Acceptée à L’Atelier scénario de la Femis, Déborah Hassoun a un an pour écrire son scénario de long métrage. Atteindra-t-elle son objectif? Chaque mois, elle nous raconte sa progression.
En 365 jours, on peut perdre 10 kilos et les reprendre, faire un enfant -voire deux s’ils arrivent par lot-, ou partir pour un tour du monde, histoire de prouver à tous ses amis Facebook qu’avant de se poser dans un pavillon de banlieue, on a été cool. Moi, j’écris un film.
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Voilà, j’ai un an, pas plus, pas moins. Pas juste parce que ça sonne rond, aussi parce que c’est le temps de la formation continue que j’ai intégrée à la Femis (Ndlr: l’école nationale supérieure des métiers de l’image et du son). “L’atelier scénario”, comme c’est écrit sur mon papier de l’Afdas. Un joli titre pour résumer une année passée devant un ordi. Je suis seule face à la page blanche mais, trois jours par mois, nous sommes huit autour d’une table avec l’espoir que la synergie fasse sauter les angoisses. Nous avons été sélectionnés sur concours avec chacun un pitch sur une page que nous voulions développer. Autant vous dire qu’en aussi peu de mots, aucun de nous ne sait vraiment où il va, mais le concept est de s’indiquer des chemins.
En dramaturgie, on dit qu’une histoire fonctionne quand un personnage a un objectif.
Je me lancerais bien dans une petite métaphore filée sur le thème “autoroute versus scénario”. En un an, combien de kilomètres de papier devrais-je parcourir pour que mon GPS ne m’emmène pas en plein milieu du désert? Mais bon, vu que je n’ai pas le permis et que je me satisfais très bien de la place du mort, laissons tomber toute comparaison…
En dramaturgie, on dit qu’une histoire fonctionne quand un personnage a un objectif. Puis il y a cette question que tout le monde se pose (mais si, je vous assure, vous vous la posez): si le personnage n’atteint pas son objectif, qu’est-ce qu’il lui arrive? Ceci a un nom: le fucking ENJEU!!!
Voilà sept ans que je paye mes impôts en boostant la crédibilité de mes histoires grâce aux déboires de mes potes.
Si je suis un personnage (prenons une caractérisation lambda: la scénariste persuadée d’être une imposture), que m’arrive-t-il si je n’arrive pas à pondre ces fameuses 90 pages?
Un grand moment de solitude devant mes camarades de classe déjà, mais aussi devant vous, lecteurs, car j’ai promis une chronique par mois sur le sujet et que ma liste de courses du mois de mai va possiblement vous ennuyer. Voilà sept ans que je paye mes impôts en boostant la crédibilité de mes histoires grâce aux déboires de mes potes (désolée et merci au passage). Mais sur ce coup, va falloir que je donne de ma personne.
L’idée de mon scénario part d’une dispute. Avec ma mère, évidemment. J’avais 22 ans et enfin l’envie de sortir de cette crise d’adolescence qui n’en finissait plus. Je ne me souviens pas du sujet, parce que le sujet, on s’en fiche, c’est hurler qui me plaisait. Avec le ton méprisant d’une fille qui vient de commencer une analyse, j’ai clos mon procès à charge par: “Ton problème dans la vie, c’est que tu penses qu’il n’y a que deux sortes de femmes, toi et ta mère. Ben moi, je suis ni comme toi, ni comme ta mère.” Comment je l’ai tuée avec ma réplique même pas écrite à l’avance!
Tombée dans le chaudron magique de la dramaturgie par la télévision, j’ai pour seule fierté cinéphile d’avoir vu toute la filmographie de Drew Barrymore.
De cette phrase qui m’est revenue en mémoire il y a quelques années, je suis devenue obsédée par l’idée que la féminité se transmet et se transforme au fil des générations. Est-ce que notre place en tant que femme est toujours en réaction à ce qu’a été notre mère? Est-ce qu’on devient la femme qu’une autre n’a pas voulu être? Et comment ces pensées très théoriques peuvent se matérialiser dans des personnages très pratiques?
Tombée dans le chaudron magique de la dramaturgie par la télévision, j’ai pour seule fierté cinéphile d’avoir vu toute la filmographie de Drew Barrymore. Et même si elle a souvent été d’un grand réconfort, elle n’a jamais répondu à ces questions. L’un de mes collègues de bataille a pour ambition de faire un remake d’un film du début du XXème siècle que personne n’a vu, alors quand j’ai cité Anne Hathaway dans Rachel se marie, qui a fait chou blanc aussi, j’ai dégainé mon clin d’oeil façon “on est dans la même team”. Pas sûre qu’il pense pareil…
Si vous vous demandez de quoi parle mon histoire, je n’ai pour l’instant rien de plus que ça: trois femmes dans une cuisine.
J’ai donc passé les premiers jours de formation à prendre en note toutes les références conseillées par mes petits camarades. Des histoires en pagaille sur des familles plus déjantées que la mienne, des héroïnes qui détestent leur mère, d’autres qui l’aiment tellement qu’elles n’arrivent pas à la quitter et pour varier les plaisirs, j’ai aussi dans ma besace des mensonges légués en héritage et des grand-mères égocentriques.
Si vous vous demandez de quoi parle mon histoire, je n’ai pour l’instant rien de plus que ça: trois femmes dans une cuisine. Un pitch qui ressemble à un titre de film français chiant et bavard. Il va y avoir du taf…
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