“Les hétéro-connards” -comme ils aiment si bien se définir- ont encore frappé. Cette fois, ce n’est pas pour remettre au goût du jour un journal des années 70, mais pour défendre le “droit à la pute”. Dans une tribune à paraître le 7 novembre prochain sur Causeur, (dont une ébauche a déjà fuité dans la presse), ceux qui s’auto-baptisent les “343 salauds” dénoncent le projet de loi de pénalisation des clients, défendu par la ministre Najat Vallaud-Belkacem. Si le débat sur cette loi ne fait que commencer, avec maladresse et virulence -il n’y a qu’à lire le magazine Causette-, ce texte, qui se veut drôle et provocateur, n’élève pas le débat. Bien au contraire. Sous couvert de parler de prostitution, cette prise de position est un prétexte pour s’attaquer aux féministes et délégitimer le combat pour le droit des femmes. Le credo? Les hommes seraient aussi des victimes menacées par un législateur qui s’intéresserait de trop près à “leurs fesses”.
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Invoquer ce fameux “droit à la pute” laisse penser que les prostitué(e)s ne sont pas considéré(e)s comme des individus mais comme des fournisseurs de plaisir et de jouissance.
Tout d’abord, en lisant cette tribune, on ne peut s’empêcher d’avoir d’abord un sentiment de malaise, même si l’on n’est pas abolitionniste, comme l’explique Renée Greusard sur Rue89. En effet, tout y est mélangé. Invoquer ce fameux “droit à la pute” laisse penser que les prostitué(e)s ne sont pas considéré(e)s comme des individus mais comme des fournisseurs de plaisir et de jouissance.
Par ailleurs, la référence au manifeste des 343 salopes ne vous aura pas échappé. Tout ça pour “emmerder les féministes”, comme le dit Élisabeth Lévy, dans Libération. En lisant avec attention ce texte, on a presque l’impression qu’elles sont les seules visées. D’une part, les signataires sous-entendent que le combat pour le droit à l’avortement n’aurait été que celui des féministes et non des femmes. D’autre part, si le débat sur la prostitution est passionnel et passionné, rappelons que toutes les féministes ne sont pas abolitionnistes et que tous les abolitionnistes ne sont pas féministes. L’ambition affichée? Ridiculiser et mépriser le combat des féministes. En quoi le “droit à la pute” est-il comparable au droit à l’avortement?
Pendant le combat pour la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), les femmes se battaient pour disposer de leur corps.
Enfin, donner comme titre à cette tribune “Touche pas à ma pute”, autre référence subtile à “Touche pas à mon pote” de SOS Racisme, est à la fois synonyme de mauvais goût, de profond irrespect des prostitué(e)s et de mépris des combats féministes et des femmes elles-mêmes. Dans une chronique sur le Mouv, Nadia Daam résume la situation. Elle explique que pendant le combat pour la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), les femmes se battaient pour disposer de leur corps. Ici, les signataires souhaitent pouvoir librement disposer du corps des autres. Nuance donc. Bien sûr, on ne s’étonnera pas de voir en signature les théoriciens de “l’hétéro-connard”, à savoir Éric Zemmour, Nicolas Bedos ou Frédéric Beigbeder, en passant par Richard Malka, l’avocat de DSK, qui ont fait de la misogynie une nouvelle revendication, le tout agrémenté de bons mots. Malheureusement, l’anti-féminisme semble avoir de beaux jours devant lui, car ses porte-parole ont le champ libre dans les médias et (trop) peu de contradicteurs.
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