Le petit monde des politiques les connaît bien, le grand public pas encore. Cheek part à la rencontre des femmes politiques de la nouvelle génération, qui seront peut-être les ministres de demain.
À 40 ans tout juste, cette discrète socialiste, proche de Ségolène Royal, a fait parler d’elle lors de son passage éclair à Terra Nova en 2013. Nommée à la tête du think tank et remerciée la même année, Juliette Méadel préfère ne pas s’attarder sur cette expérience un brin douloureuse. Si certains ont mis cette éviction sur le compte d’un manque d’investissement, d’autres y ont vu une discrimination à la grossesse (Juliette Méadel était enceinte de cinq mois quand elle a été embauchée) et un classique retour de congé de maternité compliqué.
Quoi qu’il en soit, la jeune femme a depuis récupéré son poste de rapporteuse à la Cour des comptes et est toujours présente dans l’organigramme du Parti socialiste (PS), en qualité de secrétaire nationale à la politique industrielle, numérique et à l’économie sociale et solidaire. Les premiers souvenirs politiques de Juliette Méadel remontent loin puisqu’elle évoque mai 1981, la victoire de Mitterrand et la foule de la rue Soufflot. “J’avais 7 ans, j’étais avec mes parents, mais ce jour historique m’a marquée pour toujours.”
“La campagne de Ségolène Royal en 2007 a été une expérience incroyable, surtout qu’au début nous n’étions qu’une poignée.”
Après avoir vu sa mère s’engager localement dans la mairie du 14ème arrondissement de Paris, et son père travailler au cabinet d’Édith Cresson, c’est assez naturellement que la jeune femme prend sa carte au PS. Ses premiers pas en politique datent de 2005 et du referendum sur la Constitution européenne, où elle se fait remarquer en s’opposant à son courant -fabiusien- pour soutenir le “oui”. Combat qu’elle gagnera en interne, même si le vote des Français s’est soldé par un “non” plutôt retentissant.
La jeune avocate -“J’ai toujours voulu avoir un métier pour ne pas dépendre financièrement de la vie politique”- se fait alors repérer par Ségolène Royal, qui l’entraîne dans sa campagne présidentielle de 2007. “Une expérience incroyable, surtout qu’au début nous n’étions qu’une poignée”, se souvient-elle. Après la défaite, elle décide de poursuivre son engagement pour la chose publique en passant le “troisième concours” de l’ENA, celui réservé aux salariés du privé ayant travaillé pendant au moins 8 ans. Sortie de la prestigieuse école, elle entre à la Cour des comptes et crée le collectif L’avenir n’attend pas, centré sur les questions d’enfance et d’éducation. Même si elle assure qu’elle n’a aucunement l’intention de devenir ministre un jour, Juliette Méadel s’est pliée à l’exercice de l’interview “Future Ministre”.
De quel président serais-tu ministre?
De Matteo Renzi, le président du conseil italien. Il a 38 ans et il a su mobiliser un pays fragmenté et lui redonner une énergie après les années Berlusconi. En France, Manuel Valls lui ressemble un peu. Une autre personnalité française avec laquelle j’aurais adoré travailler est Robert Badinter: il a toujours eu une vision politique, il a défendu l’indéfendable en luttant contre la peine de mort et a réussi à s’extraire du politiquement correct pour offrir une transformation fondamentale à notre société. Pour l’anecdote, j’ai œuvré pour que ma promo de l’ENA soit baptisée Robert Badinter.
“Les États ont vocation à encadrer la finance pour qu’elle soit plus juste, car les marchés financiers sont le nouveau pouvoir.”
Quel ministère aimerais-tu occuper?
Celui des finances et de la régulation des marchés financiers. Les États ont vocation à encadrer la finance pour qu’elle soit plus juste, car les marchés financiers sont le nouveau pouvoir. Je suis certaine qu’en 2017, la campagne présidentielle va se polariser sur ces questions.
Quel est celui que tu n’occuperais jamais?
Aucun. Quand on a la chance de pouvoir servir, on sert. Être ministre est une tâche difficile pour laquelle il faut beaucoup d’abnégation. Il ne faut pas oublier que les ministres mettent leur vie privée complètement de côté, chose dont je serais incapable en tant que mère de trois enfants.
Pour quel ministre as-tu déjà travaillé?
J’ai participé à la campagne de Ségolène Royal en 2007, ainsi qu’à celle de François Hollande en 2012. Et je travaille avec Arnaud Montebourg en tant que secrétaire nationale à la politique industrielle.
Si tu ne deviens jamais ministre, quel autre mandat aimerais-tu exercer?
J’aimerais être membre d’un exécutif local. Pourquoi pas maire d’une grande ville ou présidente d’un conseil régional. Ce sont de très beaux mandats, où l’on peut changer concrètement les choses.
“Pour être ministre, c’est important d’avoir eu un travail, cherché du boulot, eu un patron, envoyé des CV.”
Préconises-tu un âge minimum et un âge maximum pour être ministre?
J’estime qu’il faut un minimum d’expérience professionnelle pour être ministre donc je dirais qu’il faut avoir au moins 30 ans. C’est important d’avoir eu un travail, cherché du boulot, eu un patron, envoyé des CV… Pour ce qui est de l’âge maximum, ça dépend de la santé des uns et des autres. Robert Badinter pétait la forme à 75 ans! En revanche, je suis pour la limitation à deux mandats dans le temps sur le même poste, quitte à changer de mandat après. Sauf pour le président de la République, qui devrait n’avoir qu’un mandat unique, afin de ne pas être obsédé par sa réélection.
Pour ou contre la parité en politique?
Archi-pour. J’aimerais qu’on multiplie par deux les sanctions pécuniaires contre les partis qui ne la respectent pas.
“Sur Twitter, j’aime beaucoup lire les autres, leurs tweets sont souvent révélateurs de leur personnalité.”
Si tu étais ministre, tu continuerais de tweeter toi-même?
Oui, on ne peut plus faire sans Twitter. J’aime bien l’outil, même si j’ai mis un peu de temps à m’y faire, étant assez pudique. Twitter est une vraie source d’information, qui permet aussi de communiquer immédiatement sans filtre institutionnel. J’aime beaucoup y lire les autres, leurs tweets sont souvent révélateurs de leur personnalité.
Et tu posterais des selfies en conseil des ministres?
Jamais! Je repense aux journalistes qui se sont photographiés dans le bureau de Barack Obama, j’ai trouvé ça grotesque. Les hautes fonctions de la République demandent de la solennité, ce qui signifie pour moi ni tweets ni selfies en conseil des ministres.
Propos recueillis par Myriam Levain