Tout au long de l’année, l’artiste Safia Bahmed-Schwartz part à la rencontre de ses pairs pour tenter de définir ce qu’est l’art.
Entre Dali, variété française et queue de sirène, Maxim Maillet m’intriguait, je l’ai donc rencontré pour qu’il m’explique où il voulait en venir.
Peux-tu te présenter?
Je m’appelle Maxim Maillet, je viens de Reims, j’habite à Paris et je prépare un projet musical.
C’est quoi ce projet?
Un projet spatio-temporel et sexuel qui nous emmène sur une île de lesbiens. Je travaille avec des producteurs: The Shoes, Jérémy Chatelain et Myd, de Club Cheval, qui se mettent au service de mes textes. Je fonctionne comme un directeur artistique, je leur donne des pistes. Ils retranscrivent ce que je veux en apportant leur touche personnelle. Ils possèdent des qualités d’écoute et de compréhension.
L’île de lesbiens dont tu parles, elle existe?
Juste dans nos têtes. C’est une île fantastique où les hommes deviennent des femmes et les femmes deviennent des hommes. On joue beaucoup sur le genre et l’ambiguïté. Tout le monde possède une part d’ambiguïté dans sa sexualité mais personne n’en parle. Pour certaines personnes, être un lesbien, un travelo, un ladyboy, c’est considéré comme un vice. Je déteste le mot “vice”, parce qu’il est négatif. J’avais envie de sublimer un truc qui repousse un peu les gens en faisant de la poésie.
Qu’entends-tu par “sublimer”?
Rendre le ladyboy poétique. J’ai une passion pour ces gens-là: il faut quand même avoir des couilles pour être un homme et devenir femme, ou l’inverse.
“Je me suis dit qu’il fallait que la variété française devienne couillue.”
Tu as toujours fait de la musique?
Non, avant j’étais éleveur canin.
Comment en es-tu venu à la musique?
Depuis quatre ou cinq ans, mes potes me faisaient remarquer que j’avais construit un personnage abstrait qui vagabonde la nuit, bourré, et qui ne dit que des saloperies à tout le monde. Je me suis dit qu’il fallait en faire un truc intellectuel, je me suis mis à écrire et on a décidé de lancer ce projet. On conçoit toujours la musique par rapport au texte, tout le monde fait le contraire mais je trouve plus important que la musique s’adapte au texte.
Pourquoi chantes-tu en français?
Parce que je suis un fanatique de variété française, mais aujourd’hui je trouve que c’est de la merde, qu’il n’y a plus rien. Je me suis dit qu’il fallait que la variété française devienne couillue.
Qu’est-ce que tu aimes dans la variété française d’avant?
J’accorde une importance monstrueuse au texte. Une chanson comme La Nuit je mens de Bashung, tu peux l’écouter vingt fois en une semaine; en fonction de l’humeur dans laquelle tu te trouves, tu comprends le texte différemment. Tu ne sais pas s’il parle d’amour ou de résistance pendant la Seconde guerre mondiale et tu te laisses aller. J’aime aussi Daniel Darc, Etienne Daho ou Patrick Juvet, qui est considéré comme un tocard mais qui, pour moi, est fascinant.
Ta tagline, c’est “Parfois par plaisir je crache sur le portrait de ma mère”. Pourquoi?
C’est une phrase de Dali que j’ai tatouée sur mon ventre, elle vient d’un tableau que j’ai découvert il y a deux ans. Je trouve ça poétique, car une maman c’est intouchable et j’adore quand on s’attaque à ce qui est intouchable. D’ailleurs, on peut aussi cracher par amour.
C’est quoi l’art pour toi?
C’est délicat comme de l’assouplissant.
Tu parles d’amour, mais tu es cependant très sarcastique. Le sarcasme, ce n’est pas l’inverse de l’amour?
Je suis surtout très paradoxal, je dis certaines choses que je pense, mais ensuite je peux dire l’inverse. Le personnage de Maxim Maillet, c’est un paradoxe.
“Aujourd’hui, ceux qui ne sont pas en couple sont des testeurs.”
D’où t’est venue l’idée du clip?
Je voulais un truc étrange, paradoxal là encore: une sirène c’est hyper poétique et en même temps hyper asexué, il n’y a pas de prise de position, on reste dans l’amour et le non-sexe.
Quand sortira l’album?
Je n’ai pas envie de contrainte, pour l’instant je fais quelque chose que j’aime, j’écris sur ce qui me touche.
Tu te touches?
Je me tripote grave, tout le monde se touche. Aujourd’hui, le sexe régit le monde, sans sexe il ne se passe plus rien, ça peut débloquer toute les situations.
Et pas l’amour?
L’amour aussi mais ça devient beaucoup plus compliqué. Je suis un lâche et je choisis la solution de facilité: l’amour demande de construire, pas le sexe. Le sexe, il faut le sublimer, il faut trouver la bonne personne et pour ça il faut tester. Aujourd’hui, ceux qui ne sont pas en couple sont des testeurs.
Ton projet en définitive, il parle de ça, d’amour?
C’est un projet sur le concept de l’amour interdit, qui subsiste en 2014. Ma volonté est de donner de l’amour avec des sujets sensibles, ce que je trouve plus intéressant que de parler des hétéros. C’est triste à crever, les hétéros.