tout ce qui était mis au service du mâle se retourne contre lui. Loin de signifier une déférence à l’égard des préférences masculines, regard fatal, décolleté ravageur et bouche sensuelle sont délibérément poussés à l’extrême et exhibés comme les trophées d’une farouche indépendance. “Ces filles sont les héritières d’un féminisme qui les a rendues autonomes et le clament sur un mode tonitruant.” Attention, celui qui se mettra sur leur chemin pourrait prendre cher.
Alice Elia
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