Fonds de culottes et avortement sont les deux mamelles de la comédie de la rentrée, Obvious child, portée par Jenny Slate, jeune comique américaine “no bullshit” passée par le Saturday Night Live.
Les rangs de la comédie US comptent désormais avec Jenny Slate, comédienne de stand-up à la langue bien pendue. Licenciée sans ménagement de l’émission Saturday Night Live pour avoir prononcé à l’antenne le mot “fucking”, l’actrice prend sa revanche à 31 ans sur grand écran avec Obvious Child de Gillian Robespierre. Aperçue dans les séries Parks and recreation ou Married, et également auteure avec son conjoint d’une série de livres à succès pour enfants, Marcel the Shell, Jenny Slate campe dans Obvious Child Donna, une artiste débutante de Brooklyn en pleine rupture, qui tombe enceinte d’un coup d’un soir.
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Cette comédie romantique new-yorkaise revisite la figure imposée de la célibataire trentenaire égarée, jewish girl pratiquant un humour grinçant et auto-dépréciatif sur la condition féminine. Un choix trop osé pour le public conservateur: certaines chaînes publiques américaines comme NBC ont banni la bande-annonce. Contrairement au français Sous les jupes des filles, cette fiction est ouvertement féministe et revendiquée comme telle. L’occasion de soumettre Jenny Slate à une interview “Pro-choice”.
Comment as-tu été choisie pour ce personnage?
La réalisatrice est venue voir mon spectacle de stand-up et m’a demandé de jouer dans son court-métrage, qui était la genèse du long, également intitulé Obvious Child. Elle a ensuite écrit le personnage de Donna pour moi. Toute la partie sur le stand-up est de mon fait, en revanche. C’est ainsi que j’ai commencé ma carrière et il m’importait que ces scènes soient authentiques. Trop souvent, le stand-up au cinéma n’a pas l’air réel, les rires sont ajoutés au montage. Ça ne se passe pas comme ça dans la vie, surtout pour quelqu’un comme moi qui ne se contente pas de débiter des blagues mais préfère raconter des histoires.
“Je ne trouve pas mes blagues hardcore mais simplement honnêtes.”
Comment décides-tu de fixer des limites?
Pas de limites. Je ne trouve pas mes blagues hardcore mais simplement honnêtes. Je porte ce que je veux et je dis ce que je veux sur scène. J’ai quelques principes: il faut que mes textes soient divertissants et révélateurs de ma nature. Qu’ils célèbrent la femme que je suis et qu’ils renforcent mon lien avec le public. Le but est que l’on puisse être à l’aise si jamais l’on est invité à dîner chez moi.
Pourquoi avoir fait de cette comédie romantique un film “pro-choix”?
Aux États-Unis, la lutte pour l’égalité des droits et surtout des droits reproductifs des femmes est devenue très tendue, et l’on prend rarement en compte les zones grises, l’entre-deux, le doute. L’expérience d’une féministe moderne est nécessairement complexe. Le film incorpore aussi les éléments habituels propres au genre de la comédie romantique, comme certains obstacles à surmonter, tout en décrivant un personnage masculin qui aime la fille pour ce qu’elle est. D’ailleurs, c’est une fille cool! Ici, les protagonistes ne sont pas parfaits ou mannequins. Ce qui arrive à Donna, tomber enceinte et ne pas vouloir de cet enfant, est fréquent, c’est moderne et c’est cela qu’on veut voir à l’écran.
Obvious Child © Chris Teague
Meg Ryan ou Bridget Jones?
Je suis très fan des comédies romantiques avec Meg Ryan, par exemple Quand Harry rencontre Sally ou Nuits blanches à Seattle. Elle est adorable et futée. Mais ma “rom com” préférée est Izzy et Sam (Ndlr: de Joan Micklin Silver, 1988).
Ça chauffe au lycée Ridgemont (Fast times at Ridgemont High) ou Juno?
Tout dépend de mon humeur, je suppose. En fait, je ne vois pas pourquoi l’on devrait choisir une expérience ou un seul discours sur les femmes. Personne n’a à choisir entre les voix masculines que nous offre le cinéma. Obvious Child est l’histoire singulière d’une New-Yorkaise, ce qui ne rend pas caduque le discours des autres femmes, au contraire.
Mona Lisa Saperstein, ton personnage de bitch dans Parks and Recreation, ne prend que des mauvaises décisions…
Oui, d’ailleurs la série dit bien que c’est “la pire personne au monde”. Je n’ai jamais joué de méchante: l’univers de Parks and Recreation est un monde de bisounours, dans lequel s’insère Mona Lisa, qui est dégoûtante, défoncée, scandaleuse et probablement pleine de MST. Mais l’expérience pour le spectateur, comme pour moi, est assez jouissive.
Quand as-tu décidé de jouer la comédie?
Mes parents nous ont toujours encouragées, ma sœur et moi, à faire ce qu’on voulait, mais ils ne tenaient pas à ce que je devienne actrice professionnelle. Je jouais dans des pièces à l’école mais je n’avais jamais le premier rôle… Je savais que je pourrais le faire une fois adulte, seule. C’est ce que j’ai fait en arrivant à la fac.
“J’ai débuté sur scène en duo avec mon meilleur ami, Gabe Liedman, dans un spectacle sur un gay et une jeune femme qui racontent leur vie.”
Comment as-tu choisi ta bande?
Je ne suis pas une enfant du système Upright Citizens Brigade par exemple, à l’époque je n’avais pas les moyens de suivre leurs cours. J’ai fait un one-woman-show chez eux. Les dynamiques de groupe n’étant pas mon fort, j’ai débuté sur scène en duo avec mon meilleur ami, Gabe Liedman, dans un spectacle sur un gay et une jeune femme qui racontent leur vie. C’est ainsi que j’ai formé mon ton et mon écriture. J’ai ensuite rencontré Amy Poelher à Saturday Night Live.
Comme Sarah Silverman ou Julia Louis-Dreyfus, tu n’as pas choisi de quitter Saturday Night Live… Où serais-tu aujourd’hui si tu étais restée?
Je ne sais pas ce que je ferais. Rétrospectivement, ce fut un mal pour un bien, car mes instincts sont définitivement individualistes. Je peux me sentir isolée si je ne suis pas bien intégrée dans un groupe, comme c’était le cas avec SNL. J’étais jeune, j’aurais sûrement essayé de m’intégrer d’avantage. C’était un rêve d’enfant. À l’époque, je me demandais si je devais m’apitoyer sur mon sort et ce que j’allais devenir. L’avenir était ouvert, je suis allée de l’avant et j’en suis ravie.
Concernant les rôles, a t-on moins de choix en tant que femme?
La route est longue et tout cela évolue très très lentement. Il y a un problème à régler, c’est certain. Les rôles stéréotypés ou dévalorisants pour les femmes sont légion, à la fois en art et dans la société. Une seule solution: just say no. Je sais bien que c’est difficile quand on débute, de refuser de gagner sa croûte. Mais quand on me dit “Déshabillez-vous et prenez ce cupcake géant”, franchement, je ne peux pas. Dans notre industrie, le sexisme est insidieux et généralisé, donc difficile à combattre. Il faut se forcer en tant qu’individus à faire des choix à long terme.
Qui a ta préférence parmi les comiques?
Je suis attentivement le travail de Catherine O’Hara, Allison Janney, Amy Poelher. Il y a tellement de comiques excellentes. Avec un peu de chance, il y en aura de plus en plus.
Propos recueillis par Clémentine Gallot
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