Et si nous décidions (enfin) d’être heureux? Lorsque j’ai vu cette série de trois documentaires intitulés Génération Quoi? diffusés sur France 2 à partir du 15 octobre, voici la première et finalement la seule question que je me suis posée. Rien de ce j’ai pu y voir ou entendre ne m’a étonnée. Voilà que des images sont mises sur les mots que nous avons écrits avec Myriam Levain il y a bientôt deux ans. Voilà une bonne chose de faite. Cependant, le temps des constats est terminé. L’action doit prendre la relève. Elle commence donc, je le répète, par cette question: Et si nous décidions (enfin) d’être heureux? Lorsque j’ai entendu, dans un des documentaires, ce Brésilien d’une vingtaine d’années dire qu’il fallait qu’il “commence à vivre”, c’est-à-dire qu’il “achète une voiture et une maison”, j’ai trouvé ça triste. Je ne lui en veux pas, j’en veux à la société de lui avoir fait croire que c’était ça la vie. Si nous continuons à raisonner avec les critères de réussite définis par les générations précédentes, nous serons malheureux. Aujourd’hui, ils n’ont plus lieu d’être puisque le monde a profondément changé. Alors, je me suis demandé pourquoi nous ne tirerions pas un trait sur ce qu’était la société avant? Avant la crise économique, avant le taux de chômage des jeunes à 25%, avant la crise sociale et avant la révolution Internet.
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Si nous décidions de redéfinir les règles en les adaptant à l’époque, nous pourrions nous dire que la vie ne commence pas seulement quand on a un travail stable, quand on construit une famille ou qu’on accède à la propriété.
Si nous décidions de redéfinir les règles en les adaptant à l’époque, nous pourrions nous dire que la vie ne commence pas seulement quand on a un travail stable, quand on construit une famille ou qu’on accède à la propriété. Toutes ces choses, nous finirons sans doute par les réaliser mais ça ne veut pas dire qu’en attendant, nous ne sommes pas vivants. Décidons que la vie commence autrement. La vie aujourd’hui, c’est aussi avoir 25 ans, un bac+5 en poche, vivre en colocation, remplir inlassablement à la fin de chaque mois sa déclaration de situation sur le site de Pôle Emploi ou galérer pour trouver un CDD de trois mois payé une misère. Notre erreur aussi, ce serait d’attendre que la société nous dise qu’elle a besoin de nous. Elle ne le dira pas. Dans le documentaire, une jeune femme se disait marquée par une phrase de Raymond Aubrac -tellement qu’elle en avait même oublié le prénom du résistant français mais pas son analyse si juste de la situation des jeunes. Ce dernier disait: “Ils savent que la société ne les attend pas. C’est grave, extrêmement grave.” Oui, ça l’est mais commençons sans elle. Et c’est elle qui finira par se sentir mal. Car Aubrac disait aussi: “Dans une société, quand la confiance des jeunes disparaît, c’est l’élan vital de la société qui est en péril; si on ne rétablit pas cet élan vital, la société elle-même est en danger, la démocratie est en danger.” Alors laissons-là se démerder avec ses faux-pas qu’elle finira de toute façon par payer.
Soyons utopistes tout en étant lucides, faisons avec nos désillusions sans pour autant y laisser nos rêves et inventons un système D.
Soyons heureux aussi pour nos parents, ceux qui nous ont accompagnés depuis le début et qui supportent mal de nous voir sur le bord de la route. Position d’autant plus désagréable quand on sait qu’ils nous ont encouragés à faire ce que nous voulions et nous en ont donné les moyens lorsqu’ils le pouvaient. Ils affirment encore qu’ils assumeront leurs enfants tant que ce leur sera possible. Et même si parfois nous avons du mal à l’entendre, ils disent aussi qu’ils auraient voulu avoir notre vie. C’est l’ordre des choses. En revanche, ne doutons plus, nous, d’avoir une vie meilleure que la leur. Nous n’aurons pas la même. Elle sera différente mais pas nécessairement moins heureuse. Pour ça, continuons ce que nous avons commencé. Soyons utopistes tout en étant lucides, faisons avec nos désillusions sans pour autant y laisser nos rêves et inventons un système D, celui-là même que nous avons déjà mis en place, et que nous pourrions rebaptiser le système Y -notamment pour faire chier ceux qui en ont assez du terme “Génération Y” . Prenons notre mal en patience. Tirons nos cartes du jeu que la société nous a laissé et rebattons-les à notre manière. Ça devrait nous permettre de garder le sourire.
Julia Tissier
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