La Domination masculine n’existe pas: voilà un titre de livre qui ne laisse pas indifférent. Pourtant, son auteure, Peggy Sastre, se revendique féministe. Décryptage en six affirmations qui feraient bondir n’importe qui.
Mauvaise nouvelle pour qui voudrait émanciper les femmes malgré elles: “Elles furent les premières à favoriser la petite brute”, annonce d’emblée Peggy Sastre. Alors comme ça, la domination masculine est un mythe, ou pire, elle aurait été mise en place par les femmes? C’est ce que sous-entend en tout cas la quatrième de couverture de La Domination masculine n’existe pas, son nouveau livre. Une sœur cachée d’Eric Zemmour? “Si on taxe ce livre de masculinisme c’est qu’on ne l’a pas lu, tout simplement”, répète l’auteure de Ex Utero, pour en finir avec le féminisme et No Sex, avoir envie de ne pas faire l’amour.
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Cette philosophe des sciences travaille majoritairement sur les questions de genre, “pour réussir à ne plus en faire un critère d’identité”… Tout en sortant un livre extrêmement genré, où les femmes sont fragiles et les hommes de gros durs. Ce n’est pas elle qui le dit, c’est la science, argumente-t-elle, ou plus précisément la théorie de l’évolution de Darwin. Maladies, attaques de mammouth, famine: la vie n’était pas jolie-jolie pour nos ancêtres d’ il y a 200 000 ans. L’homme et la femme ont dû s’adapter pour survivre et ces changements de comportements sociaux se retrouvent dans nos cerveaux en 2015: si les hommes dominent aujourd’hui, c’est que les femmes ne pouvaient pas se débrouiller toutes seules à une époque où fêter son trentième anniversaire tenait de l’exploit.
Mais, même en lisant attentivement cet essai, certaines parties, pourtant appuyées par des tas d’études scientifiques, laissent pantois. Les hommes d’aujourd’hui y sont présentés comme obsédés et belliqueux, les femmes peureuses et prêtes à tout pour trouver le bon père. On a eu beaucoup de mal à s’identifier à ces descriptions, mais on a laissé une chance à Peggy Sastre de s’expliquer.
Si les hommes ont le pouvoir, c’est que les femmes l’ont bien voulu
“C’est de la provoc’ commerciale pour attirer le chaland. Ce n’est pas incompatible avec mes opinions féministes: une société où les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes droits me paraît absurde. Mais il y a malheureusement un consensus pour dire que la biologie n’a aucune incidence, que l’on ne naît pas femme, on le devient, que la féminité est une construction sociale… Je pense que c’est une fausse route. Si on ne commence pas à saisir qu’il y a des différences biologiques entre les hommes et les femmes, on n’ira nulle part: il faut comprendre un problème pour ensuite trouver des solutions. Ce sera l’objet de mon prochain livre.”
Les hommes sont tête brûlée, les femmes prudentes et soumises
“Je ne suis pas dans le jugement de valeur. Je décris les choses, je n’écris pas que c’est bien ou mal, mais que ça a été et est encore comme ça. Il faut se défaire de ces schémas traditionnels, d’autant que ce n’est pas inéluctable. Ce comportement des hommes et des femmes était valable dans un certain environnement, celui de la survie, où on pouvait crever du jour au lendemain d’une maladie ou d’une agression. Tout en ayant globalement les mêmes organismes que nos ancêtres d’il y a 200 000 ans, on a amélioré ces conditions de vie. On est en droit d’espérer que ce changement d’environnement peut, si on met en place des processus d’éducation et de sensibilisation, nous faire évoluer vers une autre organisation sociale.”
Les hommes sont obsédés par le sexe, les femmes font la fine bouche
“Le fait que les femmes puissent voir le monde avec le même prisme sexuel que les hommes n’a été rendu possible qu’avec la contraception. Il y a moins de danger à voir le sexe pour le sexe pour une femme quand il n’y a pas de risque de grossesse derrière, ce qui est possible aujourd’hui, je suis la première à le dire. Sauf que la contraception, à l’échelle de l’humanité, est ultra récente et est loin d’être universelle même dans nos pays riches. Ce n’est pas 50 ans de pilule qui vont annuler des milliers d’années d’évolution.”
Le viol est traumatisant principalement à cause du risque de grossesse non désirée
“Le viol est une stratégie reproductive, je l’explique longuement dans le livre avant d’en arriver à cette conclusion: le risque de grossesse à la suite d’un viol est bien, statistiquement, le premier impact traumatique -ce qui ne veut pas dire que c’est le seul. Il ne faut pas mélanger les observations statistiques et les impressions individuelles. Virginie Despentes, après King Kong Théorie, a été invitée dans un débat télévisé en face de Gisèle Halimi. Quand Virginie Despentes affirmait qu’elle s’en fichait d’avoir été violée, Gisèle Halimi rétorquait que c’était très dangereux de dire ça, et que toutes les femmes qui venaient la voir en tant qu’avocate étaient traumatisées par leur viol. Sauf que si ces femmes venaient voir une avocate, c’est qu’elles avaient porté plainte: cela réduit considérablement l’échantillon.”
Le harcèlement et le viol ont des buts sexuels et non de domination
“Pouvoir et sexe sont liés, mais le sexe vient en premier. Oui, majoritairement, un homme qui harcèle a envie de baiser. Après viennent le pouvoir, l’humiliation ou l’oppression, c’est ce que montrent les études que j’ai consultées: les hommes harcèlent sexuellement des femmes plutôt jeunes, en âge de procréer donc, dans un but purement reproductif.”
La domination masculine n’existe pas
“Il ne faut pas s’arrêter au titre du livre: je voulais exprimer que la domination masculine n’est pas celle que l’on croit, mais qu’elle existe bien. Je ne regrette pas, je suis très nulle en titre, et celui-là est le moins pire, même si je n’en suis pas particulièrement contente. Il a failli s’appeler Les Déchets, mais c’était trop vague, ou Une autre histoire de la domination masculine, qui ne se remarquerait pas dans l’univers ultra concurrentiel de l’édition.”
Propos recueillis par Clémence Meunier
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