Ann-Laure Bourgeois a lancé Les Intelloes, un magazine féministe qui traite des questions de sexualité mais aussi de société, avec impertinence.
Les Intelloes sont nées d’une “mauvaise expérience”, explique d’emblée Ann-Laure Bourgeois, journaliste et professeure des écoles. À l’époque, la fondatrice de ce magazine féministe en ligne, 28 ans aujourd’hui, est étudiante. Un haut-fonctionnaire, venu intervenir dans son cours -elle a notamment étudié le journalisme politique européen-, lui fait, ainsi qu’à une amie à elle, des avances “scandaleuses”. Les deux jeunes femmes se demandent alors “si une femme fonctionnaire aurait osé faire ça à des étudiants” et se disent dans la foulée “que ce serait super de créer un support abordant ce genre de sujets, qui parlerait aussi des femmes qui assument leur sexualité”. C’est ainsi qu’est né le blog Les Intelloes en mars 2016, avant de devenir un magazine en septembre dernier. On a posé 5 questions à Ann-Laure Bourgeois pour en savoir davantage sur ce nouveau média.
Les Intelloes, c’est quoi?
Les Intelloes, c’est un magazine féminin en ligne, à la base un blog qui voulait surtout traiter des questions liées à la sexualité. Aujourd’hui, nous sommes une équipe de 7 personnes -toutes bénévoles!-, et nous écrivons aussi des articles sur des sujets de société et nous publions des chroniques dans lesquelles se reconnaissent beaucoup de nos lectrices.
Capture d’écran de la home des Intelloes
Pourquoi ce nom?
J’ai choisi le nom “Intelloes” car l’idée est de le faire de façon intelligente. C’est peut-être un peu prétentieux, mais avec l’équipe, on s’efforce d’aller dans ce sens-là! Et puis, on a tous connus cet(te) intello en classe de 4ème qui nous exaspérait, mais qui avait tellement de choses à raconter! Je me suis également autorisée une petite entorse à la langue française en féminisant un mot qui n’est pas “féminisable”! De plus, certaines personnes le prononcent “intell-ose”, ce qui est très bien puisque c’est exactement ce que nous souhaitons, que les femmes osent!
“Comment expliquer qu’aujourd’hui encore, une femme ne puisse pas porter de jupe sans se faire embêter dans la rue?”
Pourquoi vous vous êtes lancées?
Nous nous sommes lancées car il y a énormément de sujets qui méritent d’être abordés et creusés. Il y a encore de nombreuses aberrations. Bien qu’il y ait eu d’énormes progrès dans les questions liées à la parité ou à la reconnaissance du sexisme ces derniers temps, il y a encore tant à faire! Comment expliquer qu’aujourd’hui encore, une femme ne puisse pas porter de jupe sans se faire embêter dans la rue? Que les femmes gagnent moins bien leur vie que les hommes malgré les dispositions d’égalité mises en place? Que les filles perdent toute confiance en elles une fois la puberté arrivée? Que nous ayons une telle méconnaissance de notre sexualité? Que le jour de la rentrée -je le vois dans mon métier de professeure-, les femmes soient en grande majorité celles qui prennent une matinée de congé pour accompagner les enfants à l’école?
Votre baseline, c’est “je suis (im)pertinente?” En quoi l’impertinence vous caractérise-t-elle?
Nous sommes (im)pertinentes car nous posons des questions sans nous embarrasser des conventions. Et les réponses que nous apportons se veulent… pertinentes! J’ai le souvenir d’un ami, choqué par un article sur la fellation qui m’a dit “comment tu peux publier des propos comme ça, dits de façon aussi crue?”. Nous sommes aussi prêtes à tout entendre, comme les réponses apportées par certains hommes lors de notre micro-trottoir sur le décolleté. Notre ligne éditoriale consiste à être proche des femmes, et de leurs interrogations. Et très souvent, dans un contexte privé, ces dernières le sont, (im)pertinentes!
Vous avez lancé une campagne de crowdfunding qui se termine bientôt, quel est votre objectif?
Nous aimerions proposer à nos lecteurs et lectrices plus de reportages et d’enquêtes. Le crowdfunding nous aidera à financer les déplacements nécessaires pour atteindre cet objectif. Nous voulons aussi réaliser davantage de sujets vidéo, et nous avons besoin d’acheter du matériel car, pour l’instant, nous faisons avec les moyens du bord! Les fonds récoltés via le crowdfunding nous aideront également à financer les opérations de communication autour des Intelloes, au vu des exigences financières de plus en plus grandes des réseaux sociaux.
Propos recueillis par Julia Tissier