Jusqu’à fin décembre, Nawell Madani se produit sur la scène des Feux de la Rampe. Cette humoriste belge, d’origine algérienne, détonne par son ton cash et son absence de tabous. Du coup, nous l’avons soumise à une interview “franc-parler”.
À l’interview, elle arrive avec vingt bonnes minutes de retard et ne pense même pas à s’excuser. N’y voyez là aucune impolitesse. Encore moins un comportement de diva. Nawell Madani, 30 ans, fait simplement partie de ceux qui ne perdent pas leur temps en circonvolutions diplomatiques et sans doute a-t-elle raison.
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Née à Bruxelles, cette humoriste d’origine algérienne remplit depuis le 2 octobre le petit théâtre parisien Les Feux de la Rampe avec son spectacle intitulé C’est moi la plus belge!. Nul besoin de passer à la télé pour ça, Nawell Madani est, comme elle dit, une “humoriste 2.0”: “Je suis très présente sur le viral, c’est dû sans doute à mes études.”
Diplômée de marketing management, la jeune femme, passée par le Jamel Comedy Club, se voit “comme un produit”: “Nous sommes beaucoup d’humoristes donc j’essaye de voir ce que je peux apporter de nouveau par rapport aux autres et comment je peux parler aux gens.” Ce qui est sûr, c’est que cette ancienne danseuse a le discours cash. Dans son spectacle, elle évoque pêle-mêle ses origines, son adolescence, sa famille, son arrivée à Paris et les relations hommes-femmes. L’occasion de la soumettre à une interview “franc-parler”.
Tu as toujours été aussi franche du collier?
Oui et ça m’a beaucoup apporté! Du coup, j’ai toujours été cheffe de bande: j’ai monté des crews de copines, de danseuses et même d’humoristes avec le Jam’Elles Comedy par exemple. Et puis, grâce à ça, j’ai des amitiés de longue date.
Nawell Madani en répétition avec sa chorégraphe et ses danseuses, © Nawell Madani, Instagram
Est-ce que ton franc-parler t’a déjà desservie?
Il m’a parfois joué des tours. Les gens ont un souci avec la franchise. Ce côté direct peut passer lorsque les gens ont une forte personnalité et n’ont pas de problèmes d’ego. Il m’est arrivé d’avoir un prof ou un supérieur que je ne trouvais pas bon et souvent, je ne le gardais pas pour moi. C’est là que ça posait problème. Dans le métier, il ne faut pas dire ce que tu penses visiblement. Moi, je n’arrive pas à faire la bise à des gens que je n’aime pas. C’est aussi ce qui fait que mon spectacle fonctionne, le public ne se sent pas dupé. Et puis, du coup, j’arrive à me regarder dans un miroir.
Sur scène, tu dégages une énergie phénoménale. D’où la tiens-tu?
Je ne sais pas. J’ai toujours été hyperactive. J’ai su canaliser cette énergie grâce à la danse et aux sports de combat. J’ai pratiqué le kick-boxing et j’ai fait un peu de boxe aussi. Je fais toujours beaucoup de sport d’ailleurs, du boot camp notamment. C’est de la cardio-muscu. Ça me défoule et après, j’ai la patate pour le spectacle. J’ai besoin de cet entraînement sportif pour tenir pendant le show.
“Je peux parler de tout sans aucun problème et j’ai appris à ne pas juger car, à l’inverse, je déteste qu’on me juge.”
Il semblerait que tu n’aies aucun tabou, est-ce le cas?
Oui, c’est vrai! Je peux parler de tout sans aucun problème et j’ai appris à ne pas juger car, à l’inverse, je déteste qu’on me juge. En faisant toujours attention de ne pas blesser ou heurter les gens. Finalement, on peut parler de beaucoup de choses mais c’est toujours une question de timing et de ton.
Dans ton spectacle, tu évoques même l’homosexualité de ton frère…
Mon frère n’est pas homo mais j’ai dans mon entourage proche quelqu’un qui est gay. Tout le monde fait comme si de rien n’était et je trouve ça affolant! Tout le monde admet qu’il est efféminé, qu’on ne l’a jamais vu avec une fille mais personne n’ose parler de son homosexualité clairement. De mon côté, je ne lui en parle pas frontalement, j’attends qu’il vienne à moi car je ne veux pas le mettre mal à l’aise. Mais je lui montre que je l’accepte tel qu’il est et quand il est venu voir le spectacle, il a ri car il a su tout de suite que c’était de lui dont je parlais.
“Lorsque tu es la seule femme dans un univers très masculin, tu es obligée de leur rentrer dans le lard pour leur faire comprendre que tu n’es pas dans la séduction.”
Est-ce que tu écris sous le coup de la colère?
Complètement. C’est le cas quand, dans mon spectacle, je parle de la position de la femme dans le milieu de l’humour ou comment les hommes peuvent se comporter dans ce milieu. Au début, beaucoup d’entre eux m’ont ramenée à mon physique et en ont oublié mon talent. Mais le jour où tu montes sur scène et que tu retournes la salle, ils finissent par se taire.
Comment tu arrives à conjuguer ta féminité avec ce côté très garçon manqué dans l’attitude?
Ça fait partie de moi. Quand j’ai besoin du côté garçon manqué, comme quand j’étais la seule femme au Jamel Comedy Club, il prend le dessus. C’est la même chose quand tu arrives dans un nouveau boulot et que tu fais des heures supplémentaires: tu dois faire tes preuves. Lorsque tu es la seule femme dans un univers très masculin, tu es obligée de leur rentrer dans le lard pour leur faire comprendre que tu n’es pas dans la séduction. Même si je dois avouer que ça ne marche pas à tous les coups.
Sur scène, Nawell Madani est rejointe à plusieurs reprises par ses deux danseuses, © Nawell Madani, Instagram
Tu as l’air très remontée contre les mecs, sont-ils irrécupérables selon toi?
Non, pas du tout! Dans le spectacle, je parle aussi bien des bâtards que des connasses. D’ailleurs, je dis souvent que les filles ne remarquent pas les mecs gentils et préfèrent les bad boys mais des gens sympas, il y en a!
Est-ce que tu prends un certain plaisir à mettre mal à l’aise les gens dans ton spectacle?
Tu as vu mon public? Il faut savoir les tenir! Pour beaucoup de gens, il s’agit de leur premier spectacle. Un jour, il y a une spectatrice qui est montée sur scène pour me faire un bisou car je l’avais fait rire. Ce sont des grandes gueules, je dois leur montrer que c’est mon show et pas le leur. Donc je vanne, je tacle, c’est une façon de les mater.
Pourquoi cette affirmation hyper nette de tes origines au début du spectacle?
D’abord, je voulais faire comprendre aux gens que j’étais une maghrébine de Belgique. Je n’ai pas vécu les problèmes liés à l’identité nationale qu’il y a pu avoir en France. Je n’ai pas grandi en banlieue, j’ai vécu dans une résidence pavillonnaire. Mes parents sont issus de la classe moyenne, je n’ai manqué de rien. Je suis d’origine algérienne, j’ai toujours de la famille là-bas et tous les étés, je passais deux mois là-bas. D’ailleurs, l’été dernier, j’ai fait mon premier spectacle à Alger, devant 3700 personnes. Et je réfléchis à faire un spectacle en arabe.
Propos recueillis par Julia Tissier
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