Ils sont trois derrière le projet de cuisine nomade The Paris Pop Up, dont deux femmes qui prouvent que tout reste à écrire en cuisine, surtout en dehors de l’assiette. Rencontre.
Ces dernières années, Arles est devenue l’épicentre d’un renouveau culturel riche et singulier, et c’est d’autant plus vrai depuis que la ville accueille durablement le trio de The Paris Pop Up.
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Harry Cummins est anglais et cuisinier. Laura Vidal est sommelière et québécoise. Après leur rencontre dans le restaurant Frenchie de Grégory Marchand, ils ont des envies d’ailleurs et la curiosité les démange. Ils décident d’adopter un concept cher aux Anglo-saxons: le pop-up. Soit une équipe nomade et itinérante qui parcourt le monde de restaurant en restaurant pour découvrir cultures et ingrédients tout en puisant son inspiration dans l’ailleurs. Cette année, sans abandonner leur concept de pop-up, ils inversent les rôles et investissent dans la pierre: à Arles, le restaurant Chardon est né. Un endroit conçu pour accueillir à son tour les chefs du monde entier en quête de nouvelles expériences. Et si The Paris Pop Up est aujourd’hui une petite entreprise, c’est grâce à Julia Mitton, une Canadienne résidant en France depuis 14 ans. Elle chapeaute et elle structure, elle permet finalement au trio de s’agrandir tout en préservant son amour du voyage, du produit et de la proximité.
“Ce n’est pas l’envie de parcourir le monde qui m’a plu, c’est l’idée d’entreprendre à plusieurs.”
Dans l’aventure depuis deux ans, elle voit ça comme “un début” et ne tire pas de bilan. “On a un autre super projet qui sortira bientôt mais je ne peux pas en parler, c’est top secret. Évidemment, on va continuer de ramener le voyage dans notre nouveau chez nous, Arles.” Entre une envie de Japon, un parcours de résidences prévu au Mexique et en Colombie cet hiver, et son nouveau restaurant en France, le trio s’épanouit aussi bien dans ses projets que dans l’assiette où le chef Harry ne cesse de surprendre les critiques gastronomiques.
Rencontre avec Julia Mitton, qui donne une nouvelle envergure à un projet culinaire dynamique et stimulant et a répondu à notre interview “Top Chef”.
Comment en es-tu arrivée à rejoindre The Paris Pop Up?
J’ai commencé avec l’Experimental Group lorsqu’il comptait seulement trois bars: le Curio Parlor (Ndlr: aujourd’hui fermé), Prescription et l’Experimental Cocktail Club. J’ai suivi tout le développement du groupe en étant sa directrice générale, je m’occupais des ressources humaines, de l’opérationnel, de la communication, des achats, des fournitures… Ma formation vient donc du terrain. Les bureaux étaient situés à Paris, tout près du Frenchie où travaillaient alors Harry et Laura, c’est dans ce lieu que je les ai rencontrés. Quand ils sont partis de ce restaurant pour faire leur tour du monde grâce aux pop-up, on avait déjà commencé à se projeter sur ce qu’on pourrait faire ensemble. Puis ils sont revenus et on a débuté notre chemin tous les trois.
Qu’est-ce que ton arrivée a changé?
Beaucoup de choses! The Paris Pop Up organisait alors des événements courts dans un restaurant établi pour un moment fun de partage. À mon arrivée, on a commencé à faire des événements plus sérieux et plus longs. On a immatriculé notre société à Londres et on a changé d’envergure. Avant, le Pop Up, c’était Harry et Laura, aujourd’hui c’est un staff de 15 salariés, ça n’a plus du tout la même échelle.
Pourquoi as-tu eu envie de rejoindre l’aventure?
Pour moi, c’est beaucoup plus qu’une association. Quand on entreprend, une véritable relation se crée. Je me suis très vite bien entendue avec Laura et Harry. On n’avait pas forcément une idée précise de ce qu’on allait faire, mais on voulait travailler à trois. On se disait juste: “Faisons quelque chose ensemble”. Les projets arrivent ensuite organiquement lorsqu’on prend le temps de mûrir nos idées collectivement. Ce n’est pas l’envie de parcourir le monde qui m’a plu, c’est l’idée d’entreprendre à plusieurs.
Est-ce que la France est en retard sur le développement des pop-up?
Non, je ne crois pas, la France a rattrapé son retard! Je suis heureuse que la restauration y soit devenue autre chose qu’un chef derrière ses fourneaux pendant trente ans. Désormais, c’est plus dynamique et forcément le voyage va de pair avec cet esprit de curiosité. Maintenant, les gens réalisent qu’ils peuvent faire ce dont ils ont envie! Si tu as envie de découvrir, voyager, cuisiner avec d’autres personnes ou apprendre d’autres techniques, tu ne peux pas rester seul dans ton restaurant.
