À l’affiche de Going to Brazil, en salles demain, Margot Bancilhon interprète une jeune femme prise dans une succession de mésaventures qui la conduisent des plages de Rio au fin fond de l’Amazonie en compagnie de ses copines. Rencontre.
Avec sa voix grave, son sourire franc et son attitude ultra-naturelle -même quand elle entame une journée entière d’interviews-, Margot Bancilhon, 26 ans, donne envie de s’attarder à la table de la Favela Chic, privatisée pour la promo en clin d’œil au film qu’elle défend, Going to Brazil. Dans ce long métrage de Patrick Mille, Margot Bancilhon, déjà vue dans Five et dans Les Petits princes (qui lui a valu une nomination au César du meilleur espoir féminin en 2014), incarne Chloé, une presque trentenaire parisienne qui fuit sa lose sentimentale le temps d’un mariage au Brésil en compagnie de ses meilleures amies.
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Ce qui pourrait ressembler à un pitch de comédie romantique cul-cul tourne dès les premières minutes à un Very Bad Things comique, puisque le crew tue accidentellement un mec dès sa première soirée à Rio. Lequel mec, ultra bourré, avait tenté de violer l’une d’entre elles. Un scénario qui donne naissance à une affiche féminine et à des thématiques pour la plupart générationnelles: de l’EVJF à la cavale dans la jungle en passant par une sortie en boîte trop arrosée, le film nous donne à voir les aventures de quatre copines qui pourraient être les nôtres. Pendant qu’Alison Wheeler joue sa partition de coincée maladroite, Vanessa Guide endosse le costume de la michetonneuse prête à tout pour épouser un milliardaire brésilien, tandis que Philippine Stindel interprète une petite sœur énervée au coup de poing facile.
“On a tous nos failles qui nous obligent à porter des masques.”
Le personnage de Margot Bancilhon, qui multiplie les galères amoureuses et couche en trois secondes, est peut-être le plus touchant parce que le moins caricatural: que celle qui n’a jamais cédé aux avances d’un beau parleur lui jette la première pierre. “Ce que j’ai adoré dans ce personnage, c’est qu’elle passe pour la nana forte et grande gueule alors qu’elle masque une grande fragilité, explique Margot Bancilhon. On a tous nos failles qui nous obligent à porter des masques, comme Chloé.”
Si le film verse parfois dans un girl power trop artificiel et une vision du Brésil carrément cliché, il nous offre quelques grands moments de second degré, comme une soirée au consulat totalement WTF au cours de laquelle Patrick Mille himself donne de sa personne -on n’en dira pas plus pour ne pas spoiler. Pour les spectatrices que nous sommes, il a aussi le grand mérite d’offrir une histoire et des personnages féminins dans lesquels on peut se projeter, phénomène encore bien rare au cinéma. Surtout, en cette fin d’hiver pluvieuse, Going to Brazil donne furieusement envie de sauter dans le premier avion avec ses potes et de profiter de sa liberté de célibataire pour partir s’éclater au bout du monde tant qu’il est temps. C’est de tout ça dont on a parlé avec Margot Bancilhon. Rencontre.
Chloé, c’est un peu toi et c’est un peu nous toutes?
Je crois que les quatre personnages offrent toutes les facettes de ce que sont les jeunes femmes aujourd’hui; en fonction de nos personnalités, on va se retrouver plutôt dans l’une ou dans l’autre. Pour interpréter Chloé, j’ai forcément mis de moi, comme toujours, puisqu’un rôle passe avant tout par le corps, en l’occurrence le mien. Comme Chloé, je pense être une femme en quête de liberté, mais je n’utilise pas les mêmes moyens qu’elle pour y parvenir. Et comme elle, je suis quelqu’un d’assez franc, mais quand même beaucoup moins vulgaire dans ma façon de m’exprimer. (Rires.)
© Océan Films
Sa liberté passe notamment par une grande liberté sexuelle… Aujourd’hui encore, c’est compliqué pour une femme d’assumer ça?
Oui, je crois. On a avancé, bien sûr, mais je trouve qu’on est encore beaucoup dans “un mec qui couche avec plein de nanas, c’est un beau gosse”, à la limite on dira qu’il est un peu connard, alors que pour une femme, c’est plus compliqué. Chloé, comme beaucoup de femmes, recherche une certaine légèreté tout en étant amoureuse de l’amour. Et comme beaucoup de femmes, elle se lance alors qu’elle ne tombe pas sur les bons. Parfois, certains moments de la vie ne permettent pas la bonne rencontre.
Tu n’as pas beaucoup interprété de personnages girly, ce n’est pas ton truc?
Je crois que c’est lié à ma voix, qui est assez grave. Et d’après ce qu’on m’a dit, je renvoie l’image d’une femme de caractère, c’est peut-être pour ça qu’on ne me propose pas ce genre de rôles. Ça me va très bien, je m’amuse beaucoup à jouer avec les codes de la féminité, et j’estime que c’est un luxe de jouer des personnages aux antipodes de la fille girly.
