Pour la deuxième année, la Région Île-de-France a voulu célébrer ces Franciliennes qui s’engagent et font bouger les lignes. Les trophées ellesdeFrance les ont récompensées pour leur courage, ou pour leurs actions menées dans le domaine de l’innovation, de la création, de la solidarité. Nous avons rencontré ces femmes extraordinaires: cette semaine, on dresse le portrait d’Alice de Maximy, prix de l’innovation, fondatrice de la start-up hkind et initiatrice de l’opération Femmes de santé.
“Le Tinder de la santé.” Il fallait y penser et Alice de Maximy l’a fait. On comprend parfaitement, en la rencontrant, comment cette parisienne de 43 ans, qui ressemble à Marina Foïs et Mélanie Laurent, a pu mûrir un projet aussi iconoclaste. “Décalée”, comme elle se décrit elle-même, la startuppeuse a toujours navigué d’un monde à l’autre, maîtrisant l’art du grand écart et de la réinvention. Native des Hauts-de-Seine, la quadra a grandi à Paris, passant des immeubles en briques le long des boulevards extérieurs, au cœur du XVIIème arrondissement. D’une école préfabriquée classée ZEP au lycée Carnot, cette bonne élève au “parcours atypique” a rencontré son mari à 19 ans et s’est installée deux ans plus tard avec ce dernier dans une chambre de bonne de 4m2. “J’ai commencé sans fric, j’ai eu du fric puis pas de fric, ça a toujours été fluctuant”, dit-elle pour parler cash. Entre des études de biologie et de marketing, un goût pour “l’ultra-logique” et une passion pour l’écriture, qui l’a amenée à signer des livres de fantasy pour enfants aussi bien qu’un ouvrage encore inachevé sur le climat, Alice de Maximy étonne et détone.
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Audace et spontanéité
En mai 2019, elle lançait hkind, une plateforme web et une application destinées à mettre en avant les initiatives du secteur de la santé. Une offre qui s’adresse aussi bien aux patient·e·s qu’aux professionnel·le·s du milieu, et qui entend faire matcher la communication digitale et le médical, dans une démarche démocratique et bienveillante (“hkind”= “h” pour “human” et “health”, “kind” pour “humankind”, “humanité” en français et “kindness”, “gentillesse”). Avant d’être rejointe par une associée, l’entrepreneure Marie Thubeuf-Luks, Alice de Maximy s’est jetée à l’eau seule et sans bouée. “J’ai lancé ma boîte en n’ayant pas de business model et en plaquant un job à la Commission européenne”, raconte-t-elle. Spontanée, voire impulsive, Alice de Maximy a toujours su improviser, même dans les situations les plus désespérées. Ainsi, désœuvrée après avoir cru pouvoir jouer les femmes au foyer à Dubaï, où elle a suivi son mari il y a quelques années, elle s’est un jour reconvertie en assistante maternelle pour mettre un terme à ses journées d’ennui: “Je m’étais mise à récurer à la brosse à dents les joints du carrelage et je me suis dit ‘là, j’ai touché le fond, il faut que je trouve un job, n’importe lequel’”, rit-elle avec le recul. Elle est recrutée en stage non rémunéré à l’école française pendant trois semaines, avant de monter en grade et d’assurer le remplacement d’une titulaire partie en congé maternité. Même scénario lorsqu’elle a déménagé au Luxembourg avec ses trois enfants et qu’elle s’est inventée prof de maths, en attendant de trouver un boulot plus en adéquation avec son parcours -alerte spoiler: elle n’a jamais étudié les maths.
“J’ai un côté vendeuse de bagnoles, comme mon grand-père.”
Si Alice de Maximy a toujours relevé ces défis professionnels avec panache, c’est avant tout parce qu’elle est une bosseuse qui aime les challenges et ne craint pas la quantité de travail. Après un DEA en biologie moléculaire, son CV affiche un master en marketing à HEC, puis trois ans de conseil dans le domaine des biotech et de la santé chez Alcimed, avant de rester sept ans à l’INPES (désormais Santé publique France), puis de monter et de diriger le département communication de l’Agence régionale de santé d’Île-de-France. Un job qu’elle a décroché en recomposant d’après déduction l’adresse e-mail de Claude Evin, pour lui adresser une candidature spontanée. Si l’ancien ministre à l’origine des lois anti-tabac et alcool était considéré “comme un dieu dans le monde de la santé publique”, cette audacieuse n’a pas eu peur d’utiliser la manière directe pour postuler dans son service. Pas plus qu’elle n’a rechigné à se faire passer pour une hôtesse lors de la Paris Healthcare Week 2018, pour réaliser un sondage avant de lancer hkind. “J’ai un côté vendeuse de bagnoles, comme mon grand-père”, s’amuse-t-elle. Et une énergie un peu punk, a-t-on envie d’ajouter.
Un engagement féministe et bienveillant
Alice de Maximy, derrière son nom à particule et son profil d’intellectuelle, possède une soif inextinguible de liberté, et cultive une part de rage positive qui lui permet de faire tomber bien des barrières. Elle raconte par exemple l’épisode qui a vu naître sa conscience féministe, un jour qu’elle se présentait à un ministère émirati pour y faire valider une équivalence de diplôme. Vêtue d’une robe rouge avec un col V et des manches trois quarts, cintrée à la taille et coupée juste au dessus du genou, elle s’est vue refuser l’entrée de l’institution par un garde zélé qui a jugé sa tenue “indécente”. “Le lendemain j’y suis allée avec un jean repoussant de crasse, les cheveux gras et pas maquillée. Je l’ai fait par vengeance… et je suis passée comme une lettre à la poste. Ce jour-là je suis devenue féministe”, se remémore-t-elle avec une colère intacte. Un féminisme qu’elle a toujours porté en elle sans le savoir, elle qui, dernière et seule fille de la famille, a été élevée par une femme magistrate et peut se targuer d’avoir eu une grand-mère résistante. Et une vision de l’égalité femmes-hommes qu’elle porte désormais à travers des projets comme Femmes de santé, un site qui met en avant les femmes du secteur et leurs initiatives, mais aussi un réseau de femmes qui cultive l’entraide et la bienveillance, deux valeurs cardinales pour notre interlocutrice.
“J’ai mis 42 ans à savoir qui j’étais et à m’aligner avec moi-même.”
Engagée, Alice de Maximy l’est assurément. Avec ses convictions qui affleurent et sa force de persuasion, on la verrait bien -et elle nous dit que son associée pense comme nous-, se lancer dans une carrière politique. Une voie qui ne lui déplairait pas sur le fond, elle qui a toujours aimé œuvrer pour le secteur public, mais qu’elle craint de ne pas pouvoir emprunter sans dommages collatéraux. “J’ai mis 42 ans à savoir qui j’étais et à m’aligner avec moi-même. Je ne suis pas sûre d’avoir les épaules pour affronter les attaques personnelles et la violence de la politique, un monde dont la bienveillance ne fait pas partie”, déplore-t-elle. Et qui se prive d’une personnalité aussi hors-normes que précieuse.
Faustine Kopiejwski
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