Génération Y rime surtout avec “débrouille”. Dans l’ouvrage intitulé Ma vie à deux balles. Génération débrouille, Sophie Brändström et Mathilde Gaudéchoux dressent le portrait d’une jeunesse désenchantée mais combative.
“‘Tu as une chance incroyable. Tu es entièrement libre.’ Ca, c’est sûr, liberté, manque de budget, précarité”, écrit Noémi, personnage central de l’ouvrage intitulé Ma vie à deux balles. Génération débrouille. Ce sont la journaliste Mathilde Gaudéchoux et la photographe Sophie Brändström -elles avaient déjà réalisé un Webdocumentaire sur le sujet en 2013- qui ont mené cette enquête sur la génération Y pendant plus d’un an.
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Composé de seize chapitres, intitulés De canapé en canapé ou Faire soi-même, le livre décrit -et montre à travers de nombreuses photos- les expériences de Jennifer, Thais, Abou, Thomas, et d’autres, à travers Noémi, journaliste indépendante fraîchement débarquée à Paris après avoir “écumé toutes les rédactions du Nord” et terminé son contrat de professionnalisation.
“On croit au CDI comme on croit au père Noël”
Ces jeunes ne partent certes pas tous du même point et n’ont pas tous les mêmes objectifs, mais ils ont un point en commun: ils font tous partie de la génération Y, à savoir la génération des moins de 30 ans, celle qui subit de plein fouet le chômage et la crise du logement, surtout à Paris. “On croit au CDI comme on croit au père Noël”, peut-on lire dans l’ouvrage, bac +5 ou pas. Face à l’incertitude et la précarité, ces vingtenaires et trentenaires ne se résignent pas mais doivent souvent faire preuve d’imagination pour s’en sortir. Chacun selon ses propres moyens et aspirations.
“Ils ne sont pas victimes. Ils maîtrisent leur vie, ils ont une clairvoyance.”
Redéfinir les règles du jeu avec une économie collaborative
Couchsurfing, récup, covoiturage, do it yourself, les combines des Y sont nombreuses, que ce soit pour s’alimenter, pour se loger ou encore pour se cultiver. Ces jeunes pour lesquels “précarité ne rime pas avec un concept bobo” transforment cette dernière en force. Comme l’explique Kevin, il faut “arriver à faire ce dont on a envie ou besoin avec ce qu’on a sous la main, trouver toujours une solution”. Ils se détournent donc souvent du marché traditionnel pour aller vers des modes de vie alternatifs, à base de troc et de réappropriation. Pour le sociologue Jean Pralong, interviewé à la fin du livre: “Ils ne sont pas victimes. Ils maîtrisent leur vie, ils ont une clairvoyance. (…) Ils prennent les outils qu’on leur tend à bras-le-corps pour en faire quelque chose à soi.” En somme, la créativité comme rempart à la crise.
Loin de l’étiquette d’individualiste qu’on leur attribue trop souvent, ils partagent des valeurs comme l’équité, l’entraide et la créativité.
“La débrouille, c’est les autres”
Pas facile de se débrouiller tout seul et encore moins d’avancer; c’est donc ensemble que les jeunes de la génération Y se battent pour réaliser leurs projets à force de persévérance. Comme dit Jennifer, qui gère avec Laura une association organisant des événements autour de la sexualité joyeuse, “la débrouille, c’est les autres.” Loin de l’étiquette d’individualiste qu’on leur attribue trop souvent, ils partagent des valeurs comme l’équité, l’entraide et la créativité.
Le livre dévoile également un “carnet pratique” non dénué d’humour avec des bons plans et des conseils. Au sommaire: comment choisir son coloc, du bon usage de bicarbonate de soude, réussir sa campagne de crowdfunding, etc. Porteur d’espoir et d’optimisme, l’ouvrage, très documenté, dresse le portrait d’une génération, qui à force de volonté et d’imagination, s’en sort beaucoup mieux qu’elle ne le croit. Comme le rappelle Noémi en paraphrasant Corneille, “à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire”.
Cora Delacroix
Cet article a été publié initialement sur Les Inrocks.
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