Deux chaînes thématiques promettent de comprendre les femmes et de deviner ce qu’elles ont envie de voir à l’écran: Chérie 25 (groupe NRJ), diffusée depuis 2012, et Téva (Groupe M6), créée en 1996. Charline Lecarpentier a passé plusieurs jours devant l’une et l’autre: voici un concentré de leurs programmes.
Un jour avec Téva
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Le Pacte des sept grossesses, DR
Petit déjeuner continental
Après l’inévitable téléshopping pour acheter des machines qui demandent le moindre effort mais coûtent deux bras, Téva propose un téléfilm tellement rediffusé qu’au bout du compte, on peut en recracher les dialogues en étant encore plus synchronisés que les doubleurs. Quota européen oblige, les programmes sont souvent allemands, suédois, ou espagnols. Prenons par exemple Le pacte des sept grossesses: en plusieurs actes, ce téléfilm raconte linéairement comment des adolescentes ont décidé de tomber enceinte en même temps dans leur école privée. La morale de l’histoire ? Interdire les cours d’éducation sexuelle en école privée, c’est risqué. Tant pis si le 7ème art prend cher, le message est limpide. Chaque téléfilm de Téva touche à des sujets souvent peu légers (trahison, enlèvement de bébé, mari meurtrier, tueur de Craigslist) qu’on s’interdira de regarder en cas de dépression, de grippe, de baby blues, de chômage ou de jambe dans le plâtre. Soit les seules situations qui vous poussent à allumer votre télé à ce moment précis de la journée.
Jennifer Love-Hewitt, La Double vie de Samantha, © Jaffe/Braunstein Ltd
Crise de hoquet au déjeuner
Les téléfilms de Téva ne possèdent pas tous une morale implacable, comme on pourrait se l’imaginer si l’on vit au rythme d’un téléfilm par an en période de Noël. Ceux diffusés en journée sont en fait sacrément tordus – à faire tourner de l’œil le plus hardcore des fans de Lars Von Trier. Dans La Double vie de Samantha, Jennifer Love-Hewitt se voit obligée de faire des massages pour nourrir sa famille mais tombe rapidement dans la prostitution. A la fin, les femmes du quartier, mises au jus que leurs maris viennent s’offrir ses services, demandent à Samantha “ce qu’elle leur apportait de plus” et boivent ses conseils en même temps que leur mug de thé. Culpabiliser ces femmes typiques de banlieues pavillonnaires en les faisant passer pour des mégères qui n’ont pas le savoir-faire des prostituées est-il un bon moyen de faire passer un moment de détente à la maman au foyer qui attend d’aller chercher son enfant à l’école? On en doute. Pas mieux dans Mariage: mode d’emploi. L’œuvre est découpée en chapitres annoncés de la sorte: Chapitre IV, de quoi est-elle capable pour avoir un enfant? S’ensuit ce conseil du spécialiste au couple qui ne peut procréer: “On peut avoir un enfant avec la fécondation in vitro.” Et le mari caricaturé de répondre: “On dirait le nom d’un désherbant.” Le père au foyer qui s’est décidé à regarder Téva cet après-midi là a de quoi être révolté lui aussi: la finesse fait clairement défaut à cette sélection de téléfilms réalisés par des hommes qui appuient maladroitement sur des sujets sensibles.
Anthony Head et Sarah Michelle Gellar, Buffy Contre les vampires
© Twentieth Century Fox Television
Goûter de tueuse
Buffy contre les vampires est l’une des séries dont les sept saisons sont régulièrement rediffusées par tranches gourmandes de trois épisodes. Bien que la production ait cessé il y a plus de dix ans, elle garde le respect des plus sériphiles. L’art des métaphores du scénariste Joss Whedon a aidé bien des adolescents à combattre leurs propres démons et leur rediffusion amène de source sûre un audimat des deux sexes. Dommage par contre que cette série si “Girl Power” soit annoncée sur la chaîne par une voix masculine en ces mots : “Dans un instant, la chasse aux vampires continue pour notre petite blondinette.” Voilà qui mériterait bien un petit pieu dans le coeur.
