Lina Ben Mhenni, la blogueuse et cyberdissidente tunisienne devenue célèbre pendant le Printemps arabe, répond aux questions geek de Cheek.
À 31 ans, la Tunisienne Lina Ben Mhenni est l’un des visages emblématiques du Printemps arabe. Dès 2007, la jeune femme a su saisir l’espace de liberté que représente le Web dans les pays où la censure est de mise. Fin 2010, quand la révolution tunisienne éclate, elle passe en quelques clics du statut de professeure d’anglais engagée à celui de défenseure des droits de l’homme. Dans le monde entier, on se connecte sur son blog, A Tunisian Girl, sur lequel elle rapporte ce qui se déroule dans son pays. Cible du régime, elle se fait voler son ordinateur et les menaces de mort fusent pour la dissuader de s’exprimer. Mais elle ne lâche rien et aujourd’hui encore, trois ans et demi après cet évènement historique, Lina Ben Mhenni continue de se battre sur la toile avec pour seules armes ordi, smartphone, caméra et réseaux sociaux. Un engagement sur tous les fronts qui ne la dispense pas pour autant de poster des vidéos de son chat sur YouTube!
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
“Les politiques perdent un temps fou à vouloir devenir des leaders, un blogueur peut agir plus rapidement.”
Quand elle parle IRL, il y a autant d’émotion que de sincérité dans sa voix. Sur le Net, elle justifie sa position par un simple sursaut citoyen, un besoin de faire changer les choses: “Les politiques perdent un temps fou à vouloir devenir des leaders, un blogueur peut agir plus rapidement.” Nominée pour le Prix Nobel de la paix 2011, classée parmi les 100 femmes les plus influentes du monde arabe en 2013 par le magazine Arabian Business, Lina Ben Mhenni a vu sa vie réelle métamorphosée par le virtuel. Elle nous raconte son parcours Web dans l’entretien connecté.
Geek de la première heure ou geek formée sur le tas?
Geek de la première heure! J’ai introduit Internet à la maison en 2000 et depuis, je n’ai plus jamais quitté mon écran.
Plutôt Twitter ou Facebook?
Je suis plutôt Facebook, comme la majorité des Tunisiens. Si je veux atteindre le maximum de gens, je dois utiliser ce réseau car ils ne sont pas très familiers de Twitter. Et puis je suis trop bavarde, les 140 caractères ne suffisent pas!
Le tweet qui t’a le plus marquée?
Tous les tweets avec le hashtag #sidibouzid (La ville où Mohamed Bouazizi s’est immolé par le feu, déclenchant ainsi la révolution tunisienne) dès les premiers jours de la révolution.
Ton tweet le plus brillant?
Un tweet de la révolution. Je disais que je venais pour la première fois de voir le corps d’un martyr à Regueb. Ce tweet a été mentionné dans le top 100 des tweets du Printemps arabe de Rue 89.
Ton twitto/twitta préféré(e)?
Faten, alias @JasminTN: c’est une artiste, blogueuse et maman très engagée.
Mac ou PC?
Avant le départ du dictateur Ben Ali, j’étais plutôt PC. Depuis quatre ans, j’utilise un Mac et c’est finalement plus pratique, il y a beaucoup moins de virus. Du coup je vais “Mac-continuer”.
Combien d’heures tiens-tu sans smartphone?
Dès que mon téléphone est déchargé, je deviens folle. Je passe beaucoup de temps dans les avions et je me sens irritée sans mes news, sans Facebook et Twitter. Bref, je ne peux pas tenir sans un smartphone. La nuit, il est à côté de moi sur la table de chevet et il m’arrive même de me réveiller pour voir mes notifications.
As-tu des périodes detox?
J’essaye d’en avoir depuis des années mais je n’arrive pas à le faire. Je suis droguée, accro au digital. Je devrais suivre des séances de désintoxication.
Ce que tu ne pourras jamais faire en ligne?
L’amour. (Rires.) J’aime être entre les bras de mon homme dans la vie réelle. Je veux sentir sa chair contre la mienne.
Ce que le Web a le plus changé dans ta vie?
Le Web a tout changé dans ma vie. D’une citoyenne “normale”, je suis devenue une citoyenne persécutée par la police à cause de ce que je postais sur Internet et j’ai eu à faire face à la censure et au harcèlement policier (sous le régime de Ben Ali). Après le départ de Ben Ali, mon travail a été médiatisé et je suis devenue une figure publique -enfin c’est ce qu’ils disent. Du coup, je suis amenée à participer à des conférences nationales et internationales, à voyager, à participer à des émissions de télé… Et maintenant, je suis une cible des terroristes et je vis sous la protection rapprochée de la police à cause de mes opinions exprimées sur Internet. En fait, le Web m’a fait perdre ma vie privée.
Propos recueillis par Laura Soret
{"type":"Banniere-Basse"}