Tous les vendredis, retrouvez les aventures de Romy Idol. Mecs, boulot, famille, quotidien: Romy, c’est nous en pire.
Franchement, je n’avais pas prévu de me lancer ce soir-là. Mais bon, ça faisait des semaines que… Non, en vrai, ça faisait des mois. Reprenons depuis le début: ça faisait donc des mois que je fréquentais Alex. Nos principaux échanges se faisaient par texto ou dans un lit. En gros, on s’envoyait des textos quand on voulait s’envoyer en l’air. Alex était mon sexfriend et cette situation m’allait parfaitement bien. À mon grand dam, les choses ont dégénéré quand j’ai commencé à bien l’aimer. Je me suis souvenue de tous ces articles qui avaient fait du sexfriend le dernier accessoire à la mode et je m’en suis voulu à mort. Sur le moment, j’avais trouvé l’idée grandiose. Du sexe plaisir sans attache, c’était comme un Kinder Surprise mais en mieux: un avion qui vole vraiment quand tu le lances dans les airs, trois figurines d’Astérix au lieu d’une. Autant dire de la pure utopie mais moi, j’étais tombée dans le panneau. À l’époque, je n’avais pas saisi que le sexfriend est en fait le nom que l’on donne au mec qui veut bien coucher avec toi mais qui ne veut surtout pas être avec toi. Dans ces conditions, ma relation avec Alex est devenue compliquée à gérer. Surtout quand j’ai commencé à:
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– Passer mon temps à le surveiller du coin de l’œil en soirée et que, par conséquent, tout le monde a pensé que je développais un strabisme divergent.
– Me fringuer en Lara Croft à toutes les fêtes déguisées (humour 0, potentiel salope 10).
– Voir toutes les filles comme des concurrentes potentielles au point de souhaiter en envoyer certaines faire un tour à Koh Lanta.
– Élaborer des traquenards pour qu’il rentre systématiquement avec moi le samedi soir: “Tu sais, j’ai un chat chez moi, et il sait imiter le cri des mouettes”.
L’ultimatum, ça consiste à faire croire à un mec que s’il ne fait pas ce qu’on veut qu’il fasse, il va nous perdre.
Bref, ma vie, c’était la traversée du Styx. Prise au piège d’Alex-le-sexfriend, j’ai voulu m’en sortir. C’est là que j’ai envisagé la technique de l’ultimatum. Sonia m’en avait vanté les mérites et ça avait l’air facile à mettre en œuvre. L’ultimatum, ça consiste à faire croire à un mec que s’il ne fait pas ce qu’on veut qu’il fasse, il va nous perdre. Manœuvre à haut risque car la probabilité que le mec n’en ait rien à foutre est assez forte avec un sexfriend. Mais l’aventurière en moi a triomphé et j’ai joué mon va-tout: l’oukase était lancé. Pour mettre toutes les chances de mon côté, j’ai suivi étape par étape la méthode de Sonia.
Consigne n° 1: choisir le moment adéquat. Il était environ quatre heures du matin. J’avais passé la soirée avec Alex et ses potes. Nos niveaux d’alcoolémie étaient raisonnablement élevés. Les choses se présentaient plutôt bien, nous étions montés dans le même taxi. Le silence régnait. Pour m’assurer que nous n’allions faire qu’un seul arrêt, je lui avais envoyé un texto. Détaché, le texto: “On dort ensemble ce soir ?” A posteriori, s’écrire peut paraître idiot lorsqu’on est à quelques centimètres l’un de l’autre mais voilà, c’est comme ça, ça me gênait de parler devant le chauffeur de taxi. La réponse ne s’est pas fait attendre: “Pas ce soir, j’ai du boulot demain, je dois me lever tôt… ” C’était un samedi soir.
Le mâle étant réputé peu disposé à discuter lorsque les choses se corsent, il fallait suivre à la lettre la consigne n° 2: proscrire le “faut que je te parle”. Après un bel effort d’imagination, je lui ai renvoyé un texto: “Faut que je te parle, MAINTENANT.” Mon sexfriend a coopéré et nous sommes descendus du taxi. Sur le trottoir, juste en bas de chez moi, je me suis lancée.
Consigne n° 3: ne pas terminer par une question ouverte. Je me souviens avoir dit un truc du style:
– “On ne peut plus continuer comme ça. Ça ne me suffit pas, qu’est-ce que tu proposes?”
Tant pis pour l’entrée en matière… Heureusement, j’avais encore mes chances de ne pas trop foirer la consigne n° 4: ne pas laisser l’autre prendre le dessus. Là, mon sexfriend a asséné un:
– “Je ne me sens pas prêt pour une relation, je te l’ai déjà dit, ça me va comme c’est aujourd’hui mais si toi, ça ne te va pas, on peut arrêter de se voir…”
– “Heu…oui…peut-être…c’est mieux comme ça…on ne se voit plus alors…ok…salut… ”
Embrayer sur la consigne n° 5 était alors un jeu d’enfant: bannir tout contact physique après la mise en demeure. Donc je l’ai embrassé, en faisant tout mon possible pour donner à ce baiser-de-5-heures-du-matin-sur-un-trottoir un côté Robert Doisneau. Puis, il est parti et je suis rentrée chez moi. J’ai mal dormi car j’ai pensé toute la nuit à la consigne suivante, la dernière pour s’assurer une victoire “finger in the nose”. Elle était fondamentale puisqu’elle amorçait le combat psychologique qui pouvait durer, je le savais, plusieurs semaines.
Consigne n°6: respecter coûte que coûte l’ultimatum et attendre patiemment que l’autre craque. À 8h54, je compose le texto suivant: “Je me sens un peu nulle de t’avoir dit tout ce que je t’ai dit hier soir, je crois avoir dramatisé une situation certes pas satisfaisante mais pas désagréable! Promis, plus de phase de coup de pression, j’ai agi comme une enfant gâtée. Allez, on se voit vite. Je t’embrasse fort.”
Romy Idol
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