Après avoir sorti en 2013 Behold, A Pale Horse, un deuxième album qu’elle a entièrement produit seule, l’Anglaise Ebony Bones est actuellement en tournée française. Quelques heures avant son concert parisien à la Maroquinerie, on a rencontré cette artiste farouchement indépendante.
De toute évidence, Ebony Bones entretient un rapport privilégié avec l’Hexagone. Quand nous la retrouvons ce dimanche dans son hôtel du 20ème arrondissement, quelques heures avant son concert à la Maroquinerie, l’Anglaise entame instantanément les bavardages. Elle affirme que la France, qu’on pourrait croire mal lotie en la matière, surtout par rapport à son voisin britannique, est le pays d’Europe le plus favorable à la musique indépendante.
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Et de citer en exemple des groupes comme The Cure ou les Smiths, qui auraient, selon elle, rencontré le succès en premier lieu dans nos contrées avant d’être reconnus sur leurs terres. Les Smiths, d’ailleurs, elle en reprend un titre, accompagnée d’une chorale d’enfants sur son deuxième album sorti en 2013, l’exaltant Behold, A Pale Horse.
Une cover qui n’aura pas échappé à Jean-Daniel Beauvallet, cofondateur, rédacteur en chef musique des Inrockuptibles et grand fan du groupe de Morrissey: “Il a été le premier à me soutenir et à m’encourager à sortir cet album. C’est un vrai passionné de musique, ce qui est finalement assez rare chez les journalistes du milieu.”
Jeune trentenaire, Ebony Bones, alias Ebony Thomas, sait ce qu’elle veut et où elle va, mais n’oublie pas qui sont ses bienfaiteurs. C’est peut-être que faire de la musique est encore un challenge pour elle, qui, au départ, ne prenait pas du tout cette direction. Plus jeune, elle a fréquenté la Sylvia Young Theatre School de Londres aux côté d’Amy Winehouse. Vers 20 ans, elle a joué dans la série Family Affairs et a été nommée pour ça aux British Soap Awards en 2004 et 2005. Ce n’est que plus tard qu’elle s’est lancée dans la musique, en autodidacte. Après un premier album sorti en 2009 chez PIAS, c’est sur son propre label qu’elle continue désormais sa route. Farouchement indépendante, elle prône le “Do it yourself” à la manière des punks. De la musique au bricolage en passant par la cuisine, on a cherché à savoir ce qu’elle était ou non réellement capable de faire toute seule.
Peux-tu réaliser toi-même un album de A à Z?
Oui, je peux le faire. C’est important de montrer que des femmes en sont capables. Les femmes qui produisent elles-mêmes leur musique, comme Kate Bush, Missy Elliott ou Linda Perry, ne sont pas aussi célébrées que les hommes. Dans toute l’histoire de la musique, aucune d’entre elles n’a gagné un Grammy ou quelque autre récompense pour son travail de production. On a beau être en 2014, cet état de fait n’a pas changé. Pour faire avancer les choses, il faut offrir aux femmes des exemples, des modèles. Si elles n’ont personne à qui s’identifier, comment peuvent-elle avoir l’idée que tel ou tel domaine leur est accessible?
Peux-tu t’occuper toi-même de la direction artistique?
C’est même ma partie préférée! C’est moi qui ai conceptualisé la direction artistique de Behold, A Pale Horse, qui ai amené les références apocalyptiques. Pour réaliser la pochette du disque, nous avons utilisé un cheval grandeur nature que nous avons pendu par les pieds. Avant que la PETA ne me tombe dessus, je précise qu’il était en plastique! (Rires.)
“Quand je dois me faire une afro un peu spectaculaire comme sur la pochette ou certaines photos de presse, j’ai quand même besoin d’un petit coup de main!”
Et de ton stylisme?
Oui, je m’occupe moi-même de mes costumes, notamment pour la scène. Pour la pochette du disque, j’ai travaillé avec une créatrice hollandaise, Iris Van Hepern. Les chaussures que je porte sont les premières chaussures fabriquées à l’aide d’une imprimante 3D qui figurent sur un visuel d’album.
Peux-tu te maquiller et te coiffer toi-même?
Je le fais seule la plupart du temps, mais quand je dois me faire une afro un peu spectaculaire comme sur la pochette ou certaines photos de presse, j’ai quand même besoin d’un petit coup de main! D’ailleurs, je suis pour le “Do it yourself”, mais il ne faut pas oublier que l’art, c’est avant tout un travail d’équipe. Sur scène par exemple, je suis entourée d’un groupe formidable, au sein duquel nous sommes tous amis.
Peux-tu réaliser une vidéo toi-même?
Là aussi, je m’entoure. Pour ma vidéo de Bread & Circus par exemple, j’ai trouvé l’idée et écrit le scénario mais elle a été réalisée par Julia Pacino, qui n’est autre que la fille du célèbre acteur. Ce clip a d’ailleurs été sélectionné par Jay Z, qui l’a diffusé en avant-première sur son blog, Life And Times.
Peux-tu poser une étagère, réparer un robinet toi-même?
Alors là, je suis nulle! J’appelle toujours quelqu’un à la rescousse, comme mon tour manager. À vrai dire, je ne suis pas du tout douée pour les petites choses du quotidien, et je suis assez bordélique. Je suis très carrée dans mon art, mais c’est tout. Pour créer de la beauté, il faut bien qu’il y ait quelque chose qui cloche quelque part: moi, c’est dans ce domaine-là.
“Je n’ai pas de téléphone en ce moment. J’ai décidé d’essayer de vivre sans, à titre expérimental.”
Peux-tu préparer à dîner pour six personnes?
J’aime cuisiner mais, malheureusement, plus personne ne veut venir dîner chez moi depuis que je suis végétalienne. Je suis d’origine caribéenne et ma famille se désole que je suive ce régime, car ils adorent la viande, notamment le poulet. J’ai pris cette décision il y a un an et demi, pour des raisons de santé. Je ne sais pas si c’est le cas en France mais en Angleterre, la viande est bourrée d’hormones. Je suis de celles qui pensent que nous sommes ce que nous mangeons, et je veux ingurgiter la meilleure nourriture possible pour pouvoir exercer mon art dans les meilleures conditions physiques qui soient. Cela dit, le KFC me manque parfois, et sentir l’odeur du bacon peut s’avérer une vraie torture! (Rires.)
Peux-tu mettre à jour ton système d’exploitation sur ton ordinateur toi-même?
Non, je ne sais pas faire. J’ai un usage assez limité de l’ordinateur, je m’en sers principalement pour faire de la musique et écrire des e-mails. Je n’ai même pas de téléphone en ce moment. J’ai décidé d’essayer de vivre sans, à titre expérimental. Car il me semble que, lorsqu’on passe sa vie le nez sur son portable, à écrire des textos ou à prendre des selfies, on passe à côté des choses qui se déroulent autour de nous. Du coup, j’emprunte leur téléphone aux gens qui travaillent avec moi.
T’occupes-tu de ta page Facebook et de ton compte Twitter toi-même?
J’ai décidé de boycotter Facebook, car ils prennent en otage les artistes: quand on a une page, pour atteindre sa communauté, il faut désormais payer, sans quoi seulement un infime pourcentage de vos fans voient vos posts dans leur timeline. Je n’ai pas les moyens de faire ça et je trouve que taxer de cette manière un réseau qui, au départ, était une grande communauté gratuite, est d’assez mauvais goût. Je suis davantage sur Twitter, je trouve que le fait de pouvoir être en contact direct avec ses fans est intéressant, et je fais en sorte de leur répondre autant que possible.
Propos recueillis par Faustine Kopiejwski
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