À l’occasion d’une exposition collective ces samedi 20 et dimanche 21 décembre au Dupin Pop Up Store, imaginée par Zelda Passini et Émile Degorce-Dumas, Safia Bahmed-Schwartz a parlé avec ce dernier de son travail et des ses céramiques aussi étranges que séduisantes.
Qu’es-ce que tu fais dans la vie, Émile?
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Émile Degorce-Dumas: Je suis artiste plasticien, je fais surtout de la céramique. J’ai étudié à la Villa Arson (ndlr: Les Beaux-Arts de Nice), j’enseigne la sculpture à l’atelier de Sèvres, qui prépare aux concours des écoles d’arts. Je fais aussi du décor, des vitrines de magasins, des shootings mode. J’essaye de mixer mode, art et enseignement.
Est-ce que c’est important pour toi de transmettre?
EDD: Ça fait 3 ans que je fais ça, je suis devenu prof un peu par hasard et j’ai découvert que j’aime vraiment partager. Que ce soit des techniques, des découvertes de philosophes, d’artistes, d’ethnologues, ou des choses que j’ai apprises dans la vie.
Qu’est-ce que ça t’apporte, à toi personnellement, de transmettre?
EDD: J’ai du plaisir à rencontrer des jeunes qui n’ont pas de notion précise de ce qu’est l’art contemporain, qui sont encore naïfs et tout frais. Ça peut apporter beaucoup à ta pratique personnelle et à ta vision de l’art.
“Je fais des objets qui peuvent être répugnants et je leur apporte une espèce de pouvoir de séduction grâce à la céramique, qui est noble.”
Ta pratique à toi, c’est quoi?
EDD: Ce que j’aime surtout, c’est jouer avec les ambiguïtés, qu’elles soient d’ordre sexuel ou qu’il s’agisse de doter les objets que je crée de plusieurs niveaux de lecture, en leur donnant en même temps un côté onirique et angoissant. Je fais des objets qui peuvent être répugnants et je leur apporte une espèce de pouvoir de séduction grâce à la céramique, qui est noble. J’aime bien jouer avec ça, mélanger désir et répulsion. J’aime aussi jouer avec certains codes: j’ai vécu pendant longtemps en Guyane, j’étais assez proche d’Amérindiens et de différentes communautés guyanaises. J’y ai découvert certaines moeurs et quand je suis arrivé en France, j’ai été déphasé.
Quel est le rapport en ce déphasage et ce que tu créés?
EDD: Je reprends des codes de rituels occidentaux et en les retravaillant en céramique, je leur donne un côté complètement absurde qui pourrait se rapprocher de pratiques vaudou et amérindiennes. L’idée est de montrer que ces rituels guyanais ne sont pas plus étranges que, par exemple, mettre une dent sous un oreiller pour la petite souris.
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Qu’est-ce que l’art pour toi?
EDD: Un mélange de plein de choses. Pas trop de blabla, je suis attaché à quelque chose de l’ordre de l’esthétique. J’attends un peu d’honnêteté de la part d’un artiste, ça me fait chier les menteurs et les gens qui ne savent pas utiliser leurs deux mains et qui se cachent derrière des concepts foireux. Mais c’est surtout des trucs que j’ai vus en école.
C’est-à-dire? Chez des artistes que tu as étudiés ou chez des étudiants?
EDD: Un peu des deux. L’étudiant, c’est toujours un futur artiste.
Qu’est-ce que tu voulais faire comme métier quand tu étais petit?
EDD: Magicien. J’y étais presque, j’avais pris des cours. Après, j’ai voulu devenir ambassadeur, mais j’ai renoncé quand mes parents m’ont parlé des études qu’il fallait faire. J’ai su dès le CP que je ne voulais pas faire d’études.
“On voulait présenter des œuvres à des tarifs abordables, pour que n’importe quelle personne devienne acheteur d’art.”
Maintenant que tu es de l’autre coté de la barrière, en tant qu’enseignant, c’est mieux?
EDD: J’essaye de faire tout le contraire de ce qu’on a pu m’apprendre, de montrer que l’art n’est pas une frustration, qu’il peut être vivant, fun, léger, sans but, absurde. Il peut être tout. c’est hyper agréable pour moi de transmettre ça à de futurs artistes.
C’est quoi cette expo qui a lieu ce week-end du 21 décembre?
EDD: Avec Zelda Passini, on a eu l’idée de créer un concept de galerie éphémère et itinérante, un lieu d’exposition entre l’art et le design pour promouvoir les travaux d’artistes qu’on aime. On voulait faire un pied de nez aux galeries hors de prix, présenter des oeuvres à des tarifs abordables, pour que n’importe quelle personne devienne acheteur d’art. C’est aussi un pied-de-nez aux artistes qui mettent en vente trop cher leurs travaux alors qu’ils sortent juste de l’école. C’est important car au final, c’est quand même un marché, il faut vendre son travail.
Propos recueillis par Safia Bahmed-Schwartz
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