Avec son compagnon Ruben Amar, Lola Bessis co-signe Swim Little Fish Swim, la comédie dramatique indépendante la plus attachante de ce printemps, dans laquelle elle tient aussi le premier rôle féminin. Rencontre.
Pour la promotion de leur premier long-métrage, Lola Bessis et Ruben Amar reçoivent à domicile, dans un bel appartement du 6ème arrondissement de Paris –“qu’on va bientôt quitter, car le chauffage ne fonctionne pas”, précise la jeune femme pendant qu’on s’extasie sur la hauteur de plafond et l’éclat du parquet. À la maison, c’est comme ça qu’a été tourné Swim Little Fish Swim, la comédie dramatique indépendante la plus attachante de ce printemps, dont l’un des décors n’est autre que l’ancien appartement new-yorkais du couple. Lola Bessis en est la coréalisatrice et coscénariste, mais elle y tient aussi le premier rôle féminin. Celui de Lilas, artiste française venue à Big Apple pour tenter sa chance, et qui fait escale sur le canapé de Leeward et Mary, un couple de jeunes parents au bord de la crise conjugale.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Pour sa première fois à l’écran, la réalisatrice et comédienne de 24 ans bluffe par son aisance et hypnotise par son charme “à la française” (prononcez avec un accent américain) -d’ailleurs, on signale, pour l’avoir déjà rencontrée brièvement lors du Festival de Cannes, que sa photogénie n’a d’égale que sa sympathie. En attendant de la revoir devant la caméra de Nicolas Bary (Les Enfants de Timpelbach) pour un “film d’anticipation dans une société où les femmes auraient l’ascendant sur les hommes et pourraient se choisir un mari façonné sur mesure”, dont le tournage débutera à la rentrée, nous avons rencontré ce nouveau visage du cinéma français made in USA.
Choisir New York pour réaliser ton premier long-métrage était-il une évidence?
Complètement. Cette ville m’a toujours fascinée, je l’associais sans doute inconsciemment au cinéma indépendant américain que j’admirais. Dans un premier temps, je suis partie là-bas pour terminer mes études et je me suis mise à filmer la ville au quotidien: avec Ruben, on avait toujours nos iPhones sur nous et on documentait nos vies. Une fois, on est restés dix minutes à filmer un vieil homme qui nourrissait des pigeons. C’est dire à quel point New York est cinématographique. (Rires.)
Quand on s’auto-produit, les choses sont-elles plus simples là-bas?
Non, au contraire. Mais, paradoxalement, c’est ce qui les rend plus accessibles aussi. En France, on a l’un des meilleurs systèmes d’aide pour le cinéma, mais ce n’est pas toujours un cadeau pour les jeunes réalisateurs. Ces derniers -et surtout les producteurs-, attendent des aides qui ne tombent parfois qu’au bout de six ou sept ans, voire jamais. À New York, ça n’existe pas. Tous les cinéastes sont obligés d’avoir des boulots alimentaires en parallèle. Mais le bon côté des choses, c’est que beaucoup de jeunes diplômés se lancent sans attendre dans leur premier film, et conservent ainsi une certaine fraîcheur.
Est-ce à New York qu’on trouve les meilleurs acteurs?
Là-bas, tout le monde est acteur. Nous, on aime bien travailler avec des gens qui ne le sont pas. On arrête des passants dans la rue, on les prend en photo et on leur demande leur numéro pour pouvoir les recontacter. On a voulu procéder comme ça pour le film mais, manque de chance, on ne trouvait pas de non-acteurs! Finalement, on est tombés sur Dustin Defa, qui joue Leeward, le personnage principal. Il n’est pas acteur à la base, mais il évolue quand même dans le milieu du cinéma, puisqu’il est réalisateur.
“On avait d’abord pensé le film comme une sorte de docufiction inspiré d’une situation réelle, à savoir nos problèmes de visa.”
Et les rôles féminins, comment les avez vous castés?
