Hier soir, à Paris, la street artist Kashink a donné une performance live au concept store Naturalia. À coup de dessins multicolores et de gigantesques fresques, cette artiste n’hésite pas à prendre position en faveur du mariage pour tous et de l’égalité hommes-femmes.
Un pinceau à la main, elle dessine sur la vitrine d’une enseigne bio de gros fruits colorés souriants. Ils fixent les passants de leurs multiples yeux. Kashink est l’une des rares femmes actives dans le street art. En nous voyant, elle esquisse un sourire, surmonté d’une moustache dessinée au crayon noir. Hier soir, la jeune femme de 34 ans a offert une performance live dans l’un des magasins parisiens de l’enseigne Naturalia avec laquelle elle collabore pour “célébrer le bio urbain”. Son style très pop, où se rencontrent des têtes de mort et d’énormes personnages surréalistes très colorés, révèle une peinture engagée bien loin des références traditionnelles que l’on assigne au graffiti féminin. L’occasion de lui poser 3 questions entre deux coups de gouache.
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L’égalité homme-femme est un sujet qui te tient à coeur. Te considères-tu féministe?
L’égalité homme-femme est, pour moi, un sujet essentiel. Le féminisme aussi. Mais je trouve que c’est un terme parfois difficile à manier. À partir du moment où l’on se définit comme tel, on est obligé de se justifier pendant trois-quarts d’heure sur ce que signifie le féminisme. J’aimerais que le fait d’être une une femme artiste, qui plus est une femme street artist, ne soit plus un sujet . Mais ç’en est un par la force des choses.
Aujourd’hui, il y a une véritable pression pour être séduisante.
Le fait d’être présente dans la rue, de faire des actions militantes dans mon travail, de célébrer la diversité de l’humanité, ça fait partie des choses que j’ai envie de partager en tant qu’artiste et en tant que personne. Donc, l’égalité homme-femme est, bien-sûr, un thème incontournable. Mais il reste difficile pour moi de mettre des étiquettes précises sur ce que je fais.
La moustache, c’est un pied-de-nez?
Oui! Aujourd’hui, deux traits symétriques au niveau des sourcils ou au niveau des paupières, c’est complètement acquis. Ce sont des codes de maquillage traditionnels dans notre société. Ces mêmes deux traits -donc le même mouvement- deviennent autre chose sur une autre partie du visage. Je trouve ça drôle de détourner des codes de maquillage qui existent déjà et d’en faire autre chose. À l’encontre de ce l’on attendrait d’une femme pour qu’elle soit jolie. Aujourd’hui, il y a une véritable pression pour être séduisante.
“J’ai été assez surprise de rencontrer beaucoup d’hommes pratiquant le graffiti depuis bien plus longtemps que moi et qui étaient hyper curieux de voir ce que je pouvais sortir.”
Comment vis-tu le fait d’être l’une des rares femmes street artists?
Depuis toujours, il y a moins de femmes dans les milieux créatifs, que ce soit dans la peinture, le cinéma ou la sculpture. Ce qui est intéressant, c’est que ce milieu a une image machiste. Personnellement, j’ai été assez surprise de rencontrer beaucoup d’hommes pratiquant le graffiti depuis bien plus longtemps que moi et qui étaient hyper curieux de voir ce que je pouvais sortir. Ils m’ont vraiment encouragée.
Bizarrement, j’ai reçu plus de retenue de la part des galeries, de la part des collectionneurs. Ils avaient une image préconçue des graffeurs, celle de gens qui se la jouent à la dure. Ce qui est finalement hyper rare. Je me suis rendu compte qu’il y a beaucoup de gens sensibles dans ce milieu et qui n’hésitent pas à l’exprimer. Et ça, ça me plaît.
Propos recueillis par Julie Jeunejean
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