Qui a dit que la Californie, c’était presque comme l’Europe? Pas Capucine Chevalier en tout cas, trentenaire frenchie expatriée à Los Angeles pour un an. Chaque mois, elle décrypte pour nous un aspect de cette ville fascinante, avec son œil 100% made in France.
“Are you ready for the holiday season?” Lauren, c’est ma collègue préférée et elle ne pose jamais de question pas hasard. J’étais pas inquiète, Noël c’était pas avant un bon mois, ça me laissait largement le temps de dépenser un tiers du PIB du Bhoutan pour remplir ma hotte d’expatriée culpabilisée. J’avais pas compris qu’elle m’alertait sur le marathon de festivités qui, aux US, s’enchaînent à partir de fin novembre. Et là, t’as pas intérêt à avoir des défenses immunitaires en berne, parce que c’est 39 jours de trop de bouffe, pas assez de sommeil et quasiment pas de jours chômés. Alors on suit les conseils des copines de Beverly Hills, on ne mégote pas sur les compléments alimentaires et on prend rendez-vous pour son injection de vitamine B12.
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Tout commence par Thanksgiving, le dernier jeudi du mois de novembre. Pourquoi un jeudi? No idea at all, mais le jour du “Merci donné” (traduction littérale), on arrête tout et on célèbre l’arrivée des premiers pèlerins à l’origine des États-Unis. Si on suit le tuto fourni par Hollywood et les séries télé, c’est assez simple: on rassemble tous les gens qu’on aime autour d’une très grande table, on rit à gorge déployée, on se serre dans les bras et on s’extasie sur la bouffe. Le tout au ralenti et en sépia. C’est un peu comme Noël, mais en mieux: œcuménique, participatif, chacun apporte un plat, on cuisine ensemble et, kif ultime, comme il n’est pas question de cadeau, on anéantit donc le moindre risque de gilet pour descendre les poubelles.
Le vendredi noir n’est pas une référence à la couleur de ton foie, mais plutôt à la tronche de ton banquier le lundi suivant.
Comme c’est la fête du partage, Lauren NE POUVAIT PAS me laisser seule et je NE POUVAIS PAS rater sa pumpkin pie. J’ai donc été invitée à festoyer chez sa cousine, ancienne playmate de Hugh Hefner, où j’ai aidé Courtney Love herself à recoudre une dinde et découvert la traditionnelle et immangeable tarte au potiron (et à la cannelle, au poivre, à la crème, au clou de girofle, au gingembre… burp). Thanksgiving LA style: check!
Et puisque le marathon avait commencé, j’ai enchaîné le lendemain avec le “Black Friday”. Eh non, le vendredi noir n’est pas une référence à la couleur de ton foie, mais plutôt à la tronche de ton banquier le lundi suivant, vu que c’est LA journée des soldes monstres. Le gueuleton de la veille à peine digéré, tu fonces chez Walmart pour être le premier à l’ouverture à ramper sous le rideau de fer. Un peu comme si, soudainement, en janvier, tu te précipitais au Cora de Villeneuve-d’Ascq -le préféré de Jean-Pierre Pernaut. Los Angeles ressemble alors à la ligne 13 à 8 heures du mat’, mais en joyeux, grâce aux “holiday playlists” qu’absolument toutes les boutiques passent en boucle. C’est sympa, mais après un mois de White Christmas de Sinatra 12 fois par jour, t’es content si t’es pas devenu épileptique.
Une fois l’extracteur de jus pour la detox de janvier acquis moitié prix, pas question de faiblir puisque maintenant c’est Hanoucca. Dieu que c’est bon les latkes mais sept jours de beignets de pommes de terre, c’est du sport.
Personne ne ménage la rétine de son voisin, tout le monde prend le maniement de la guirlande lumineuse très au sérieux.
À peine le temps de reprendre son souffle et c’est déjà Noël. Et ça, ça ne peut échapper à personne parce que tout à coup, il se met à faire jour la nuit: pavillon ou appartement, personne ne ménage la rétine de son voisin, tout le monde prend le maniement de la guirlande lumineuse très au sérieux. Au mois de décembre, j’estime l’augmentation de la facture d’électricité d’un foyer américain à 500%. Moi j’ai investi dans un rideau occultant.
Comme c’est ma première année à l’étranger, j’ai décidé de faire plaisir à Mamie, d’arracher quatre jours off à mon boss et de rentrer au pays. Un bras en moins et 12 heures de vol plus tard, j’ai retrouvé les copains. C’était génial. Je ne m’attendais juste pas à l’interrogatoire façon coup de massue de Nicky Larson dans ta face: Alors, c’est comment là-bas? Tu conduis beaucoup? T’as quoi comme voiture? Et il fait beau tout le temps? Ça te manque le fromage? Ils sont superficiels les Ricains? T’as rencontré qui comme star? Et les mecs, ils sont beaux? Quôa, tu t’es pas mise au surf?
J’ai traversé 19 fois Paris, mangé 27 kilos de dinde, visité Morphée quatre heures max’ et aux mêmes questions qui reviennent invariablement, mes réponses jaillissent désormais avec l’automatisme naturel d’une Jennifer Lawrence en interview press junket pour Hunger Games 3.
“So, what are you doing for New Year’s eve?”
Tout le monde connaît le combo retrouvailles/gueuletons/engueulades ou neveux surexcités/sapin cassé/maman burn-outée, moi j’ai découvert celui de l’expatriée: éreintée/frustrée/attristée. Hébétée, avec l’impression d’avoir été piétinée par une horde de petits chanteurs et leur croix de bois, j’étais méga soulagée de monter dans l’avion du retour. Puis j’ai réalisé que je ne revenais pas avant huit mois et j’ai chialé.
J’ai repris le boulot les yeux rouges, la mine grise et la langue pendante. “So, what are you doing for New Year’s eve?” Devant mon regard angoissé, Lauren m’a invitée à son réveillon. Petit dîner entre potes à la cool. Juste ce qu’il me fallait. Bonne année, une coupe et au lit. Sauf qu’à table, j’ai fait la connaissance de Cody et miraculeusement j’ai retrouvé l’énergie d’une palette de Redbull. Partir juste après minuit, finalement, ça ne me semblait plus très poli. De toute façon, Uber c’était l’apocalypse. Et puis Cody, il vivait à côté…
Alors ok, tu as peut-être la gorge qui gratte et le nez qui coule, mais si tu survis à la holiday season, l’année commence plutôt pas mal chez l’oncle Sam.
Happy New Year!
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