Chaque semaine, Clélie Mathias, auteure de On n’est jamais mort en politique!, décrypte un échec politique dans l’actualité.
Cette semaine, à force d’entendre les mots “asile”, “sanctuaire”, “justice”, “valeurs”, mon instinct me poussa vers les rayonnages de ma bibliothèque. Cette indignation contre le sort réservé à cette jeune Leonarda sonnait de manière étrangement familière à mes oreilles. Une impression de déjà-vu ou plutôt de déjà-lu:
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“Tout à coup, au moment où les valets du maître des œuvres se disposaient à exécuter l’ordre flegmatique de Charmolue, (…) on le vit couler sur la façade, comme une goutte de pluie qui glisse le long d’une vitre, courir vers les deux bourreaux avec la vitesse d’un chat tombé d’un toit, les terrasser sous deux poings énormes, enlever l’Égyptienne d’une main, comme un enfant sa poupée, et d’un seul élan rebondir jusque dans l’église, en élevant la jeune fille au-dessus de sa tête, et en criant d’une voix formidable: Asile! (…)
– Asile! Asile! répéta la foule, et dix mille battements de mains firent étinceler de joie et de fierté l’œil unique de Quasimodo. (…)
Charmolue resta stupéfait, et les bourreaux, et toute l’escorte. En effet, dans l’enceinte de Notre-Dame, la condamnée était inviolable. La cathédrale était un lieu de refuge. Toute justice humaine expirait sur le seuil.” (Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, 1831)
Certes, les deux cas ne sont pas tout à fait semblables: Leonarda n’est pas une danseuse gitane accusée de meurtre et de sorcellerie. Et bien sûr Quasimodo n’est pas venu la sauver…. Ces phrases de Victor Hugo ne sont pourtant pas tout à fait hors sujet. L’idée de “sanctuaire” revient encore une fois. Les portes de l’Église (pour Esmeralda) et de l’école (pour Leonarda) constituent des “frontières” à ne pas franchir, pour reprendre les termes de Valérie Trierweiler. Mais l’affaire Leonarda n’aurait jamais dû devenir un tel roman!
À force, ce n’est plus Hugo qu’il faudra relire mais Kafka.
Il était possible de couper court à la polémique en prenant immédiatement deux mesures. La première: sanctionner le préfet du Doubs. Cela était d’autant plus facile pour la gauche qu’avant d’être en préfecture, il fut secrétaire général du ministère de l’immigration et de l’identité nationale sous Nicolas Sarkozy. La deuxième: ne pas attendre trois jours pour “prohiber” toute interpellation dans le cadre scolaire. Ce qui ne règle pas le problème des expulsions d’enfants sans-papiers scolarisés en France mais permet au moins d’empêcher des erreurs de “discernement”. On aurait ainsi évité les épisodes qui ont suivi: révélations, rebondissements, polémiques, divisions de la majorité et autres manifestations.
Le pire, c’est que ce feuilleton n’est pas terminé. À force, ce n’est plus Hugo qu’il faudra relire mais Kafka. La faute à François Hollande cette fois! Pressé de toute part d’intervenir, le Président a pris la parole ce samedi. Mais son intervention a rajouté de l’huile sur le feu. Alors que la situation réclamait une parole présidentielle forte et tranchée, François Hollande a fait du “hollandisme”: il a ménagé la chèvre et le chou. Comment peut-on raisonnablement demander à une jeune fille de 15 ans de revenir en France sans ses parents et ses frères et sœurs? Qu’est devenu le principe d’intégrité des familles au nom duquel elle a justement été expulsée?
Bref, suite au prochain numéro!
Clélie Mathias
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