Baptisé Le Cordon, le dernier morceau de Bigflo & Oli a jeté comme un froid à la rédaction. On vous dit pourquoi.
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Depuis hier soir, le clip du Cordon est partout. Cette chanson, signée des deux jeunes rappeurs Bigflo & Oli, semble faire l’unanimité chez nos consœurs et confrères, certains y voyant “un dialogue mère-enfant émouvant”, d’autres “un clip puissant sur l’avortement”. En ce qui nous concerne, pourtant, ce morceau et la vidéo qui l’accompagne n’ont réussi à générer qu’un sentiment: le malaise. On vous explique pourquoi.
L’embryon parle
Faire parler l’embryon est non seulement complètement creepy, mais cela participe de son humanisation, une démarche souvent pratiquée par les pro-vie. On se souvient par exemple du film Juno où, lorsque l’adolescente se décide à avorter, elle est accueillie devant la clinique par une camarade de classe manifestante. Cette dernière l’informe que son embryon serait déjà doté d’ongles, ce qui incite l’adolescente à imaginer dans son ventre un être humain formé. C’est d’ailleurs suite à cette rencontre que Juno renonce à pratiquer l’IVG.
Cet embryon, en plus d’avoir une voix, aurait donc des sentiments, des émotions.
Dans Le Cordon, cette humanisation est présente tout au long de la chanson, notamment dans le refrain: “Je sens encore le cordon.” Cet embryon, en plus d’avoir une voix, aurait donc des sentiments, des émotions. Il est d’ailleurs représenté dans le clip par un foetus très bien formé. Il y a quand même mieux comme technique de déculpabilisation. Pour quelqu’un qui n’a “ni tort, ni raison”, la “maman” en question a quand même l’air de se sentir sacrément coupable. Elle demande pardon à son “enfant” à plusieurs reprises et se justifie pendant la moitié de la chanson.
L’avortement est présenté comme un traumatisme
Présenter l’avortement comme un traumatisme, c’est encore une fois une technique des pro-vies. La “mère” et “l’enfant” ressentent encore le cordon, l’amour qu’ils se portent respectivement. Ensemble, ils évoquent l’image du “cadre vide” -“À mon souvenir, accroche sur le mur un cadre sans photo”, demande “l’enfant” à sa “mère”- et font ainsi écho au cérémonial qui a lieu après une fausse couche. Celui-ci permet aux femmes d’entamer le deuil de leur enfant. Les infirmiers et aides-soignants habillent alors le corps de l’enfant mort-né et dans certains cas, le prennent en photo afin que la mère se rende compte du décès de l’enfant. On notera qu’entre une fausse couche -événement subi et forcément traumatisant- et un avortement -acte délibéré et pas toujours mal vécu-, il y a une différence de taille.
L’avortement demande des justifications
Oui, l’avortement ne doit pas être pris à la légère et l’IVG n’est en aucun cas un moyen de contraception. Oui, il peut laisser des traces. Oui, la mère peut difficilement vivre cette épreuve. Mais pour Bigflo & Oli, seule une détresse financière et/ou la situation clichée de l’étudiante sans compagnon -ce “lâche” a évidemment quitté le navire, sympa pour les mecs- semblent justifier le recours à l’IVG. Que celles qui ont avorté alors qu’elles avaient un compagnon et un emploi lèvent la main!
Une femme ne devrait jamais avoir à justifier son non-désir d’enfanter, que ce soit passager ou définitif.
Rappelons que la situation de détresse n’est plus exigée depuis 1980 et qu’elle a été officiellement supprimée depuis août 2014. Les femmes n’ont donc pas à se justifier lorsqu’elles y ont recours. Quand on voit comment les femmes enceintes -ou qui sont susceptibles de l’être dans les mois à venir- sont traitées par les employeurs potentiels, il est certain qu’avoir un enfant ou non est une décision lourde de sens. Mais une femme ne devrait jamais avoir à justifier son non-désir d’enfanter, que ce soit passager ou définitif.
Roxane Grolleau
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