Tatouages connectés, vêtements en peau humaine: la websérie Fashion Geek met la technologie au cœur de la mode sur Arte Creative. On vous la présente en exclusivité.
Elles et ils créent des vêtements en peau humaine, des tatouages connectés ou des robes à partir d’une imprimante 3D. Tous sont présentés dans la passionnante websérie Fashion Geek, diffusée sur Arte Creative le lundi 25 septembre. C’est lorsqu’elle s’est remise à coudre, il y a 3 ans, que Sidonie Garnier, qui cosigne cette Websérie, a commencé à tirer le fil de Fashion Geek. À ce moment-là, se rappelle l’auteure, elle a découvert la communauté DIY sur Internet. “Toutes ces personnes partagent d’une manière très généreuse leur savoir-faire en ligne, si bien qu’aujourd’hui, on peut tout apprendre sur Internet, y compris à coudre des leds”, explique-t-elle. “Cette nouvelle accessibilité des connaissances ouvre la porte à de nouveaux types de créateurs.”
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“La mode a toujours intégré les inventions.”
Épaulée par le producteur François le Gall, qui souhaitait “traiter de l’influence d’Internet et des réseaux sociaux sur la mode”, Sidonie Garnier s’est entourée de la réalisatrice Maryam Goormaghtigh pour créer dix épisodes qui cherchent à “rendre compte à la fois de l’esthétique des œuvres présentées mais aussi [à emmener le spectateur] au cœur de la matière.” Diffusées sur Arte Creative en intégralité dès lundi 25 septembre, ces pastilles de quelques minutes présentent les créatrices et créateurs qui ont choisi de mettre la technologie au cœur de la mode. Bien plus qu’une simple approche geek de la création, leur démarche interroge la notion de progrès et intègre les enjeux de notre société avec, en creux, une question: comment faire de la mode plus intelligemment? Rencontre avec l’auteure de cette passionnante Websérie.
Comment as-tu sélectionné les créateurs qui participent à Fashion Geek?
On voulait parler du vêtement au sens large, s’intéresser aussi bien aux créateurs de pièces uniques qu’à ceux qui créent des produits susceptibles d’être vendus à grande échelle. On présente donc le travail de designers, mais aussi d’entrepreneurs et de chercheurs. On peut ranger ces créateurs sous le label “Fashion Tech”, parce qu’ils intègrent de la technologie dans leurs créations ou leurs inventions, mais, de par leur positionnement, leurs approches et objectifs sont différents. Cela dit, tous portent un regard sur la manière dont la technologie transforme nos modes de vie et c’est ce qui nous permet de montrer qu’un simple t-shirt n’est pas un objet si anodin. Qu’il soit connecté, ou teint grâce à des bactéries, il raconte et questionne la place que la technologie occupe désormais dans nos vies.
Technologie et mode ont-elles toujours fait bon ménage?
Il me semble que la mode a toujours intégré les inventions, qu’il s’agisse de matières ou de manières de faire. Les manifestes des futuristes du début du XXème siècle ou les créations de Courrèges, Hussein Chalayan ou Elisabeth de Senneville, pour ne citer qu’eux, le prouvent.
Quelle est la particularité de la relation entre mode et la technologie en 2017?
Ce qui change peut-être aujourd’hui, c’est l’accessibilité financière et technique de technologies complexes et jusqu’ici réservées aux grandes entreprises. Il devient plus facile pour des artistes de s’en emparer. Mais cela ne signifie pas pour autant que ce sont des technologies faciles à maîtriser. Les créateurs doivent souvent travailler avec des spécialistes pour développer leurs idées, comme par exemple threeASFOUR qui a travaillé avec Travis Fitch, un architecte, pour créer des pièces fabriquées à l’aide d’une imprimante 3D. De la même manière, pour inventer un colorant “propre”, fabriqué par des bactéries, la start-up Pili travaille avec des chimistes.
Quelle est la part de tradition dans l’approche de ces créateurs?
Elle est importante et surtout revendiquée. Pour créer un vêtement connecté ou interactif, il faut savoir créer un vêtement. Même s’il faut s’attendre à voir apparaître des logiciels de patronage virtuel, il faudra toujours dessiner, fabriquer et tester. Ce geste-là fait partie intégrante de la création.
L’un des designers de Fashion Geek explique qu’il n’a jamais pensé à rendre les femmes sexy en créant ses vêtements. En quoi ces créateurs s’affranchissent-ils des canons de la mode?
Le créateur en question, Jacob Kok, propose une approche à la fois critique et ludique. Pour lui, la technologie dans la mode peut être utilisée pour s’affranchir des conceptions classiques du vêtement et expérimenter nos multiples identités. D’autres, comme les threeASFOUR, créent un vêtement qui va s’adapter parfaitement aux mouvements du corps, comme le fait une peau de serpent. Leurs créations sont des manifestes: ils nous invitent à repenser le rôle du vêtement.
En faisant cela, sont-ils aussi en train d’inventer une nouvelle femme?
Je ne sais pas s’ils inventent une nouvelle femme mais ils signalent en tout cas que l’on peut s’affranchir des canons, accueillir son corps et sa personnalité tels qu’ils sont et que le vêtement peut être l’un des vecteurs de cette acceptation.
En quoi peuvent-ils améliorer notre quotidien grâce à leurs vêtements?
Nous présentons le travail d’une jeune chercheuse du MIT qui a mis au point un tatouage connecté à fabriquer soi-même et celui d’un entrepreneur qui propose des chaussures connectées. Ces créations, à l’instar du smartphone, pourront par certains aspects nous faciliter la vie: nous réchauffer, détecter des maladies… Même si, pour l’instant, ce sont seulement des prototypes. Mais les vêtements connectés arrivent et il faut aussi envisager ce à quoi nous nous exposons en les utilisant: comment seront utilisées les données recueillies par ces objets? Et de manière plus générale, veut-on rapprocher à ce point l’électronique de nos corps? Veut-on s’augmenter? Et pourquoi?
“Nous sommes dans un projet de design critique qui invite à questionner de manière générale le rapport de l’humanité à la science.”
Certaines techniques soulèvent aussi des questions éthiques…
Nous sommes en effet dans un moment où la technologie offre des possibilités infinies et où plus personne ne semble réellement en mesure de la contrôler, car ses avancées se succèdent à rythme effréné. Ce que montre la créatrice Tina Gorjanc, en se mettant dans la peau d’un Dr Frankenstein pour obtenir un brevet lui permettant de fabriquer de la peau humaine synthétique à partir de l’ADN d’un mort, c’est l’existence de ce vide, de ces failles juridiques. Et derrière ces failles, il y a des paradoxes: “Quand quelqu’un parle de peau humaine, nous trouvons cela grotesque. Et pourtant, nous achetons du cuir animal dans n’importe quel magasin”, explique-t-elle. Nous sommes ici dans un projet de design critique qui invite à questionner de manière générale le rapport de l’humanité à la science. C’est passionnant!
Les femmes sont très bien représentées dans votre sélection de créateurs. Sont-elles nombreuses que à s’emparer des nouvelles technologies et à les mettre au service de la mode?
Nous n’avons pas fait le compte mais l’une des bonnes surprises de ce projet a été de découvrir qu’effectivement, de nombreuses jeunes femmes s’emparaient de ces technologies. Cela montre peut-être que l’accès aux études, aux métiers ou aux connaissances scientifiques s’équilibre.
Propos recueillis par Faustine Kopiejwski
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