Quand le marché impose l’égalité.
On a peut-être été un peu durs avec 2016. Tout n’était pas rose, mais certains aspects de l’année qui vient de s’écouler ont eu une légère couleur arc-en-ciel. C’est le Guardian qui se charge de porter la bonne nouvelle à nos oreilles, d’habitude blasées par le retour en force d’une réthorique moyenâgeuse quant au combat LGBT. D’abord, la Grèce, la Slovénie et la Bosnie-Herzégovine ont légiféré en faveur de la lutte contre la discrimination des minorités LGBT. Le mariage homosexuel a été légalisé en Colombie et à Gibraltar. L’Italie est devenue le 27ème pays européen à reconnaître les couples de même sexe, autorisant ainsi les unions civiles. Au Guatemala et à Taïwan, des premières ébauches de lois autorisant le mariage homosexuel ont été rendues publiques. Bélize (Amérique du Sud) et Nauru (Océanie) ont décriminalisé l’homosexualité, et les Seychelles ont abrogé l’interdiction des relations homosexuelles. En Inde, où l’homosexualité est toujours illégale, la Cour suprême a assuré qu’elle comptait réviser la loi, datant de l’époque coloniale, qui interdit “les relations sexuelles allant contre l’ordre naturel”.
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En 2009, le tribunal de New Delhi avait déjà tenté de casser cette loi. La Cour suprême elle-même avait annulé ce jugement, estimant qu’il appartenait au Parlement de légiférer sur un tel sujet. Comme le rapportait Le Point en 2013, la législation est rarement appliquée, mais “des associations de défense des gays se plaignent de vexations, d’intimidations, voire de harcèlement par des policiers”. Les groupes et partis religieux ont pourtant pris l’habitude de faire pression sur le gouvernement pour éviter l’abrogation de cette loi.
Un eldorado publicitaire
Mais, comme l’analyse Quartz, d’autres forces ont récemment pris part au combat pour les droits des minorités. Car la jeunesse indienne n’entend plus se conformer au conservatisme, et les réseaux sociaux on changé la donne, car ils facilitent l’engagement politique et la consolidation des communautés et des revendications.
Ce qui pour le commun des mortels s’appelle “communauté” prend le nom de “marché” pour les grandes entreprises. On apprenait récemment que la population indienne est la deuxième plus présente sur Internet, après la Chine. Les publicitaires y voient un eldorado et apprennent progressivement à parler à l’oreille des jeunes. Ainsi, les publicités féministes ou celles qui militent pour les droits des homosexuels se font de plus en plus courantes. Entretenir son image ne rime plus seulement avec modernité, mais avec engagement politique. “La jeunesse ne veut plus être exclue des décisions sociales et politiques, qui les impactent directement”, a expliqué à Quartz un publicitaire indien qui assure n’avoir jamais vu, en trente ans de carrière, autant de publicités engagées. Celle de Tata Tea, par exemple, encourage les femmes à exercer leur droit de vote.
Une marque de prêt-à-porter, Anouk, a produit une vidéo mettant en scène un couple lesbien s’appêtant à recevoir les parents de l’une.
Et eBay India a monté une campagne intitulée Things don’t judge (Ndlr: Les objets ne jugent pas), mettant notamment en scène un jeune homme demandant son compagnon en mariage.
“Je ne pense pas que le marché ait acquis une conscience sociale, témoigne la documentariste Paromita Vohra. Ce qu’ils font consiste à transformer en marques les désirs de certaines populations et communautés.” Si certains tirent la sonnette d’alarme face aux risques que représente une marchandisation de ces luttes -comme la perte des valeurs militantes, et l’avènement d’un activisme mercantile qui ne pousse pas les populations dans les rues, mais plutôt dans les supermarchés-, certaines publicités comme celle de Nike, ont prouvé une efficacité dans la manière dont elle mettent en lumière des problématiques qui en ont besoin -dans ce cas précis, l’existence de sportives féminines.
Face au conservatisme politique et religieux, la mobilisation de la société civile ne semble pas suffisante pour faire bouger les lignes législatives. Sans doute celle des entreprises et des revenus publicitaires aura-t-elle un peu plus d’impact. Et puis, après des siècles de perpétuation de clichés sexistes et homophobes, la publicité doit bien cela aux populations qui militent sans relâche pour obtenir l’égalité. (Ci-dessous un petit concentré de sexisme, homophobie et transphobie. Bisous.)
Clémentine Spiler
Cet article a été initialement publié sur le site de Radio Nova.
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