Parallèlement aux pop-up, vous avez créez Chardon, destiné à accueillir en résidence des chefs itinérants. Pourquoi à Arles?
L’année dernière, on a réalisé un pop-up à l’hôtel Nord Pinus à Arles durant deux mois et demi, et ça a été un énorme succès. Plus que la réussite financière, c’est une victoire personnelle: on a réalisé quelque chose dont on était fier. Mais plus encore, on a flashé sur la ville. Arles a certes la taille d’un village mais il y a une telle activité qu’on n’a pas l’impression d’être excentré. Laura dit souvent que c’est un peu comme le XXème arrondissement de Paris, et c’est surtout vrai l’été. Ici, tout est à la cool. Plage une fois par semaine, promenades, bières en terrasse…
À Paris, tu as tendance à rester toujours avec les mêmes personnes, ici, puisqu’il n’y a pas beaucoup de monde, tu te retrouves avec des photographes, des acteurs, des écrivains, des designers… C’est tellement petit que, forcément, tu te mélanges! Donc pour le Chardon, c’était tout vu. L’investissement n’est pas aussi risqué que d’acheter un restaurant à Paris et on aura même la possibilité de fermer quand on veut en hiver. Ici, tout est moins stressant.
Et concernant les produits de cette région, c’est le même coup de cœur?
Totalement! Les produits du sud de la France sont extraordinaires. Et la proximité qu’on peut instaurer avec les producteurs est incroyable. Le marché du samedi matin est un rêve pour tout cuisinier.
Lors de vos pop-up, comment élaborez-vous vos menus sur place?
En général, si on peut avoir des contacts avant, grâce à nos connaissances ou aux restaurateurs qui nous accueillent, on le fait. On essaie de trouver qui on doit rencontrer, où sont les bons produits, ce qu’il ne faut pas manquer. On arrive en avance et on tente de rencontrer ces producteurs. À Paris, tu te fais livrer par Terroirs d’Avenir, tu sais que c’est bon mais il n’y a aucun contact. Durant nos voyages, on aime vraiment aller découvrir les personnes qui nous fournissent. Et, finalement, le menu découle de ça.
Que ramenez-vous de vos différents voyages? Des plats? Des idées?
Ce sont plutôt des ingrédients. Par exemple, à Kyoto, Laura et Harry sont tombés amoureux du rituel du thé. Dans plusieurs pop-up suivants, on a retrouvé le thé sous différentes formes, comme une sauce au thé par exemple. Ce n’est jamais la même recette que Harry reprend, mais ça s’inspire forcément de ce qu’on a vécu.
Julia Mitton et Laura Vidal à Arles / Instagram
Quel est le produit signature du Paris Pop Up?
L’artichaut évidemment (Ndlr: c’est le logo du Paris Pop Up) qui est le légume préféré de Harry. Il aime également beaucoup les produits japonais donc je pense qu’on va retourner bientôt au Japon, justement pour l’inspiration…
Que cuisines-tu chez toi?
Maintenant que j’ai une maison à Arles, je vais chaque samedi faire le marché. Je suis plutôt poisson. Je le cuisine simplement, avec plein d’herbes dessus et des légumes.
Ta junk food préférée?
Honnêtement, même à 2 heures du matin je mange des épinards… Donc pas de junk food!
Est-ce que tu as des restos fétiches à Paris et à Arles?
Clamato est l’un de mes restaurants préférés à Paris et mon dernier gros coup de cœur. Dersou, le Mary Celeste, L’Ami Jean et yam’Tcha bien sûr. Il y en a tellement! Ici, à Arles, La Chassagnette, L’Ouvre Boîte, Le Gibolin, Le Galoubet.
À ton avis, comment faire progresser le nombre de femmes chefs?
Ça vient! Pour être franche, je ne me pose jamais cette question, c’est évident qu’il y a des femmes chefs! Il y a beaucoup de femmes autour de moi comme Céline Mingam au Galoubet. Donc oui, il y en a plus parce que les codes changent. La course à l’étoile, c’est vraiment un truc d’égo qui n’est plus très pertinent. Il faut juste faire ce que ton cœur te dit de faire! Et quand tu manges chez yam’Tcha c’est une expérience, c’est génial!
Si tu étais jurée Top Chef, qui prendrais-tu dans ton jury?
Stéphane Jego de l’Ami Jean, Adeline Grattard du yam’Tcha et Giovanni Passerini du restaurant Passerini!
Propos recueillis par Bérengère Perrocheau
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