Être une jeune femme blonde et sexy, c’est un atout ou un handicap?
Ça me plaît de jouer un rôle sexy si je peux dire quelque chose à travers ça. Le cinéma propose encore trop de rôles de femmes fantasmatiques au service des hommes, je suis contente de défendre autre chose. Dans Going to Brazil, par exemple, l’affiche est complètement féminine et j’en suis très contente.
Dans la vie, c’est qui ta bande à toi?
Quand j’étais ado, j’étais surtout entourée de mecs. En plus j’ai des frères, donc j’ai longtemps fréquenté plus d’hommes que de femmes. Mais plus j’avance, et plus je me rends compte que c’est important d’être entourée de femmes: il y a une solidarité, une entraide et une compréhension que j’aime énormément. Mes copines, ce sont mes alliées. On partage les galères, on se parle différemment que si des hommes étaient là… Et on ne parle pas chiffons. (Rires.)
Que penses-tu des gens qui disent que les filles entre elles ne sont bonnes qu’à se crêper le chignon?
Je pense que ce n’est pas propre aux femmes, il existe aussi des rivalités entre mecs. Au lycée, la représentation que je me faisais de l’amitié féminine, c’était justement cette jalousie entre filles. En devenant adulte, je me suis complètement écartée de ça et je me suis entourée de femmes, je trouve que c’est plus difficile d’être dans un rapport d’amitié sans ambiguïté avec un homme.
L’amitié, c’est une valeur-clé au XXIème siècle?
Oui, c’est très important pour notre génération, qui a grandi dans des familles recomposées et a beaucoup vu ses parents divorcer. Je crois qu’on est un peu désillusionnés en amour et qu’on se raccroche beaucoup à nos amis. En plus, les relations amicales renforcent le pouvoir des femmes: je me sens forte quand je suis avec mes copines.
Quels souvenirs t’a laissé ce tournage au Brésil?
Ma scène préférée est celle qu’on a tournée dans une favela pacifiée. Il y avait une vue incroyable sur Rio, comme dans toutes les favelas, et on a reconstitué un baile funk avec des danseurs dingues: j’étais au spectacle, c’était génial!
Instagram / @margotbancilhon
Pour Five, tu es partie en Thaïlande, pour Going to Brazil au Brésil, le voyage est un critère pour choisir tes rôles?
(Rires.) Pas vraiment, mais je reconnais que c’est une chance de pouvoir voyager grâce à mon métier. Au printemps, je pars un mois en Inde, ça fait longtemps que je veux y aller. Je sais que ça va être un choc, mais c’est autant la dimension culturelle que la dimension spirituelle qui m’attirent. J’essaye de ne pas avoir trop d’attentes pour pouvoir découvrir sur place.
Dans la vie, tu es la fille qui rentre à minuit après deux verres ou bien tu es celle qui enflamme le dancefloor toute la nuit?
Je suis celle qui squatte le dancefloor, même si je m’assagis avec les années. Au Brésil par exemple, j’ai été très raisonnable car on avait un rythme de boulot intense. Mais pendant longtemps, je n’ai pas réussi à quitter une soirée. Je suis une fan de danse et j’aime l’effervescence que tu trouves toujours dans une fête.
Passer derrière la caméra, tu y penses?
Oui, j’ai des projets d’écriture et de réalisation, mais pas encore aboutis, car j’ai beaucoup tourné ces derniers temps. Je ne me mets pas la pression, mais c’est sûr que, malgré mon amour pour le jeu, quand tu es comédienne, tu restes au service d’une idée qui ne t’appartient pas. Je veux pouvoir dire des choses, offrir de beaux rôles aux femmes aussi. Une femme qui réalise a forcément un autre point de vue, une autre manière de raconter une histoire. Je sens que notre génération a envie que ça bouge dans le milieu du cinéma, je me demande ce qui va se passer dans les prochaines années.
Tu te vois où dans cinq ans?
Toujours dans le cinéma, je n’ai jamais voulu faire autre chose. Si je devais me reconvertir, ce serait à la campagne: je ne pensais pas dire ça un jour car je vis à Paris depuis ma naissance, mais j’aimerais m’éloigner de la ville, de la société de consommation, de l’individualité. Je crois que c’est très générationnel, on a une prise de conscience par rapport à toutes ces questions, notamment l’écologie. Pour nous, l’engagement passe plus par là que par la politique -même si j’irai voter aux élections. En tout cas, dans cinq ans, j’espère que je pourrai choisir mes projets. Je rêve de jouer un rôle hyper sauvage, qui me ramènerait à un état primaire et me ferait aller chercher autre chose… Autre chose loin de la fille jeune et blonde.
Propos recueillis par Myriam Levain
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