Le petit monde des politiques les connaît bien, le grand public pas encore. Cheek part à la rencontre des femmes politiques de la nouvelle génération, qui seront peut-être les ministres de demain.
Comme beaucoup de membres de la génération Y, Mariéme Tamata-Varin a la bougeotte et ne cesse de lancer de nouveaux projets. À la différence près que, depuis le printemps dernier, la jeune femme de 33 ans est maire de sa commune de Yèbles en Seine-et-Marne. Pas la peine d’insister sur son profil atypique en lui rappelant qu’elle est femme, noire et musulmane: “Yèbles, c’est la Brie centrale, ce n’est certainement pas ça qui m’a fait gagner”, rit-elle. Selon elle, c’est plutôt son énergie et son envie de faire vivre son village de 700 habitants, qui lui a permis, déjà en 2008, d’être sur la liste du maire précédent et de devenir conseillère municipale. Un mandat et quelques disputes plus tard, leurs deux listes s’affrontent en 2014, et c’est celle de Mariéme Tamata-Varin qui l’emporte. Elle est sans étiquette et l’assume: “Je dis toujours que je suis économiquement de droite et socialement de gauche, je n’ai pas envie de rouler pour un parti qui ne me ressemble pas.”
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“Personne ne me prenait au sérieux, c’est toujours le problème quand on est jeune élu, et c’est encore pire quand on est une femme.”
Désormais à la tête de sa commune -qu’elle a rejoint il y a dix ans pour élever ses enfants dans le calme rural-, la jeune élue a une priorité: empêcher la fermeture de l’école, contaminée par l’amiante. Elle a besoin de 360 000€ pour les travaux de rénovation, elle ira les chercher où ils sont, et pourquoi pas sur My Major Company. À l’automne, Mariéme Tamata-Varin lance une campagne de crowdfunding de 40 000 euros, une initiative inédite dans son domaine. “J’ai pris contact avec un avocat et avec la trésorerie de Yèbles avant de commencer, et j’ai compris que ce n’était pas illégal, explique-t-elle. Personne ne me prenait au sérieux, c’est toujours le problème quand on est jeune élu, et c’est encore pire quand on est une femme.” La générosité paye et la somme est réunie. Mais il reste aujourd’hui 142 000 euros à récolter, qu’elle compte bien aller chercher ailleurs, à l’Élysée ou au sein du CAC 40 par exemple.
“Ma mère est marocaine, mon père est mauritanien, ma grand-mère est sénégalaise et mon mari est tahitien, je sais à quel point la diversité est une richesse!”
Mariéme Tamata-Varin ne s’en cache pas: elle adore sa nouvelle casquette d’édile, qu’elle cumule avec son job de directrice d’un centre de formation pour l’Afrique -les indemnités de maire d’un village sont plus symboliques qu’autre chose. “Je m’éclate dans cette fonction, j’ai toujours aimé organiser des projets et prouver que l’être humain a du bon en lui, lâche-t-elle. C’est très important, particulièrement avec ce qui se passe en ce moment dans le monde et en France.” L’allusion aux attentats du mois de janvier est claire, Mariéme Tamata-Varin confie qu’elle a été “bouleversée” et qu’elle veut œuvrer à son niveau pour encourager le dialogue entre les communautés. “Ma mère est marocaine, mon père est mauritanien, ma grand-mère est sénégalaise et mon mari est tahitien, je sais à quel point la diversité est une richesse!” Alors que sa carrière politique ne fait que commencer et qu’elle ne projette pas de sortir de l’échelon municipal, Mariéme Tamata-Varin s’est amusée à imaginer ce que serait sa vie de ministre.
De quel président serais-tu ministre?
Je sais bien que c’est impossible à ce niveau, mais j’aimerais trouver quelqu’un qui n’ait pas d’étiquette et qui aime avant tout travailler dans le collectif. J’ai apprécié des personnalités aussi différentes que Nicolas Sarkozy et Dominique Strauss-Kahn. Le premier a été très courageux de lancer des réformes anti-populaires dans l’intérêt de la France. Le second a sauvé pas mal de pays quand il était président du FMI, et j’aurais certainement voté pour lui s’il n’y avait pas eu toutes ces affaires.
“Il y a beaucoup trop de technocrates dans les ministères.”
Quel ministère aimerais-tu occuper?
Celui de la famille, car je trouve qu’il y a beaucoup de progrès à faire dans ce domaine et qu’il faut faire évoluer les lois. Par exemple, j’aimerais que dans les familles recomposées, le beau-parent ait davantage de droits. Moi qui ai élevé les enfants de mon mari aux côtes des miens, je ne fais pas la différence, ils sont mes enfants aussi, et pourtant je n’ai aucun lien juridique avec eux. Il y a aussi des choses à faire en direction des personnes âgées: ne faut-il pas responsabiliser les gens vis-à-vis de leurs parents? On ne peut pas les laisser mourir seuls, ce sont quand même eux qui nous élèvent!
Quel est celui que tu n’occuperais jamais?
Celui des sports, parce que je n’y connais rien et je ne vois pas ce que je pourrais apporter. Il y a beaucoup trop de technocrates dans les ministères, et j’aimerais bien qu’on les mette un peu dans la vie réelle pour qu’ils se rendent comptent du fossé qui les sépare des Français. Je suis sûre que les lois ne seraient plus les mêmes.
Pour quel ministre as-tu déjà travaillé?
Aucun. Mais, depuis que je suis maire, je suis en contact avec Yves Jégo, qui appuie certains de mes dossiers en tant que député de la Seine-et-Marne. Il connaît bien le département et la commune.
Si tu ne deviens jamais ministre, quel autre mandat aimerais-tu exercer?
Celui de député, car on a une vraie arme pour changer la vie des gens. Mais qu’Yves Jégo se rassure, je ne lui ferai pas de concurrence! (Rires.)
“La politique manque de femmes et c’est dommage car elles sont souvent beaucoup plus courageuses que les hommes.”
Préconises-tu un âge minimum et un âge maximum pour être ministre?
L’âge minimum, c’est celui de la majorité. Il faut laisser la place aux jeunes en politique, ce sont eux qui innovent et qui imaginent de nouvelles actions. Au bout de quatre ou cinq mandats, quand on ne se sent plus capable d’apporter quelque chose, il faut arrêter. Je suis contre le cumul des mandats, sauf dans le cas de député-maire: en tant que maire, un élu se prend la réalité en pleine figure et peut le faire remonter à l’Assemblée nationale.
Pour ou contre la parité en politique?
Pour! Aujourd’hui encore, dans les salles, il y a 90% d’hommes qui me regardent en se demandant quelle connerie je vais sortir. La politique manque de femmes et c’est dommage car elles sont souvent beaucoup plus courageuses que les hommes.
Si tu étais ministre, tu continuerais de tweeter toi-même?
Oui, car c’est bien d’avoir des contacts directs avec la population, sans intermédiaire. Twitter est un outil intéressant mais limité par rapport à un blog ou une page Facebook, car on n’a pas la place de développer ses idées.
Et tu posterais des selfies en conseil des ministres?
Non, je suis trop classique pour ça! Je trouverais ça drôle si tous les ministres le faisaient, mais pour moi qui suis à la fois jeune et femme, ça ne ferait pas crédible, je préfère respecter l’institution et la confidentialité du lieu.
Propos recueillis par Myriam Levain
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