Elle a plaqué une brillante carrière d’avocate pour se lancer dans la production. À 28 ans, Liza Benguigui s’apprête à tourner son premier long métrage. L’occasion de lui poser plein de questions, même celles qui fâchent.
Liza Benguigui a 28 ans. Fin novembre, elle entamera le tournage de Discount, son premier long métrage, réalisé par Louis-Julien Petit, avec en têtes d’affiche Zabou Breitman et Corinne Masiero. Il y a cinq ans, elle décide de plaquer sa brillante carrière d’avocate en droit des médias pour le monde du cinéma. Et prend la tête en mai 2012 de la société de production Elemiah -connue pour la série Aïcha- créée par sa mère Yamina Benguigui, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger et de la Francophonie. Aujourd’hui, elle veut faire du cinéma engagé, à l’image de cette comédie sociale, inspirée de l’histoire d’une caissière licenciée pour le vol d’un ticket de caisse. Discount retrace l’aventure de travailleurs qui décident de résister pour défendre leur emploi et lutter contre le gaspillage.
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Plaquer une carrière d’avocate pour te lancer dans la production, c’était risqué, non?
Je suis entrée en fac de droit sans vraiment savoir ce que je voulais faire. Quand j’ai commencé les stages en cabinet d’avocat, j’ai très vite été malheureuse, au point que j’en pleurais au bureau. Pas tant à cause du métier mais de la position dans laquelle je me trouvais. Coincée derrière mon bureau jusqu’à 19h30 même si je n’avais rien à faire. Ça n’était plus possible. Je suis partie. En attendant de trouver ma voie, je suis venue aider ma mère. J’ai pris cela comme un challenge. Les six premiers mois, j’ai lu à peu près tout ce qui pouvait exister sur la question. Et quand a commencé le tournage d’Aïcha 2, c’était fini, j’étais piquée.
Tu regrettes?
Depuis cinq ans déjà, je me suis lancée dans ce projet sans savoir si ça allait marcher. J’ai engagé des équipes et j’ai trois employés à payer. Parfois, c’est vraiment l’angoisse. Je me réveille la nuit et je n’arrête pas de faire des listes de ce que je ne dois pas oublier! Ma vie personnelle est complètement entre parenthèses. C’est passionnant mais violent à la fois. J’étais récemment à l’anniversaire de mon meilleur ami, tout le monde était en couple alors que moi je suis célibataire, je n’en peux plus! (Rires.)
Ta pire angoisse?
Le plus difficile pour moi, ce sont les situations conflictuelles. L’affect entre tout de suite en jeu. Et ça me colle un ulcère de devoir annoncer une mauvaise nouvelle. Les négociations frontales m’angoissent et j’aimerais parfois être accompagnée dans ce genre de situation.
La pire critique qu’on t’ait faite?
“Je ne vois pas ce qui différencie ce film d’un bon téléfilm”. Horrible à entendre.
C’est dur d’avoir seulement 28 ans quand on fait ce métier?
Il y a de gros préjugés sur la jeunesse. Cela m’est arrivé plus d’une fois de ne pas être prise au sérieux. Ou des conseillers de programme condescendants qui te balancent : “Mais attends t’as quel âge?” Il y a eu un mec, un directeur de production, qui ne me regardait jamais dans les yeux. J’ai trente ans de moins que lui et il s’est imaginé que j’étais une petite merdeuse qui avait envie de faire de la production comme on peut avoir envie de s’acheter une robe. Je l’ai senti clairement misogyne. J’ai mis un terme à notre collaboration. Je crois que son ego en a pris un coup.
Le nom de ta mère, c’est handicapant?
Quand ma mère est devenue ministre (ndlr: en mai 2012), je me suis dit que c’était l’occasion ou jamais de m’affirmer. Quand j’ai repris la société, je me sentais comme “la fille de”. Mais, en fait, c’est plus moi que ça dérangeait. Personne ne m’a jamais reproché d’avoir été parachutée. Je suis entrée dans l’ombre de ma mère et il a fallu que j’en ressorte. C’est par ce premier long métrage que je me suis imposée.
Un film que tu aurais aimé produire?
La Marche, qui retrace la Marche des beurs et sort bientôt au cinéma. Mais aussi Mémoires d’immigrés, drôle et touchant à la fois, et excellent passeport contre le Front National. Ou encore le dernier film de Guillaume Gallienne, Les Garçons et Guillaume, à table! qui n’est pas à proprement parler un film militant mais aborde la question de la différence. Je rêve de produire ce genre de films forts qui ouvrent un débat sur la société. Je ne veux pas faire du cinéma pour rien, je n’aurais pas pu m’engager, au point de ne plus en dormir la nuit, sur un film qui ne défendait pas quelque chose.
Un film que tu n’aurais pas aimé produire?
Je n’aime pas les films sans âme. Mais j’ai toujours de l’indulgence pour ceux qui ont de la sincérité.
Ton truc anti-scoumoune?
Un livre que j’ai toujours sur moi, Le Secret de Rhonda Byrne. Des pensées positives qui me reboostent quand j’en ai besoin. Et j’ai un toc sur le lundi et le vendredi, ce sont pour moi les jours des bonnes nouvelles alors je prends tous mes rendez-vous cruciaux ces jours-là.
Ta pire pensée?
Je m’interdis de penser à tous ces films qui sortent chaque semaine au cinéma et tombent aussi vite dans l’anonymat. Ce qui me fait tenir: imaginer que Julien (ndlr: le réalisateur) aura un César! (Rires.)
Propos recueillis par Céline Hussonnois Alaya
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