Pendant le festival de Cannes, c’était un vrai florilège. Certaines actrices françaises ont mis les choses au point: elles ne sont pas féministes. La preuve? Elles adorent les hommes, le cinéma et la testostérone. Ça tombe bien, chez Les Martiennes aussi. Petite sélection, avec décryptage en prime, de leurs dernières déclarations sur les femmes, le féminisme et le sexisme.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop","device":"desktop"}
1. Juliette Binoche: “Je suis impatiente de voir le masculin se réveiller et accepter le féminin.”
Juliette Binoche dans TGV Magazine a répondu à la question “Êtes-vous féministe?”. “Non, expliquait-elle. Mais je suis impatiente de voir le masculin se réveiller et accepter le féminin. C’est effroyable de voir comment aujourd’hui certains hommes ont peur du féminin en le bêtifiant, en le voilant, en le mettant sur des talons, en l’enfermant, en réduisant le féminin à la femme-enfant, la femme-objet… Dans les années 70, le mouvement féministe a été nécessaire. En 1960, une femme en France devait encore demander la permission à son mari pour signer un chèque! Tant que le féminin sera mis de côté, l’humanité restera à un stade adolescent, en crise identitaire.”
Ce que ça nous inspire: Même si elle n’assume pas son féminisme, Juliette Binoche défend les femmes et leur indépendance. Le problème? À force de parler de “féminin” et de “masculin”, on a du mal à suivre son argumentation. Elle n’est pas “féministe”, mais reconnaît l’utilité du mouvement dans les années 70, notamment en ce qui concerne les lois sur l’accès à la contraception et à l’IVG, le droit de disposer d’un compte en banque, ou encore celui de travailler sans l’autorisation de son époux. Quid d’aujourd’hui?
2. Isabelle Huppert: “Dans le cinéma, la lutte pour l’égalité hommes-femmes est un combat d’arrière-garde.”
Isabelle Huppert était l’invitée la semaine dernière, avec la productrice Sylvie Pialat, du talk Women in motion, organisé par le groupe de luxe Kering pendant le festival de Cannes. Du compte-rendu de Télérama au Journal des femmes, on relève une certaine confusion sur une heure d’entretien. D’abord, les deux femmes entament avec ironie le débat comme si le sexisme et la misogynie n’existaient pas, déclarant: “La misogynie, quelle misogynie?”, ou encore “Dans le cinéma, la lutte pour l’égalité hommes-femmes est un combat d’arrière-garde”, sans oublier “Le rééquilibre entre les sexes se fait et se fera naturellement, à bas les quotas!”. Puis, au fil de la discussion, elles reconnaissent, l’une après l’autre, des discriminations. Pour Isabelle Huppert, la caméra s’attarderait plus longtemps sur les acteurs que sur les actrices. Sylvie Pialat, de son côté, arrêterait plus tôt les négociations qu’un homme pour ne pas passer “pour une hystérique”. Bref, les deux reconnaissent tant bien que mal des différences de traitement entre hommes et femmes dans la grande famille du cinéma français.
Certes, lorsqu’on est une actrice internationalement reconnue, le sexisme est peut-être une expérience plus rare.
Ce que ça nous inspire: Une certaine hypocrisie s’exprime. Les deux femmes font semblant de ne pas voir les inégalités, car elles n’en souffriraient pas. Certes, lorsqu’on est une actrice internationalement reconnue, le sexisme est peut-être une expérience plus rare. En revanche, il est difficile de croire que si Salma Hayek le vit, Isabelle Huppert y échappe. Leurs postulats sont d’ailleurs eux-mêmes sexistes. Car Isabelle Huppert et Sylvie Pialat commencent par disqualifier des faits, comme les différences salariales entre acteurs et actrices qui vont parfois du simple au double. Elles réfutent aussi l’idée qu’une actrice qui vieillit a moins de perspectives de carrière. Le dernier exemple en date qui les contredit? Maggie Gyllenhaal, 37 ans, jugée trop “vieille” pour jouer l’amoureuse d’un homme de 55 ans…
3. Sandrine Bonnaire: “Je pense qu’il y a une force physique que les hommes ont, que les femmes n’ont pas. C’est très important.”
