Chaque semaine, Clélie Mathias, auteure de On n’est jamais mort en politique!, décrypte un échec politique dans l’actualité.
La scène se passe dans un Monoprix, après neuf heures du soir. Il y a la working girl aux talons hauts qui claquent d’allée en allée. Des étudiants venus chercher quelques ravitaillements alcoolisés. De jeunes stagiaires dont les frigos crient famine depuis plusieurs jours déjà: “Là, c’était vraiment plus possible”. On croise aussi quelques pères de famille affolés au rayon couches. Qui ne s’est jamais retrouvé dans un Monoprix après 21h? Eh bien, il va falloir vous en passer. Merci la CGT! Alors que les autres syndicats avaient accepté un accord avec la direction, les cégétistes ont tout bloqué et s’en félicitent. Pourquoi ? “Le travail de nuit nuit”, répondent-ils.
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Tout le monde en convient. Aucun salarié ne travaille le soir ou le dimanche (le débat est le même, on l’a vu avec Castorama et Leroy-Merlin) par plaisir. Ils n’ont tout simplement pas le choix. Parce que c’est la crise. Parce qu’il y a en France plus de trois millions de chômeurs. Et parce qu’en plus, ils gagnent davantage en décalé. Si l’objectif des syndicats est de conserver une certaine vision de la société française (avec horaires de travail décents et le dimanche comme jour de repos hebdomadaire), leur stratégie est complètement contre-productive. Pour trois raisons.
La première: ils pénalisent les employés au lieu de les défendre. Que répondre à l’étudiant qui ne peut pas travailler en semaine mais a besoin d’argent? Que répondre aux parents qui se partagent la garde d’enfants entre semaine et week-end pour éviter des frais de nounou? Les syndicalistes se trompent de combat. Il faut se battre pour un revenu minimum étudiant par exemple ou une généralisation des crèches en entreprise. C’est par là qu’il faut commencer. À la source du mal.
Deuxièmement: les syndicats pénalisent le client qui finira inévitablement par aller voir ailleurs, notamment sur Internet. Client qui soutient d’ailleurs le travail le dimanche et de nuit, à condition qu’il y ait des contreparties. Les syndicats par conséquent condamnent à terme leur propre outil de travail et creusent eux-mêmes leur tombe. Ils s’enorgueillissent de faire plier de grandes enseignes mais ce sont les conditions de futures liquidations et de futurs plans sociaux qu’ils créent.
Enfin, leur lutte paraît anachronique. Ils se veulent les défenseurs d’une société qui n’existe plus. La mondialisation et le Web ont fait voler en éclats ce modèle. Rapidité et flexibilité sont devenues les maîtres-mots du marché. Nous avons besoin de certains garde-fous contre ce système. Mais nous devons aussi nous adapter. Ce n’est pas dans le blocage systématique que la France avancera.
Clélie Mathias
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