Lina Al Maeena, fondatrice du Jeddah United Sport Company, est à l’origine du premier match disputé par des basketteuses saoudiennes en France. On l’a rencontrée à cette occasion.
“Même si je ne joue plus dans l’équipe, c’est un rêve qui se réalise pour moi aujourd’hui”, confie Lina Al Maeena à la fin du match qui s’achève le 20 avril dernier dans le gymnase Kellermann à Paris. Émue, cela fait un an que la fondatrice du Jeddah United Sports Compagny en Arabie saoudite essaie d’organiser cette rencontre, qualifiée d’“historique” par la sénatrice Nathalie Goulet (UDI), venue y assister. Score final: 57-44 pour l’équipe saoudienne qui remporte le match face aux joueuses du PUC (Paris Université Club basket-ball). Basketteuse depuis l’âge de 10 ans, Lina Al Maeena considère aujourd’hui le sport comme une réelle source d’émancipation, elle en a d’ailleurs fait un vecteur central dans ses engagements.
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“Nous voulons casser les stéréotypes autour de la femme saoudienne.”
Du haut de ses 40 ans, Lina Al Maeena n’a jamais manqué de persévérance pour faire aboutir ses projets. En 2003, la première équipe de la Jeddah United Sports Company voit le jour grâce à elle. En 2012, elle escalade l’Everest avec d’autres femmes saoudiennes, lors d’une campagne de prévention de lutte contre le cancer du sein. En 2014, elle atteint la 71ème place du classement Forbes des 200 femmes arabes les plus puissantes du monde. Mais depuis novembre 2016, c’est en politique que Lina Al Maeena poursuit son action: elle siège à la choura, l’assemblée consultative du royaume Saoudien. Préoccupée par la situation des femmes, des enfants, des personnes handicapées, des personnes âgées mais aussi par les enjeux environnementaux, Lina Al Maeena fait partie des nouveaux acteurs qui participent à la modernisation de l’Arabie Saoudite, et se dit d’ailleurs optimiste quand au développement du royaume. Rencontre.
C’est la première fois qu’une équipe féminine saoudienne se déplace en France, pourquoi est-ce que ça été aussi long?
Parce que c’était d’abord un objectif local. Aujourd’hui, nous encourageons les femmes en Arabie Saoudite à faire du sport au niveau international, avec ces matchs amicaux par exemple, pour casser les stéréotypes autour de la femme saoudienne et construire des relations humaines avec les femmes du monde entier. Nous sommes déjà allées aux États-Unis, en Jordanie, en Malaisie, aux Maldives, à Abu Dhabi et maintenant en France.
Pourquoi avoir fondé la Jeddah United Sports Company?
C’est mon mari qui m’y a encouragée, à une époque où je restais enfermée chez moi pour m’occuper de ma fille, j’étais déprimée. C’est lui qui m’a même loué un terrain pour que je puisse y jouer avec mes amies, je me suis sentie tout de suite mieux. C’est comme ça que j’ai finalement décidé d’en faire mon métier afin de promouvoir les sports.
Monter une équipe de basket féminine en Arabie saoudite, c’était un défi?
Oui, ça été difficile de promouvoir cette idée car il y avait une partie plus conservatrice de la société qui s’opposait à la pratique du sport par les femmes. Mais surtout, il n’y avait pas de terrains, et il y a 15 ans, il n’y avait pas non plus de femmes coachs ni de professionnelles du sport féminin. Aujourd’hui, avec le plan national Vision 2030, c’est le gouvernement qui encourage la pratique du sport pour qu’elle passe de 13% à 40% de la population. Il pousse également les femmes à faire du sport, ce qui me semble participer à leur émancipation.
Comme le droit de conduire par exemple?
Je pense que l’obtention de ce droit n’est plus qu’une question de temps, car économiquement, c’est très cher d’avoir un chauffeur. Il faut savoir que les femmes ne sont à l’assemblée consultative que depuis 2013, il faut du temps, mais je suis convaincue qu’il y aura beaucoup de changements en ce qui concerne l’émancipation des femmes.
“Le pays est jeune et il va changer très vite.”
Depuis décembre 2016, tu sièges aux côtés de 28 autres femmes à la choura, l’assemblée consultative du Royaume. Quels sont les sujets qui y sont abordés?
La diversification de l’économie du pays est une question importante, c’est ce que prévoit le programme Vision 2030. Il faut savoir que le baril de pétrole a chuté de 55% environ ces trois dernières années alors que le PIB du pays dépend à environ 85% de ces ressources pétrolières. Cela réduit catégoriquement les ressources financières du secteur public alors même que 80% de la population saoudienne dépend de ce secteur public. Il devient nécessaire de développer le secteur privé.
Que souhaites-tu pour ton pays?
J’aimerais qu’il y ait plus de structures et plus d’aides pour les personnes handicapés, on a tendance à les oublier. J’aimerais également que l’on crée des centres spécialisés pour les personnes âgées, pour leur permettre de se socialiser avec plus de personnes mais aussi pour qu’ils puissent faire de l’exercice. Le sport n’a pas de limite d’âge. Sur la question environnementale, j’aimerais qu’on puisse développer le recyclage et les matériaux biodégradables. Il y a beaucoup à faire mais le pays est jeune et il va changer très vite.
Propos recueillis par Samia Kidari
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