Lieu de débat et de réflexion, le forum European Lab ouvre un espace de combat contre la frilosité et le repli caractéristiques des temps de crise. Et donne la parole à une génération qui transforme déjà le monde par ses pratiques collectives et les liens qu’elle tisse par-delà les frontières.
Conçu dès son lancement, en 2011, comme un laboratoire d’idées accompagnant des initiatives culturelles revigorantes, European Lab s’est depuis imposé comme un acteur de premier plan de la jeunesse européenne : celle qui, contre les vents dominants des populismes, voudrait reconsolider, sinon réenchanter, une certaine idée de l’Europe en fédérant des énergies disparates. Pas celle, purement technocratique, d’une Europe refermée sur elle‑même, soucieuse de ses seuls intérêts, mais celle d’un continent ouvert, attaché à la solidarité.
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Autant dire que le combat assumé par European Lab depuis six ans se heurte à des obstacles de plus en plus pesants : c’est bien ce qui en fait la valeur, tellement rare dans l’actuel désert d’idées généreuses et d’horizons radieux. Un désert aride et ridé, où la culture n’est même plus un enjeu, sinon celui de promouvoir des valeurs nationalistes et conservatrices, dont le patrimoine est le nom exclusif.
Lutter contre les mirages identitaires
A rebours de cette régression, Arty Farty, à l’origine d’European Lab, cherche à défendre “la communauté de ceux qui portent le fer pour lutter contre les mirages identitaires et les passés réinventés, ceux qui aujourd’hui résistent au délit de solidarité, redéfinissent le périmètre des valeurs publiques, du respect de l’intérêt général et du bien commun”. Pour l’équipe, il est aujourd’hui plus urgent que jamais de “penser un horizon commun, formuler un désir démocratique ou une nouvelle aventure collective, au‑delà de la crise multiforme qui secoue notre époque et notre monde”.
L’an dernier déjà, le forum s’achevait en traçant les contours d’un diagnostic global alarmant : “celui des fractures sociales, territoriales et générationnelles devenues des gouffres, nourrissant inlassablement le rejet compulsif et hystérique d’un ‘système’ que tout le monde dénonce sans jamais le définir, des élites réelles ou supposées, du radicalisme, de la propagande et du complotisme numérique.” En un an, l’accumulation d’événements politiques inquiétants – Brexit, élection de Trump, dérive autoritaire d’Erdogan en Turquie, montée des populismes dans tous les pays européens – a eu raison de l’espérance démocratique portée par European Lab.
Ce qui gagne la majorité des esprits fatigués aujourd’hui, c’est ce que l’essayiste Raphaël Glucksmann appelle “la colonisation de l’esprit public par l’individualisme privé, l’effacement des principes civiques qui conduit à l’atomisation sociale, à la mise à distance de l’autre, à la peur de ce qui n’est pas soi, à l’érection de murs et donc à la dislocation de l’espace républicain”.
Une reconquête optimiste
Insidieusement, cette année 2017 impose ainsi son agenda aux équipes d’European Lab, soucieuses de dépasser le niveau du constat alarmant pour activer concrètement la voie d’une reconquête optimiste de la jeunesse, désorientée depuis le début des années 1990.
“L’enjeu est plus que jamais, précise Vincent Carry, de dépasser le stade du constat, de l’amertume et du fatalisme, et de donner la parole à ceux qui se mobilisent, notamment aux jeunes générations de militants et d’artistes, chercheurs et universitaires, acteurs et entrepreneurs, journalistes et auteurs européens et du monde entier.”
Sans être encartés, ces activistes transnationaux ont “les ressources requises pour reprendre la main”. En marge des institutions établies, attachés à des pratiques collectives alternatives, leurs réseaux mettent aujourd’hui en acte une politique de résistance aux normes culturelles et aux idées putrides. Face au rouleau compresseur et compressé de médias soumis au règne nouveau de la “post‑vérité”, tous veulent par exemple “réarmer les médias de demain, leurs modèles économiques et leur indépendance, revaloriser la déontologie, l’éthique journalistique, le respect de la vie privée, le goût de la diversité, le travail d’investigation et la déconstruction des fausses informations”, mais aussi “traquer les mécaniques conspirationnistes et les infos bidons”.
“Un tribunal pour les générations futures”
Outre cet enjeu des médias en résistance, le forum s’interrogera cette année sur la question de l’espace numérique reconfiguré par le Big Data et la généralisation des modèles algorithmiques. En reprenant les codes d’un procès scénographié selon les règles d’usage (réquisitoire, témoignages, plaidoirie et verdict d’un jury tiré au sort dans la salle), un “tribunal pour les générations futures” tentera, de manière plus ludique, de cerner les attentes des jeunes générations face au monde ancien qui meurt, afin que le nouveau espéré n’engrange plus les “phénomènes morbides” se produisant durant “l’interrègne” énoncés par le théoricien Antonio Gramsci.
Soucieux aussi des espaces de vie, le forum s’interrogera sur la transformation des villes, résilientes et durables, et surtout sur la manière d’associer concrètement les citoyens à leur gouvernance. D’un laboratoire d’idées à un label éthique, European Lab se rêve désormais en European Bal : moins un bal des vampires qu’un bal des idéalistes lucides qui inspire l’avenir, enfin désirable, enfin enivré.
Forum European Lab : “Imagine la culture de demain”, les 25 et 26 mai aux Subsistances ; dans le cadre des Nuits sonores, du 23 au 28 mai à Lyon – 15ème édition
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