Vingt ans après Speed, Sandra Bullock renoue avec le genre du survival dans Gravity, où elle fait un trek dans l’espace en compagnie de George Clooney. Au-delà du spectacle visuel, ce partenariat réussi entre un homme et une femme permet à Gravity de se distinguer des autres films spatiaux. Explications.
Inévitablement comparé à 2001: L’Odyssée de l’espace, Gravity n’a en commun avec lui que… l’espace. Tandis que le premier continue quarante-cinq ans après sa sortie d’inspirer aux cinéphiles mille théories et interprétations toutes plus folles et mystiques les unes que les autres, le second ne fera très certainement pas l’objet d’autant de spéculations: contrairement au film de Stanley Kubrick, le long métrage d’Alfonso Cuarón ne se veut ni complexe ni indéchiffrable. S’il constitue une expérience visuelle et sensorielle spectaculaire, Gravity suit cependant un schéma narratif d’un imparable classicisme qui lui permet d’être un survival efficace. Il n’hésite pas non plus à utiliser abondamment des images au symbolisme évident, comme la position foetale que prend Ryan (Sandra Bullock) après avoir échappé une nouvelle fois à la mort, qui retranscrit à l’écran son besoin de protection et de sécurité.
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La véritable surprise de Gravity se situe ailleurs, d’abord dans le fait notable que le héros de ce film catastrophe soit une femme. Interrogé lors de l’avant-première parisienne sur la raison pour laquelle Gravity avait une héroïne, le co-scénariste Jonas Cuarón a répondu avoir toujours imaginé un personnage principal féminin.Et de l’expliquer par le fait qu’il raconte une histoire de renaissance, un thème lié selon lui à la femme pour tout ce qu’elle représente –la maternité, l’instinct protecteur, etc. Pas besoin de s’énerver à ce sujet: s’il ne nie pas son pouvoir créateur, Gravity ne réduit pas la femme à son ventre. Mieux, le film propose une image réconciliatrice des deux sexes qu’il est rare de voir au cinéma.
La science-fiction n’a bien entendu pas attendu Gravity pour se doter d’héroïnes. On pense évidemment à Ripley (Sigourney Weaver) dans le Alien de Ridley Scott ou à Sarah Connor (Linda Hamilton) dans Terminator de James Cameron. Néanmoins, dans ces films, la femme doit survivre par la violence, en réaction non pas seulement à un environnement hostile, mais aussi à des hommes violents -par “hommes”, on entend tout être à l’apparence masculine comme le Terminator ou les androïdes d’Alien (Ian Holm) et de Prometheus (Michael Fassbender). Or, dans Gravity, et c’est là la deuxième originalité du film, la survie de Ryan est au contraire aidée par des hommes.
Si Kowalski redonne à Ryan le désir de vivre, ce n’est pas en lui promettant de lui mettre la bague au doigt mais en lui montrant que l’univers n’est dangereux et absurde que lorsque l’on décide de le percevoir ainsi.
Matt Kowalski, le personnage de George Clooney, surprend: alors qu’on s’attend à ce qu’il soit à la fois son compagnon de galère et potentiel futur petit ami, il disparaît assez rapidement du film non sans s’être au préalable imposé comme un mentor. Le mentor, dans les récits héroïques, est une figure clé, un guide sans lequel le héros ne pourrait triompher. D’avoir fait d’un homme le mentor d’une femme ne diminue en rien la force de Ryan. Il est plutôt même rafraîchissant et positif de voir une relation homme/femme qui n’existe pas uniquement pour mener à des scènes d’amour ou de conflit.
Si Kowalski redonne à Ryan le désir de vivre, ce n’est en effet pas en lui promettant de lui mettre la bague au doigt mais en lui montrant que l’univers n’est dangereux et absurde que lorsque l’on décide de le percevoir ainsi. Imprégné de philosophie stoïcienne, Kowalski transmet à Ryan l’idée que vivants ou morts, nous appartenons au même espace, au même tout.
Ce n’est donc pas anodin si tous les autres personnages avec lesquels Ryan dialoguera une fois que sa décision de rentrer sur Terre sera prise, sont des hommes; qu’il s’agisse de celui avec qui elle entre par hasard en contact radio ou du responsable de la NASA (Ed Harris, qui prête une fois encore sa voix grave et rassurante à une figure mystérieuse, décisionnaire et presque divine, des années après The Truman Show). Ainsi, si la communication est difficile dans Gravity, elle est finalement rétablie, d’abord entre une femme et son moi, puis entre la femme et l’homme et enfin entre l’humain et le cosmos. Il n’y a pas de danger dans l’espace mais la possibilité d’une harmonie.
Linda Belhadj / almost-kael.com
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