Mâtinée de R’N’B, d’électro et de ragga rave, la musique d’Elliphant se joue des codes pour mieux bouleverser la pop. Un dessein inspiré que la chanteuse poursuit avec un nouvel album qui lui ressemble: impertinent, multiple et lumineux. Découverte.
Rafraîchissante, c’est le mot qui vient à l’esprit lorsque l’on découvre Elliphant, alias Ellinor Olovsdotter. D’abord parce que sa musique a quelque chose d’indomptable, tant elle y insuffle des sonorités plurielles, et a priori opposées. Sauvages, ses compositions sont un pêle-mêle d’électro et de dancehall, de rock et de drum and bass, d’insolence et de candeur. Et puis, il y a son magnétisme. Celui d’une jeune femme de la génération Y qui assume sans compromis d’être à la fois sexy, fumeuse de joints, underground et peu soucieuse des qu’en-dira-t-on. Elliphant a ce petit côté punk qui fait du bien dans une industrie musicale si formatée, et que partagent nombre de ses compatriotes suédoises, comme Little Dragon, The Knife, ou Lykke Li. Son style, on le compare souvent à celui de la chanteuse Mia ou encore à MØ, son acolyte danoise que l’on retrouve dans Living Life Golden, son deuxième album, qui succède à l’excellent A Good Idea sorti en 2013. À mi-chemin entre la pop et le hip hop, ce disque réussit le pari d’être exigeant tout en regorgeant de tubes plus calibrés les uns que les autres, comme One More ou Step Down. “Ma musique est très sauvage et en constante évolution, elle peut être rock, électronique, douce et dure, à propos de tout ou de rien. Elle a une certaine structure aussi, même si on ne peut pas la mettre dans une case précise”, confesse la jeune femme.
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Une enfance en marge
Cette propension à l’imbroglio lui vient sans doute de son enfance, passée dans un quartier sombre de Stockholm, marquée par un père absent et une mère toxicomane, mais constamment baignée de musique. “Ma mère est une vraie punk, elle était toujours sous amphétamines et héroïne, mais elle aimait la musique, et nous faisait rester des heures dans des magasins pour nous faire écouter des disques après l’école.” Un système scolaire qu’elle quitte précocement, à 15 ans, alors qu’on lui détecte des troubles d’hyperactivité et de dyslexie. Pour se canaliser, la jeune fille se réfugie dans la musique, qu’elle ne quittera plus. “J’étais vraiment une enfant exigeante, entre Leonard Cohen et Jeff Buckley, puis j’ai découvert Massive Attack, Portishead et No Doubt. J’aimais le fait que Gwen Stefani fasse tout ce qu’elle voulait, elle a été une vraie source d’inspiration pour moi.” À 19 ans, elle fait ses valises pour l’Inde, pays qui sera le point de départ d’un long tour du monde, entre l’Indonésie où elle chante avec un groupe électro, puis Berlin et Londres dont elle écume les clubs et hume l’énergie. “J’étais simplement en train de m’amuser, de me faire de nouveaux amis et d’avoir des expériences étonnantes avec des gens différents, c’était comme un centre de vacances!”, se souvient-elle.
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La chance au coin du club
Jusqu’au jour où les événements prennent une tournure plus sérieuse. En 2012, alors qu’elle est de passage à Paris, elle rencontre, lors d’une soirée passée en boîte avec sa sœur, le producteur Tim Denève qui lui propose de travailler avec lui. Très vite, Elliphant se fait remarquer par Pitchfork, puis signe sur Kemosabe Records, le label de Dr Luke qui compte déjà des artistes tels que Juicy J, Bonnie Mckee, Yelle ou, de triste actualité, Kesha. C’est à ce moment-là qu’elle tisse ses premiers liens avec ceux qui font désormais partie de son entourage, comme Skrillex ou Major Lazer. Diplo, leader de Major Lazer, remarque instantanément le potentiel et le brin de folie de la chanteuse: “J’ai rencontré Elliphant sur une autre planète, elle est le sixième élément”, dit-il à son sujet. De cette amitié naissent de nombreuses collaborations, souvent rasta-pop, toujours péchues, comme les morceaux Too Original ou Spoon Me. Un univers pluriel et atypique dont est imprégné Living Life Golden, et dans lequel Ellinor Olovsdotter partage d’ailleurs des titres avec Skrillex et Major Lazer, mais aussi avec la rappeuse Azealia Banks. Un disque aux allures de joyeux boxon, disparate mais structuré, dans lequel cohabitent le glamour, un soupçon de trash mais aussi beaucoup d’humour. Au gré de son flow acéré, la chanteuse distille son style avec maestria, et peu importe si ça ne plaît pas à tout le monde. “Je suis une femme, je fais ce que je veux, et tout va bien.” Voilà qui est dit.
Julie Pujols Benoit
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