Fanny, 27 ans, est payée pour draguer sur Internet. Pas pour elle, mais pour les autres: elle est “dating assistant”. Derrière son ordinateur, la jeune femme officie pour ceux qui, trop occupés, payent environ 16€ de l’heure pour débusquer l’amour sur la toile. En attendant de reprendre ses études, elle travaille donc pour Net Dating Assistant: de l’élaboration d’un profil à la prise de rendez-vous, en passant par la sélection de potentiels prétendants, Fanny s’occupe de tout.
Draguer sur Internet, je sais le faire. Le faire pour les autres, je me suis dit que cela pourrait être génial. Lorsque je me suis séparée du père de ma fille, pour lequel j’avais tout quitté, j’ai voulu reprendre mes études. Mais pour cela, il me fallait un boulot. J’ai pas mal postulé ici et là, dans la vente notamment, mais ça ne me correspondait pas: remplir des objectifs, le côté humain totalement absent, ce n’était pas du tout pour moi. En août dernier, je suis tombée sur une annonce pour être “dating assistant”, c’est-à-dire être payée pour draguer pour d’autres personnes sur Internet. J’ai voulu tenter ma chance malgré les nombreuses candidatures -plus de mille pour seulement une dizaine de places. Après avoir envoyé CV et lettre de motivation, j’ai eu l’agréable surprise de voir ma candidature retenue. Il a alors fallu que je passe plusieurs tests: écriture, simulation de dialogues, clients-tests… Pendant plusieurs mois, j’ai dû relever des défis. Puis, j’ai finalement été recrutée en novembre 2013.
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D’un jeu à un métier
Lorsque j’ai commencé, je vivais ce métier comme un jeu. J’ai toujours aimé écrire des nouvelles ou des chansons, cela me plaisait d’utiliser l’écriture pour donner envie à une personne de me rencontrer. Mais ensuite, lorsque j’ai appris à connaître mes clients, je n’ai plus du tout pris ça comme un jeu. Je me suis vite rendu compte de l’importance de l’enjeu: mes clients souffrent de leur solitude, ils ont vraiment envie de rencontrer quelqu’un, d’avoir une nouvelle vie. Avec cette prise de conscience, le métier m’a d’avantage plu. Une relation s’établit entre mes clients et moi, ils me confient une partie de leur vie. Une fois qu’ils sont en couple, ils me donnent des nouvelles ou m’appellent pour me demander des conseils!
Une agence matrimoniale 2.0
Net Dating Assistant, c’est comme une agence matrimoniale 2.0. On sait que l’âme sœur peut se trouver sur la toile. Mes clients sont principalement des hommes, mais de plus en plus de femmes font appel à nos services. Ils ont entre 27 et 60 ans, mais la moyenne se situe plutôt vers 35-40 ans. Ce sont des personnes très pressées, qui ont un travail qui leur prend énormément de temps. Ils préfèrent garder leurs moments libres pour leurs amis ou leurs loisirs, plutôt que de les passer à chercher des profils sur Internet.
Je peux obtenir un numéro de téléphone ou un rendez-vous en trois messages s’il le faut.
C’est là que j’interviens. Je demande d’abord au client de remplir une fiche où il me parle de lui de A à Z, de ses envies dans une relation, de ce qui le fait fuir. Ensuite, je discute avec lui par téléphone avant d’entrer dans sa peau pour partir à la quête de son âme sœur. Je sélectionne des profils de partenaires potentiels, selon les critères établis par le client. C’est déjà un gros gain de temps. Je peux obtenir un numéro de téléphone ou un rendez-vous en trois messages s’il le faut. Si le client a besoin de plus de temps pour passer à cette étape, je peux étaler le processus en une semaine. J’ai rencontré le père de ma fille sur un site de rencontres. Connaître le fonctionnement de ce genre de sites m’aide dans ce métier, car je sais qu’il faut être original pour attirer l’attention des hommes ou des femmes que je drague. J’essaye d’avoir des phrases d’accroche décalées ou intrigantes, il faut créer le mystère.
Un rapport à l’amour modifié
Avec ce métier, mon rapport à l’amour et à la séduction a changé. Avant, j’avais beaucoup d’a priori sur les hommes. Aujourd’hui, quand je parle à mes clients, je constate qu’ils sont tout simplement comme les femmes. Ils recherchent la tendresse, ils ont envie d’aimer, d’être aimés et ils sont fidèles. Ils ne veulent pas d’une bimbo bobonne à la maison, mais d’une femme intelligente. Cela m’a redonné confiance en la gent masculine.
Les limites du “dating assistant”
Une fois, un client marié a fait appel à mes services. C’était l’un de mes premiers et je n’ai pas su dire non. Sa femme était malade depuis plusieurs années et il souffrait de sa relation. C’était compliqué pour moi de lui faire rencontrer quelqu’un, et je ne suis pas sûre de vouloir être celle qui détruit un couple, même si celui-ci semblait déjà être détruit. Pour faire ce métier, il faut aimer les gens. Alors on a discuté tous les deux, et il a finalement décidé de redonner une chance à son couple. Aussi, lorsque je drague une personne sur le Net, je m’impose des limites. Je ne demanderais pas à une personne de confier des choses très personnelles, qu’elle regretterait d’avoir dites par la suite. Car je ne suis pas la personne qu’elle croit!
Propos recueillis par Arièle Bonte
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