Le dimanche 24 mai, Sandrine Bonnaire déclarait sur France Inter dans l’émission Les femmes, toute une histoire de Stéphanie Duncan: “Quand je dis que je ne suis pas féministe, je trouve qu’on ghettoïse. Plus on parlera de ça, j’ai l’impression, plus ça mettra de la distance. […] Je pense qu’une femme peut faire beaucoup de choses au niveau de l’intellect, au niveau du domaine de l’art, à plein de niveaux. Après, je pense que les femmes ne peuvent pas faire certaines choses. Comme les hommes ne peuvent pas non plus faire certaines choses. Et c’est cette petite différence. Et c’est peut-être pour ça qu’on tombe amoureux… Je pense qu’il y a des différences qu’il faut préserver. Là, je n’ai pas d’exemple précis… Je pense qu’il y a une force physique que les hommes ont, que les femmes n’ont pas. Rien que ça, ça compte, c’est très important. Ça compte sur des tas de choses, dans des tas de domaines. On entend très peu des femmes qui violent des hommes. Ça existe mais moins, je pense que c’est plus compliqué pour une femme de violer un homme. C’est à prendre en compte. La force masculine, elle est là. Je pense qu’on ne doit pas être égaux dans le sens identique, mais égaux dans le droit.”
Il faudrait donc ignorer les inégalités pour mieux les résoudre? On en doute.
Ce que ça nous inspire: D’abord, Sandrine Bonnaire pense qu’on parle trop du sujet et qu’on enferme les femmes en dénonçant les inégalités. Il faudrait donc ignorer les inégalités pour mieux les résoudre? On en doute. Puis, elle insiste sur une différence fondamentale, selon elle, entre les hommes et les femmes, qui serait la force physique. Les hommes violeraient beaucoup plus que les femmes. Et alors? Quant à la force physique, qu’apporte-t-elle au débat de l’égalité des droits en termes de salaires égaux à compétences égales, d’accession aux postes à responsabilités, de partage du pouvoir, de discriminations, de sexisme? Notre société démocratique n’est pas fondée sur la loi du plus fort que l’on soit homme ou femme.
4. Maïwenn: “Je n’aime pas les extrêmes donc pas plus les féministes que les misogynes.”
En juin 2014, pendant la promo du premier film d’Audrey Dana Sous les jupes des filles, qui regroupait une douzaine d’actrices de haut calibre, celles-ci avaient assuré que le film n’était pas du tout féministe mais plutôt “un très beau film de femmes sur les femmes, absolument pas féministe” pour Vanessa Paradis, “un mode d’emploi pour les hommes, mais Audrey Dana l’a très bien dit, ce n’est pas du tout un film féministe” selon Audrey Fleurot. Car le combat féministe serait dépassé. “J’ai rencontré Audrey Dana il y a quelques années […] Elle m’a parlé très tôt de son projet de film autour des femmes. J’avoue que ça me faisait un peu peur, je ne me sens pas vraiment l’âme d’une chienne de garde…”, a notamment déclaré à l’époque Géraldine Nakache. Mais ce n’est pas la seule à le penser, l’actrice et réalisatrice Maïwenn avait aussi créé la polémique dans le magazine Glamour en 2013. À la question “Le féminisme ça vous parle?”, elle répondait: “Non, ça a même plutôt tendance à m’irriter. Je n’aime pas les extrêmes donc pas plus les féministes que les misogynes. Mais je suis vraiment concernée par la condition féminine. Si je sens des femmes atteintes dans leur dignité, je m’énerve.”
Ce sexisme est complètement intégré et intériorisé par les premières concernées: les actrices françaises.
Ce que ça nous inspire: Le féminisme serait dépassé et l’égalité acquise, c’est toujours la même rengaine. Les actrices reprennent à leur compte les vieux clichés misogynes qui décrivent les féministes comme des femmes hystériques, agressives et délirantes. C’est dommage. Car les combats à mener sont toujours nombreux. On a l’impression que certaines actrices sont déconnectées des discriminations vécues par les femmes au quotidien, que ce soit dans le monde du travail, mais aussi à travers les publicités ou dans les films.
Bilan: Alors qu’ailleurs, des voix s’élèvent pour dénoncer les inégalités, comme celles de Salma Hayek, de Jane Fonda, de Melissa McCarty, de Maggie Gyllenhaal ou encore d’Isabella Rossellini, en France, au contraire, le sexisme n’existerait pas pour certaines actrices… On s’est beaucoup demandé ces dernières semaines pourquoi Cannes semblait sexiste, pourquoi si peu de réalisatrices étaient sélectionnées. La réponse aujourd’hui nous semble évidente. Ce sexisme est complètement intégré et intériorisé par les premières concernées: les actrices françaises. Comme ça, rien ne risque de changer avant très, très, très longtemps.
{"type":"Banniere-Basse","device":"desktop"}