Dans le magazine Vogue, Lena Dunham raconte s’être fait retirer l’utérus pour ne plus subir les douleurs liées à son endométriose, après plusieurs traitements vains. Enora Malagré assure avoir envisagé l’hystérectomie après de multiples fausses couches. Une solution qui peut sembler radicale mais qui est, pour certaines femmes, la seule pour ne plus souffrir. Quand bien même cela signifie renoncer à la maternité.
“Je voulais être soulagée et reprendre une vie normale. Il y a un deuil à faire mais on trouve un nouveau chemin de vie. Avec mon compagnon, on a été au bout des choses, on n’a pas d’enfants mais la vie continue”, affirme Frédérique. À 41 ans, sans être parvenue à tomber enceinte malgré six fécondations in vitro, cette assistante commerciale prend la décision de subir une hystérectomie. Avant d’être opérée, les douleurs dues à son endométriose étaient devenues insupportables. “Je prenais des anti-inflammatoires toutes les quatre heures pour tenir”, se souvient t-elle. Malgré cinq opérations pour tenter d’endiguer les ravages de la maladie, beaucoup de ses organes sont touchés: elle souffre de kystes aux ovaires, de nodules au rectum… La tout juste quarantenaire consulte alors plusieurs médecins et décide de se faire retirer l’utérus et les ovaires.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Aujourd’hui, elle vit son hystérectomie, “comme une délivrance”. “Je n’ai plus de douleurs quotidiennes, j’ai fait une formation, j’ai retrouvé du travail. Je ne regrette en aucun cas”, conclut t-elle. Comme beaucoup de femmes qui subissent une hystérectomie à cause de l’endométriose, Frédérique était atteinte d’adénomyose: dans ce cas, les tissus inflammatoires à l’origine des douleurs se développent non pas à l’extérieur mais à l’intérieur de l’utérus. Sur Facebook, elle anime un groupe de discussions sur le sujet, et voit des femmes très jeunes subir la même opération qu’elle, à cause de la maladie. “La plus jeune doit avoir 26 ans. Déjà moi à 41 ans, même si je n’avais plus d’espoir d’enfant, la décision n’a pas été facile”, concède-t-elle.
L’hystérectomie est envisagée quand tous les traitements, médicaments et opérations ont été tentées sans succès.
“C’est l’aveu d’un échec et en même temps une délivrance”
Un cas rare mais pas unique, selon Claude Hocke, chef du service gynécologie du CHU de Bordeaux. “Une femme autour de la trentaine qui n’a pas d’enfants et subit une hystérectomie, on en voit une fois par an dans notre service”, assure-t-il. Le spécialiste explique que “c’est une décision qui est prise de guerre lasse. Il y a un ras-le-bol des douleurs, des saignements, des rapports douloureux. Au bout d’un moment, même avec un désir d’enfant, si on a l’impression que la femme en a fait le deuil, on le fait, on n’a pas à refuser cette opération”.
Selon lui, sur dix femmes atteintes d’endométriose sévère, deux vont subir une hystérectomie. Elle est envisagée quand tous les traitements, médicaments et opérations ont été tentées sans succès. “C’est l’aveu d’un échec et en même temps une délivrance, il y a vraiment un sentiment ambivalent chez les patientes”, témoigne le médecin. Il assure n’avoir jamais vu dans sa carrière de femmes “qui disent regretter d’avoir subi cette intervention”. “J’ai vu des femmes heureuses”, ajoute le gynécologue.
La récidive existe malgré tout
Pourtant Yasmine Candau, présidente d’EndoFrance, qui a elle-même subi une hystérectomie à 36 ans, tient à mettre en garde. D’après elle, il faut absolument rappeler que “l’hystérectomie n’est pas la solution à l’endométriose, surtout quand on a 20 ou 30 ans”. Elle salue les prises de parole de personnalités comme l’actrice, réalisatrice et productrice Lena Dunham et l’animatrice Enora Malagré, “qui permettent de mettre en lumière le combat des femmes qui vivent la maladie anonymement”, mais ne veut pas que “ça devienne un phénomène de mode”.
Depuis la médiatisation de ces ablations de l’utérus, “beaucoup de femmes de 22-23 ans se tournent vers nous en disant ‘si on m’enlevait l’utérus, je serais tranquille’, assure-t-elle. Or il y a tellement de formes d’endométriose et de traitements que parfois il faut tâtonner pendant des mois avant de trouver le bon traitement”. Quel que soit l’âge de la patiente, “nous leur conseillons toujours de demander un second avis médical, car c’est un vrai renoncement”, estime la présidente de l’association.
D’autant que cette ablation ne garantit pas de ne plus jamais souffrir d’endométriose. “Il y a un risque de récidive même après l’hystérectomie, si de l’endométriose est toujours dans le ventre. Surtout si les ovaires sont toujours en place, ce que l’on fait le plus possible avant 35 ans pour ne pas provoquer trop tôt une ménopause”, avertit Claude Hocke. En effet, les ovaires sécrètent les hormones qui activent l’endométriose mais protègent aussi contre les risques cardiaques et l’ostéoporose.
La nécessité d’un suivi psychologique
Médicalement parlant, “ce n’est pas une opération grave”, indique le chef de service du CHU de Bordeaux. Aujourd’hui, grâce à la coelioscopie, les chirurgiens n’ouvrent plus les ventres. L’intervention consiste en de petites incisions, pour faire passer des tubes qui transportent les outils jusqu’à l’utérus. Mais ses conséquences psychologiques ne doivent pas être sous-estimées. “Si les femmes qui font une demande d’hystérectomie n’ont pas d’enfant, on pose la condition de faire au préalable une consultation avec un psychiatre. Dans tous les cas, on conseille un suivi psychologique ensuite”, explique le médecin.
“Je ne regrette pas mais j’aurais dû consulter un psy.”
Ce sur quoi Katy a fait l’impasse lors de son ablation de l’utérus à 43 ans, à regret. “L’hystérectomie allait dans la suite logique des choses. J’avais tellement mal que je n’avais qu’une envie, c’est qu’on me l’enlève. Après l’opération, j’ai eu une période de mal-être, je ne savais pas pourquoi. Je cherchais ce qui me manquait. C’était la douleur en fait”, analyse-t-elle. L’intervention a aussi eu des répercussions physiques. “J’ai eu six mois de répit. Et les douleurs sont revenues car j’avais déclenché un prolapsus, une descente d’organes”, un aléa possible après une hystérectomie. “Je ne regrette pas mais j’aurais dû consulter un psy. J’estimais qu’on m’avait enlevé mes douleurs donc c’était réglé. Alors qu’on a quand même retiré un organe de ma féminité”, confie-t-elle. Yasmine Candau acquiesce: “Il faut un accompagnement pour accepter le deuil et transformer ça en énergie positive.” Et prévient: “Ça peut paraître étrange parce qu’on ne sent pas son utérus quand il est là, mais après l’hystérectomie on ressent le vide à l’intérieur de soi.”
Clara Baillot
{"type":"Banniere-Basse"}