Maria Valverde tient le rôle principal de Plonger, le nouveau film de Mélanie Laurent, et fait ses débuts en France après avoir bien installé sa carrière en Espagne, où elle est née.
En France, le visage et le nom de Maria Valverde, 30 ans, sont encore inconnus, et elle confie adorer ça. “J’ai l’impression de commencer à nouveau, et c’est une sensation très agréable”, lance-t-elle avant même qu’on ait démarré l’interview. Car, en vrai, la comédienne espagnole à l’affiche du nouveau film de Mélanie Laurent est loin d’être une débutante: elle a décroché son premier rôle dans son pays natal à l’âge de 16 ans et n’a plus cessé de tourner depuis. À 23 ans, elle est carrément devenue une superstar après avoir joué dans l’un des plus gros succès de la décennie: Trois mètres au-dessus du ciel, qui fit 1,5 millions d’entrées en Espagne, tout comme le deuxième volet sorti deux ans plus tard. Cette comédie romantique pour ados, dont la mise en scène n’a rien à envier aux telenovelas latinos, racontait l’histoire d’amour passionnée entre une gosse de riche de Barcelone et un bad boy motard… Et n’est même pas sortie en salles en France, preuve que rien ne prédestinait Maria Valverde à donner des interviews dans un hôtel parisien à la mode -un autre monde.
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“Au cinéma, on est habitué à voir les femmes dans des rôles faciles qui sont bien souvent des faire-valoir de leurs partenaires masculins.”
Si cet immense succès populaire a propulsé la jeune femme dans la sphère de la célébrité, c’est aussi parce qu’elle a rencontré sur ce tournage celui qui allait partager sa vie pendant quatre ans, Mario Casas, et faire d’elle la moitié d’un couple célèbre comme les médias et le public en raffolent. Les couvertures de magazines et les tapis rouges n’ont donc aucun secret pour celle qu’on compare parfois à Penelope Cruz (laquelle souffla d’ailleurs son nom à Ridley Scott pour le casting d’Exodus dans lequel elle figure), et pourtant, quand on la rencontre en cet après-midi pluvieux de novembre, elle semble réellement prendre du plaisir dans un exercice pourtant honni des journalistes et des comédiens: le junket, ou l’interview à la chaîne, chronométrée, avec dix médias dans la même journée. “C’est comme si je faisais la promo de mon premier film et je trouve ça très émouvant”, sourit-elle, visiblement heureuse de défendre le rôle, pas simple, de Paz dans Plonger, qui évoque frontalement la difficulté pour certaines femmes d’être mères. C’est ce qui arrive à la nouvelle héroïne de Mélanie Laurent, photographe intrépide, qui s’éteint au fur et à mesure que sa grossesse avance. L’enfant qu’elle porte a beau être le fruit d’un amour fou avec César, incarné par Gilles Lellouche, il entrave ses envies de voyages et de création et l’ancre dans un appartement parisien alors qu’elle rêve de Yémen et d’Oman. Jusqu’à l’étouffement et la fuite.
En adaptant le roman de Christophe Ono-dit-Biot et en montrant ce visage noir de la maternité, Mélanie Laurent nous emmène dans des chemins que l’on n’a pas l’habitude d’explorer et nous offre un portrait de femme complexe, sans doute plus honnête que les histoires de jeunes mères rayonnantes de bonheur. Un côté obscur qui a séduit Maria Valverde au moment d’accepter le job: “Au cinéma, on est habitué à voir les femmes dans des rôles faciles qui sont bien souvent des faire-valoir de leurs partenaires masculins, et je suis heureuse qu’on nous propose de plus en plus de personnages forts comme celui de Paz, explique-t-elle. Car les femmes ont leurs bons côtés mais aussi leurs mauvais, et pour une fois j’ai eu l’occasion de jouer quelque chose de nouveau. Je crois que je ne pourrai plus jamais aller vers des rôles lisses.” En tout cas, Maria Valverde est en train d’habituer son public français à des personnages de femmes indépendantes, à l’image de celui d’Alicia, qu’elle a interprété dans Ce qui nous lie de Cédric Klapisch, également sorti cette année. Deux films dans notre langue pour une actrice qui ne la parle pas -“Mon rêve est de l’apprendre, et je sais maintenant que tout est possible”-, c’est ça la magie du cinéma. Son prochain long-métrage, Galveston, sera donc en anglais, toujours sous la direction de Mélanie Laurent, avec qui elle a noué une relation forte sur le tournage de Plonger.
“Je n’ai aucun problème à me dire féministe, j’ai grandi dans une famille où les femmes, mais aussi les hommes, l’étaient.”
La réalisatrice avoue avoir eu un coup de cœur pour Maria Valverde au moment du long casting pour trouver sa Paz, et la comédienne le lui rend bien. “J’espère que Mélanie restera une amie et une mentor, c’est précieux de pouvoir admirer une femme de mon âge et c’est si rare. Elle me donne confiance en la jeunesse, les femmes et en moi-même.” Car Maria Valverde en est convaincue, on est plus fortes à plusieurs, et on doit s’entraider pour affronter la vie. “Je n’ai aucun problème à me dire féministe, j’ai grandi dans une famille où les femmes, mais aussi les hommes, l’étaient. Je crois que mon père est l’un des plus grands féministes que je connaisse, il m’a donné des ailes.” En cette ère post-Weinstein, la comédienne se réjouit que la parole féminine se libère, dans le cinéma et ailleurs. Celle qui a déjà dû négocier dur pour obtenir le même salaire que son alter ego masculin dans un film, sait que rien n’est facile pour les femmes, nulle part. “Dans tous les domaines, il y a une domination masculine qui s’exerce et nous devons être très intelligentes pour naviguer dedans”, répond-elle, elliptique, à notre question sur le harcèlement sexuel dont souffrent particulièrement les actrices.