Brooke Elliott, Drop Dead Diva, © Lifetime Television
Dîner plaidoyer
Drop Dead Diva est un Ally MacBeal 2.0 dont l’héroïne est une avocate forte, aussi bien physiquement qu’intellectuellement. Dans ce corps, s’est réfugié l’esprit d’une jeune mannequin écervelée mais touchante, qui profite de ses nouveaux atouts. Les clichés de départ de la série se laissent oublier et les sujets traités lors des procès touchent régulièrement des sujets de société sensibles. Le personnage secondaire de la série est incarné par la comédienne, styliste et chanteuse Margaret Cho, bisexuelle convaincue et activiste pour les droits gays qui a apporté un public LGBT au programme. Soit une série de qualité, qui avec The Good Wife aussi programmée en soirée met au premier plan des femmes qui ont décidé de faire passer leur travail avant leur “devoir familial”.
Insomnie et grosse lose
Pendant la nuit, on tombe sur Le Grand Perdant, émission bootcamp où des candidats en surpoids et en pleurs attendent en ligne de savoir s’ils seront le maillon faible. Cette fois-ci le gagnant est un homme, qui perd 45 kilos en huit semaines et admet sur une vidéo filmée au ralenti qu’il peut désormais être un meilleur père. Ce programme nous laisse juges de vies qui ne nous appartiennent pas et s’empare d’un sujet concernant la santé pour en faire une compétition. De Top Chef à Le Grand Perdant, toujours la même question: rester passif pendant que d’autres se font insulter au nom du coaching ne serait-il pas le meilleur moyen d’oublier de penser à la direction à donner à sa propre vie? Même en pleine nuit, non merci.
Un jour avec Chérie 25
Petit déjeuner écervelé
A peine allumé, le cerveau se remet en veille devant The Real Housewives, l’un des plaisirs coupables de Michelle Obama. Dans cette émission de télé-réalité mondaine, on compare surtout la taille de son brushing et de son compte en banque. Les filles s’appellent “chérie”, le doublage est infâme et les protagonistes se déchirent tout au long d’un épisode au sujet d’un invité qui leur a déplu. L’une d’elle, qui se fait appeler Môôôdame la comtesse, se fait remonter les bretelles pour sa rudesse. Sexiste au possible, le concept donne naissance à des punchlines de ce genre: “Il est plus important pour moi d’être drôle que belle et intelligente”. La carte sincérité/impudeur révèle des femmes certes blessées, mais qui ne manquent pas de sens de l’humour: “Je ne suis pas assez intelligente pour comprendre ce que tu viens de dire, je vais aller à la NASA pour qu’on m’explique !” Dans un moment de réflexion post-émission, l’une des candidates admet: “Je voulais que ma vie paraisse parfaite, comme emballée dans un beau papier cadeau”. Elle confie ensuite que son mari lui répétait que ses ovules allaient pourrir. Là, ça ne fait plus rire du tout.
Digestion difficile
Roxane (la vie sexuelle de ma pote) est une série courte qui pourrait être sur le papier le pendant féminin de Bref. Écrite et incarnée par Julie Bargeton, elle ressemble surtout à une mauvaise telenovela. Dans l’épisode de ce soir-là, Roxanne raconte son périple au Bus Palladium qui la mène dans le lit d’un lycéen. Manque de finesse, dialogues qui tombent à plat: trois minutes qui ne réussiront pas à nous arracher un sourire. L’émission documentaire Sans tabou met le doigt sur des sujets lourds pour en faire des téléfilms lacrymaux. Quand un couple lesbien part à Barcelone tenter une insémination artificielle, le gros plan sur le test de grossesse négatif et les larmes qui vont avec est vraiment lourdingue. Un sujet au cœur de l’actualité qu’on aurait aimé voir traité avec moins de sensationnalisme.
Pause salon de thé
Le magazine quotidien 10 ans de moins est un talk show où les chroniqueuses se succèdent dans un grand brouhaha. On comprend mal pourquoi les sujets high tech sont tous abordés sous l’angle des enfants, comme s’il était nécessaire de se mettre à jour pour eux et non pour soi. Mais on trouve aussi des reportages intéressants, comme un portrait de la cantatrice Malika Bellaribi-Le Moal qui enseigne l’opéra dans les quartiers défavorisés.
Cauchemar éveillé
À 1h13, on se retrouve contre notre gré à côté du sein de Tori Spelling à la maternité dans sa télé-réalité La Nouvelle Vie de Tori Spelling. Pendant qu’elle tient le petit doigt de bébé sous le regard de la caméra voyeuse, cette vidéo de famille nous rappelle le film dystopique La Mort en direct de Bertrand Tavernier. À un détail près : là, c’est nous qui mourrons… de gêne.
Charline Lecarpentier
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