Acceptée à L’Atelier scénario de la Fémis, Deborah Hassoun a un an pour écrire son scénario de long-métrage. Atteindra-t-elle son objectif? Chaque mois, elle nous raconte sa progression.
Depuis ma dernière chronique, j’ai dû: me remettre des fêtes de fin d’année puis d’un attentat (je n’ai toujours pas digéré l’un et fini de vomir l’autre), balancer la moitié de mon scénario à la poubelle, simplifier, ne pas avoir de regrets, simplifier, ne pas fuir les conflits de mes personnages dans le présent en étalant leur passé, simplifier, rendre ma dernière version pour l’Atelier scénario de la Fémis, avouer que j’étais un peu fière et m’inquiéter pour la suite…
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Rembobinons juste avant le passage au fond de la poubelle. Embourbée dans les secrets de famille, j’avais perdu de vue l’histoire que je voulais raconter. La dernière version que j’avais rendue me tombait des mains et même mon personnage de grand-mère chaude du cul ne me faisait plus rire. En matant La Boum pour la millième fois, il me paraissait évident qu’il n’y avait plus rien à inventer depuis la pimpante Poupette. Comment ne pas abandonner dans ce cas? Comment retrouver l’origine de l’envie sans régresser? Que faire avec une histoire qui ne nous ressemble plus?
Comme je suis maso, principale qualité du scénariste avec la paranoïa et le sentiment d’usurpation, j’ai persévéré.
Comme les étapes du deuil, celles du scénario sont assez claires: illumination/ exaltation/ découragement/ regain/ dépression. J’en étais à dépression. L’écran de mon ordi ne reflétant que mon visage déconfit, je n’avais pas le moindre indice de la solidité des nouvelles idées qui me traversaient l’esprit.
L’avantage de travailler à deux et encore plus à cinq, c’est l’enthousiasme que tu peux lire sur la gueule de ton coauteur. Une de mes camarades d’écriture a même pour tic jouissif de crier “c’est bon ça!”, quand l’idée salvatrice surgit.
Comme je suis maso, principale qualité du scénariste avec la paranoïa et le sentiment d’usurpation, j’ai persévéré. M’accrochant aux branches des derniers retours dictés par mon groupe de la Fémis, scrutant dans mes notes ce qui leur avait plu, ce qui leur paraissait essentiel, ce que j’avais noyé sous les secrets de famille par peur de ne pas avoir assez de rebondissements. J’avais souligné au Stabilo -j’en profite pour rajouter dans l’énumération ci-dessus, concernant le scénariste, l’obsession du surlignement-: se concentrer sur les rapports entre les trois femmes, ils suffisent à l’histoire. “Simplifiez!!!” L’injonction avait toujours été écrite en gros mais l’esprit fermé, les yeux ne fonctionnent pas.
Le scénario n’est qu’un objet qui a pour vocation de finir à la poubelle, il n’est qu’une étape vers l’objectif.
J’ai rendu en temps et en heure car il fallait rendre, parce que le temps et l’heure, ça sert à avancer même quand on est persuadé de ne pas pouvoir y arriver. J’ai aujourd’hui le sentiment d’avoir en ma possession un coffre de pirate dans lequel il manque la moitié des pièces d’or mais au moins, j’ai trouvé le trésor.
Le jury de la fin de l’atelier m’orientera vers la prochaine étape: trouver un producteur? Refaire une ou dix versions avant? Envoyer au CNC pour obtenir l’aide à la réécriture? Et s’ils me disent de changer de métier et bien je m’entêterai, encore et encore.
J’avais promis de faire dix chroniques dans l’année mais je me réserve le droit d’utiliser ma dernière si (il faut dire “quand” il paraît) le film est un jour sur les écrans. Le scénario n’est qu’un objet qui a pour vocation de finir à la poubelle, il n’est qu’une étape vers l’objectif. Un outil qui suscite le désir d’un producteur, de comédiens, d’un distributeur… Le sextoy du cinéma en quelque sorte. Souhaitez-moi d’atteindre l’orgasme.
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