Maria Valverde et Mélanie Laurent sur le tournage de Plonger © Mars Film
Avant de rebondir sur la grossesse, sujet du film qu’elle défend et qui pénalise, selon elle, beaucoup trop les femmes. “On te vire encore beaucoup pour ça, regrette-t-elle. En Espagne, les femmes ont en moyenne un bébé, ou deux maximum, et elles les font tard. La crise économique nous pousse à attendre d’avoir une certaine stabilité professionnelle pour pouvoir donner le meilleur à nos enfants, sans compter que certaines personnes n’en veulent pas, et je ne vois pas où est le problème.” Difficile de saisir cette perche pour lui poser la question de son désir personnel à elle, d’autant qu’on ne la pose jamais aux hommes. Et même si elle s’est mariée cette année avec le chef d’orchestre vénézuélien Gustavo Dudamel, qu’elle a suivi à Los Angeles, Maria Valverde n’a que 30 ans et encore quelques années devant elle pour y songer; en ce moment, elle dit se sentir surtout en pleine crise du passage à la trentaine, qui la pousse à s’interroger sur ce qu’elle veut vraiment dans la vie et à se sentir enfin adulte.
“Je crois beaucoup en l’amour, ça te donne de la force, tout est plus joli, tout prend plus de sens quand tu es amoureuse.”
Maria Valverde est belle comme une actrice, avec ce vague air oriental et sa chevelure brune qui la rangent définitivement dans la catégorie des incandescentes Penelope Cruz et autres Monica Belluci. Séances photo et interviews télé obligent, elle est apprêtée et maquillée, ce qui ne l’empêche pas d’évoquer de façon hyper naturelle la joie qu’elle a pu ressentir en redevenant anonyme hors de sa contrée et en pouvant enfin sortir en pyjama et manteau dans la rue. Si le chronomètre n’était pas en train de tourner, on en oublierait presque le va-et-vient des journalistes et des attachés de presse autour -Gilles Lellouche est dans la pièce du dessus. Elle a beau avoir quitté Madrid pour Londres il y a trois ans, puis être partie vivre en Californie et avoir tourné en France, Maria Valverde garde cette spontanéité méditerranéenne qui tranche avec une certaine froideur parisienne. Tant pis pour le cliché. L’espagnol de la conversation, et le tutoiement qui va avec, aident sans doute à détendre l’atmosphère, ainsi que le fait de s’adresser à un média dédié aux jeunes femmes et d’aborder des thèmes tels que celui de la sororité.
Elle parle en toute décontraction du vide intérieur qu’elle peut ressentir comme Paz, alors que son agenda est bien rempli, des questions qu’elle se pose en permanence et qui amènent toujours d’autres questions, de ses années de solitude, d’anonymat et d’indépendance à Londres, qui l’ont construite après des débuts au sommet de la célébrité et une rupture amoureuse douloureuse. “Je voulais sortir de ma zone de confort. En Espagne, j’avais tout, ma famille, mes amis, du boulot. Je voulais me sentir maladroite et débutante, je voulais me sentir seule et grandir. Ça a été très dur, j’ai beaucoup pleuré, mais ça a été magique car je me suis découverte et j’ai appris à vivre avec moi-même. Je pense que c’est un moment important dans la vie d’une femme: être ouverte au monde et aux opportunités qui se présentent.” Le déménagement suivant à L.A. a été beaucoup plus doux car il lui a permis de rejoindre l’homme qu’elle aime. “Je crois beaucoup en l’amour, ça te donne de la force, tout est plus joli, tout prend plus de sens quand tu es amoureuse.”
Et parce que son cœur sera toujours en Espagne, un prochain projet devrait la ramener en 2018 sur ses terres, pour sa plus grande joie. Même si elle est 100% castillane, Maria Valverde suit avec intérêt et inquiétude l’actualité en Catalogne, région qu’elle adore et qu’elle n’imagine pas sortir de son pays, à qui la crise économique a donné un regain de créativité, notamment dans le cinéma. “Le manque de moyens rend les gens plus innovants.” Un dernier mot sur Instagram, où elle est plutôt active. À ses 725 000 followers, elle dit vouloir montrer qui elle est, bien qu’elle n’échappe pas plus que les autres à la vie filtrée et la mise en scène de soi indissociables du réseau social. “Je sais que je suis très suivie au Mexique, au Brésil ou en Russie, par exemple, où Trois mètres au-dessus du ciel a été un phénomène, jamais je n’aurais imaginé ça”, plaisante-t-elle. La dernière question vient d’être posée, mais aucun attaché de presse n’est venu nous dire de nous dépêcher. On a dépassé de cinq minutes le créneau qui nous était réservé et la comédienne nous claque la bise en partant. Pas de doute, le cœur de Maria Valverde est toujours en Espagne.
Myriam Levain
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