Après Travelling Like The Light (2010) un premier album calibré pour les ondes FM, VV Brown surprend son monde et revient avec Samson & Delilah, un disque sombre, exigeant, impressionnant. Quitte à laisser tous ses fans sur le bord de la route, la chanteuse néo-soul gentillette est devenue une artiste aussi déroutante que passionnante. Elle nous a raconté sa métamorphose.
Comment cette métamorphose est-elle arrivée? Tu t’es réveillée un matin dans la peau de la nouvelle VV Brown ou la transformation a-t-elle été progressive?
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Ça m’a pris du temps. Je me suis mise à traîner de plus en plus avec des étudiants en art. Je suis allée voir beaucoup d’expositions, ce qui m’a ouvert plein de nouvelles perspectives sur la musique, les Beaux-Arts, le graphisme… Toutes ces choses que je ne connaissais pas bien. Avant, tout ce qui importait était de vendre beaucoup de disques. J’ai bientôt 30 ans, je ne veux plus faire de la pop joyeuse et bon enfant, je veux me challenger et challenger les gens. J’ai grandi, et j’ai envie de faire de la musique plus sérieuse.
Quel regard portes-tu sur ton premier album, Travelling Like The Light?
J’en suis très fière, il reflète ce que j’étais à l’époque. Mais j’aime prendre des risques. Quand j’ai fait Travelling Like The Light, c’était un risque, puis c’est devenu facile de nouveau parce qu’on a eu du succès. Naturellement, on attendait de moi que je refasse la même chose. Mais je voulais faire quelque chose que les gens n’allaient pas forcément comprendre tout de suite. Crying Blood, le tout premier single de Travelling Like The Light, était déconcertant lui aussi: dans le clip, on voyait une femme noire chanter une soul 50’s de blanc. Ça interpellait. J’avais envie de retrouver ça.
Tu as donc quitté ton ancien label pour en monter un à toi?
J’ai adoré travailler avec mon ancien label, mais j’ai eu l’impression que je ne pourrais pas faire un disque sérieux en leur compagnie. Quand on est signé sur une major, ce qui était mon cas, on a beaucoup de pression pour faire de la musique commerciale. Alors je suis partie et j’ai créé YOY Records. Ce qui veut dire “You own you” (ndlr: “tu t’appartiens”).
Qu’est devenu Lollipops And Politics, l’album que tu devais sortir début 2012?
Je l’ai jeté à la poubelle. J’ai travaillé dessus pendant un an et demi et puis un jour, je me suis assise dans ma chambre et je l’ai écouté. Et j’ai eu l’impression d’entendre quelqu’un d’autre. Ça sonnait comme un album de songwriter plus que comme un album d’artiste: ça n’avait rien de conceptuel, on n’était emporté dans aucun univers. Dans ma vie quotidienne, j’écoute Fever Ray, The Knife, Little Dragon ou Factory Floor, et c’est ce genre de musique que j’aime et qui m’inspire. Je me suis posé la question suivante: “Pourquoi suis-je en train de faire un disque qui n’a rien à voir avec mes goûts personnels?” La réponse était simple: j’étais en train de faire un disque pour gagner de l’argent. Pourtant, ce n’est jamais ce qui devrait être en jeu. Un disque doit être un accomplissement personnel. Alors j’ai recommencé à zéro: c’est la chose la plus terrifiante que j’ai jamais faite.
As-tu peur de regretter?
Tu sais, la vie est tellement courte. Il faut faire ce qu’on a envie de faire. Même pour tout l’or du monde, si je n’avais pas fait ce choix, je serais déprimée. Même si ce disque est le dernier que je fais de toute ma vie, je veux pouvoir me dire qu’il me correspond à 100%. Je suis très fière de toutes ces chansons et du travail que nous avons accompli pour cet album.
Visuellement, comment décrirais-tu la nouvelle VV Brown?
Minimale, élégante, sombre, expérimentale. Inspirée de la culture japonaise. N’ayant pas peur d’être passionnée. En écoutant mon album, je visualise un personnage qui court dans une forêt plongée dans l’obscurité, éclairée seulement par la lune.
C’est un peu Le Projet Blair Witch, ton histoire…
(Rires.) Un peu! Il y a un petit côté effrayant dans la nouvelle VV Brown. C’est bien de faire un peu peur aux gens, parfois!
Propos recueillis par Faustine Kopiejwski
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