Brooke Bloom, qui interprète Mary, est une actrice professionnelle. Le grand public a pu la voir dans Les Experts Miami. Nous, on l’a découverte dans un petit film indépendant, Gabi on the Roof in July, où on l’avait trouvée incroyable. Quant à Anne Consigny, on a eu son contact par des amis d’amis, et on s’est adressés à elle directement. Elle a été enthousiaste dès le début.
Pour le rôle de Lilas, il n’y avait personne d’assez bien en dehors de toi?
Exactement: on a failli appeler Marion Cotillard, mais on s’est dit qu’elle n’était pas à la hauteur! (Rires.) En fait, je joue le rôle de Lilas car, au départ, le film devait être tourné en équipe très réduite, juste avec Ruben et moi. On l’avait d’abord pensé comme une sorte de docufiction inspiré d’une situation réelle, à savoir nos problèmes de visa. On s’est acheté une petite caméra et on filmait le week-end, comme ça, pour garder la main. Mais très vite, on s’est aperçu que beaucoup de films de bonne qualité avaient été tournés avec de tout petits moyens, et on s’est dit “pourquoi pas nous?”. On a donc ajouté des histoires et des personnages, mais celui de la Française est resté, et moi avec. C’était un pari car, à part quelques cours de théâtre, je n’avais jamais joué.
Votre film est imprégné d’art contemporain, qu’il soit underground ou institutionnalisé. L’art te semble plus omniprésent à New York qu’à Paris?
Peut-être oui, mais je ne suis pas très objective car quand je suis à Paris, je n’ai pas le temps d’aller au musée. À New York, il y a des tas de galeries intéressantes et bien sûr, le MoMa ou le Whitney Museum, qui ont des collections incroyables et de superbes expositions temporaires. Mais l’art est aussi très présent dans la ville même, notamment avec les graffitis. Dans le film, on se moque gentiment de certains artistes qui pensent que tout peut être art, même si on a tendance à penser la même chose. Il y a cette scène où les gens peignent nus: le loft où on a filmé existe, et il héberge toute une communauté de gens qui peignent ensemble. Ils ne sont pas nus, mais c’est ce genre d’esprit. (Sourire.)
“Beaucoup de gens critiquent la gentrification de New York et regrettent ce qu’elle était dans les années 70.”
Swim Little Fish Swim baigne aussi dans la musique. Tes références en la matière sont-elles new-yorkaises?
Pendant longtemps, je suis restée très attachée à la variété française. J’adore certains trucs hyper ringards des années 80, comme Philippe Lavil par exemple. (Sourire.) Mais en vivant aux États-Unis et en améliorant mon anglais, je me suis mise à prêter plus d’attention aux paroles et j’ai aussi pris goût à la musique américaine. Dans le film à la fin, la chanson composée par Leeward pour Mary a été écrite par un musicien qui joue dans un groupe formidable, Last Good Tooth, qui est un peu dans la veine de Devendra Banhart.
Ton personnage se balade seul en robe légère avec sa valise dans les rues de la ville. New York, c’est plus accueillant que Paris quand on est une femme?
En ce moment en tout cas, c’est une ville plus sûre que Paris. Beaucoup de gens critiquent la gentrification de New York et regrettent ce qu’elle était dans les années 70. Un des acteurs du film, qui joue le patron du studio dans lequel Leeward enregistre, vivait dans le Lower East Side à cette période. Il nous a raconté que les gens se tiraient dessus d’un toit à l’autre, que la mafia était omniprésente. C’est ce qu’aimaient d’ailleurs les cinéastes de cette époque, comme Scorsese notamment. Même si c’est peut-être moins inspirant pour un artiste aujourd’hui, en tant que jeune femme, je m’y sens mieux qu’à Paris. On peut s’y balader en minijupe sans problème, et une loi est même passée pour autoriser les femmes à se promener topless.
Propos recueillis par Faustine Kopiejwski
{"type":"Banniere-Basse"}