Avec Clip, premier long métrage choc et cru sur une adolescente qui cherche le sens de sa vie dans ses ébats sexuels, la jeune réalisatrice Maja Milos frappe un grand coup. Tient-on une Larry Clark serbe?
Oui
Dès les premiers plans, la soumission de Jasna (Isidora Simijonovic) crève l’écran. Plaquée contre un mur, elle tente de séduire Djole (Vukasin Jasnic), jeune garçon dont elle est amoureuse. Elle se caresse, il filme. Tout est là: l’ombre de Djole la domine, la dirige, l’écrase. Jasna devient son objet, qu’il prend, qu’il jette, dont il ne sait que faire. Adolescente de 16 ans coincée dans une petite ville asphyxiante, Jasna ne croit plus en elle, en ses parents, en l’école ou en son pays. Privée de repères, elle s’organise une vie avec ses amis: consommation d’alcool, drogue, sexe. Elle filme son quotidien, crée une sorte de journal vidéo. Son téléphone devient sa force, sa manière d’exister. Clip oscille, fébrilement, il clignote, entre images cinéma et vidéo. Maja Milos propose une vision implacable de la jeunesse serbe et utilise le personnage de Jasna pour organiser ce théâtre de la misère. À cette manière de mettre en scène l’adolescence contemporaine en version trash et crue, on pense forcément au cinéma de Larry Clark.
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Non
Pourtant, Clip ne résonne pas de la même manière qu’un film de Clark. Le sexe et la nudité sont filmés frontalement mais le rapport au corps y est différent. Milos ne cherche pas à magnifier le sexe. Elle ne sublime pas l’excès mais s’attache à la beauté -d’une pudeur inouïe- des situations qui en résultent. Certaines séquences blessent le spectateur, le provoquent, le poussent à accepter à chaque fois un peu plus de violence. La réalisatrice joue de ces différentes lectures et place l’explicite loin derrière la violence de la situation. Ainsi, le pénis en érection filmé en très gros plan devient fade et peu piquant opposé à la situation de détresse de Jasna qui se relève seule dans les toilettes de son lycée, une fois le désir de son partenaire assouvi.
Verdict
Alors que Larry Clark a filmé et créé un fantasme de la jeunesse, Maja Milos ne banalise pas l’alcool, la drogue ou les rapports de force sexuels mais les pose, cartes sur table, pour ensuite soumettre au public des personnages d’une fragilité déroutante, affranchis de l’évidence du condamnable. Pudeur et impudeur se mêlent pour offrir des scènes précieuses, où les personnages réapprennent à communiquer par le mot et par le geste. Grâce à de formidables acteurs non professionnels et une mise en scène précise, Maja Milos crée une nouvelle manière, bien à elle, d’écrire la perdition.
Jules Marco
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