Cher orgasme,
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Si je me penche sur mon clavier pour te parler, c’est que l’heure est grave. Je sais que je suis censée t’encenser mais vois-tu, ces temps-ci tu m’agaces. Sur le Web, à la télé ou sur papier glacé, on parle de toi comme de la quête du Graal qu’il faudrait à tout prix mener. À la clé: l’acmé du plaisir. Le vrai. Sur le principe, je signe tout de suite mais sous mes draps, je m’interroge. Est-ce le chemin ou le but qui me font du bien? Car, à se concentrer sur la jouissance finale, j’ai comme l’impression de louper un wagon.
Si autrefois tu étais persona non grata, aujourd’hui tu t’imposes comme le témoin de notre santé sexuelle. Bref, tu es la norme. La case à cocher.
Je tâtonne, je sais, mais j’ai peur de te vexer et que tu me boudes à jamais. Enfin, regarde-toi! Tu tyrannises tout le monde, au point que certaines femmes se sentent obligées de simuler tes effets. Si autrefois tu étais persona non grata, aujourd’hui tu t’imposes comme le témoin de notre santé sexuelle. Bref, tu es la norme. La case à cocher. Le truc à ne pas louper. Mais sait-on au moins t’identifier? Toi que l’on nomme “la petite mort”, tu risques de flinguer nos parenthèses charnelles à force de vouloir t’imposer. De quoi faire naître une nouvelle angoisse existentielle.
Parce qu’à force de se farcir “les 10 étapes à suivre” pour combler notre libido archi quadrillée, nous voici comme des cons à chercher à entrer dans la normalité.
Car nous voila passés, en quelques centaines d’années, d’une sexualité bridée à une sexualité robotisée. Le culte de la performance aurait-il migré de nos bureaux aseptisés à nos chambres à coucher? A force de se farcir “les 10 étapes à suivre” pour combler notre libido archi quadrillée, nous voici comme des cons à chercher à entrer dans la normalité. Celle définie par les études scientifiques bidons qui polluent nos écrans, celle que des spécialistes auto-proclamés distillent à coup de vérités mal placées et celles que la Génération YouPorn apprend à ses dépens. Soit une espèce de mécanique du sexe très bien rodée. Une équation X au résultat non différencié: un coït déchaîné sur un vagin rasé, qui se termine en apogée par des cris de jouissance un poil exagérés.
Et si moi je te bouscule un peu, sache que le Kama Sutra chinois a, depuis des millénaires, décidé de parier sur un concept que nous avons du mal à intégrer: le slowsex.
Mais attention, loin de moi l’idée de vouloir te chasser de nos moments d’extase si convoités. Non. Seulement, je soupçonne que, dans notre course généralisée, nous cherchions le but ultime sans prendre le temps de capter le plaisir subtil. Et si moi je te bouscule un peu, sache que le Kama Sutra chinois a, depuis des millénaires, décidé de parier sur un concept que nous avons du mal à intégrer: le slow sex. Une “décélération érotique” -terme employé par Carl Honoré dans son Éloge de la lenteur– dont l’objectif serait de snober la performance pour ne penser qu’à l’instant T. Pas d’attente, pas d’orgasme préprogrammé dans nos esprit sex-codés, pas d’étapes à valider. Bref, une “baise lente”, justement nommée par Nicole Daedone, auteure du best-seller Slow Sex: The Art and Craft of The Female Orgasm. Un corps-à-corps où l’on apprendrait à kiffer chaque sensation et à apprécier l’orgasme au moment où il vient. S’il vient.
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