Soisic Belin, attachée de presse dans le milieu de l’édition et du spectacle, vient de lancer les soirées En scène Simone, des représentations, conférences ou lectures données par des expertes qui jonglent entre Socrate et Beyoncé. Entretien express.
“Lier divertissement et réflexion autour de la question cruciale qu’est la place de la femme”, voilà l’objectif de Soisic Belin, 32 ans, fondatrice des soirées En scène Simone. Depuis le 5 avril, chaque mois, le Sentier des Halles à Paris accueille l’intervention d’une femme experte en son domaine, venue partager ses connaissances sur les droits des femmes et leurs conditions. Après l’adaptation scénique de l’essai de Camille Emmanuelle, Sexpowerment, puis la conférence théâtralisée de l’historienne Virginie Girod qui abordait la place des femmes dans l’Antiquité, place ce vendredi 15 juin à un talk de Danielle Mérian présidente de l’association SOS Femmes africaines en danger, qui lutte contre l’excision.
C’est après une enfance partagée entre l’Italie, le Sénégal, le Portugal et la France, et des études brillantes à Aix-en-Provence en histoire, histoire de l’art et droit des organisations culturelles, que Soisic Belin débarque à Paris pour un stage aux éditions Albin Michel. Elle y restera cinq ans. S’ensuivent alors plusieurs missions de relations presse, notamment au service de son ami le comédien Alex Vizorek, au sein de sa société de production Juste pour rire: “Je m’occupais de tous leurs spectacles, du one man show au cirque contemporain.” Aujourd’hui indépendante, Soisic Belin se concentre sur En scène Simone pour valoriser le travail de femmes engagées et inspirantes. “La sexualité, le corps de la femme, les carcans liés à la féminité, le militantisme féministe, le monde du travail… Les femmes ont leur place dans toutes les sphères, on peut donc toutes les aborder”, confie celle qui “souhaite avant tout la parité et l’égalité en mettant en avant les apports propres à chaque sexe pour qu’il y ait une ‘harmonie des pouvoirs’.”
Comment as-tu eu l’idée de ces soirées?
Il y a quelques mois, Albin Michel a fait appel à moi pour le lancement d’une nouvelle collection ‘MA Next Romance’, des livres érotiques avec un fil conducteur féministe. Ce projet m’a permis de réfléchir à comment je pouvais m’impliquer pour défendre la place des femmes. J’avais envie de mêler mes nouvelles compétences en développement de spectacle à mes études de base et j’avais envie de produire quelque chose qui fasse sens pour moi. J’ai donc contacté Antoinette Colin, la directrice des deux théâtres du Point Virgule et du Sentier des Halles, je lui ai parlé de mon projet: faire intervenir des femmes, mais sans fermer la porte aux hommes, sur scène, comme des chercheur·se·s, historien·ne·s, plasticien·ne·s, photographes, médecins, artistes… Elle m’a tout de suite dit banco! J’ai ensuite peaufiné mon idée tout en travaillant sur l’image avec un super graphiste et une photographe italienne, Sara Lorusso.
Pourquoi ce nom, En Scène Simone?
Parce que Simone, c’est Beauvoir, c’est Veil, ce sont des femmes qui comptent dans l’avancée du féminisme. C’était un hommage et en même temps, on comprend tout de suite de quoi il s’agit. Et ‘En Scène’ parce que concrètement, c’est sur scène que ça se passe. Le théâtre a toujours été un lieu de vérité, de rire, on peut y dire tout fort ce que l’on pense tout bas sans que cela ne choque. C’est un lieu qui réunit, c’est un lieu chaleureux et décomplexant.
En Scène Simone fait une pause pendant l’été et revient en septembre. Une idée de la programmation de la prochaine saison?
En septembre, nous recevrons l’auteure Navie, qui proposera une conférence théâtralisée sur un sujet intime et universel: le rapport au corps et ce qu’on lui inflige. Pour le reste des intervenant·e·s, j’attends encore des confirmations de personnes que j’aimerais beaucoup accueillir comme le collectif qui travaille sur la réédition de Notre corps nous mêmes, Prune Nourry, Riad Sattouf, Marlène Schiappa…
Observes-tu un avant/après affaire Weinstein?
Bonne question! C’est la problématique d’un livre sur lequel je travaille. Aujourd’hui en France, le féminisme est multiple. La plupart des femmes veulent en être et s’en réclament, mais concrètement les manières d’agir restent floues. Médiatiquement, la chape de plomb a été levée après l’affaire Weinstein, les femmes se sentent plus libres de leur parole, de leur volonté de militantisme. Cela fait peur à certaines qui ne veulent pas rentrer dans ces questionnements, qui ne savent pas comment réagir face à ça, et aux hommes qui ne savent plus comment se comporter ou quelles sont les ‘nouvelles’ limites même en matière de blagues. Aujourd’hui, quand vous vous faites embêter dans la rue, vous savez que le mec sait que son acte est incivil, il n’a pas pu passer à côté de tous les hashtags et revendications qui ont suivi l’affaire Weinstein. Je pense en effet que le féminisme attire plus aujourd’hui mais qu’il divise encore plus aussi, notamment les femmes entre elles. Mais ce n’est qu’une question de dosage et d’enseignement. En définissant les féminismes, chacune d’entre nous pourra trouver sa place.
Propos recueillis par Audrey Renault