France 5 diffuse ce soir Arabie saoudite, les liaisons dangereuses, un documentaire coréalisé par la journaliste Julie Lerat, spécialiste du monde arabe. Interview express.
“Ce n’était pas du tout un rêve d’aller en Arabie saoudite, d’ailleurs, je pensais que je n’obtiendrais jamais de visa. Mais une fois là-bas, je me suis rendu compte qu’il y avait plein de choses que je n’avais pas comprises sur ce pays”, confie Julie Lerat. La jeune femme de 35 ans connaît bien le Moyen-Orient: elle a vécu un an au Liban à la fin de ses études de journalisme, et depuis, n’a jamais cessé de travailler sur la région et plus globalement sur les questions liées à l’islam dans le monde. Passionnée par ces sujets, la journaliste originellement formée à la radio, s’est retrouvée à tourner son premier documentaire sur un sujet complexe: les relations qu’entretiennent la France et l’Arabie saoudite à l’heure où le terrorisme islamiste frappe durement l’hexagone.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
“En Arabie saoudite, tout est fait pour que les gens ne se rencontrent pas et cela pèse sur toute la société.”
Anglé sur l’histoire de la région et sur le poids du salafisme sur le pays, le documentaire que Julie Lerat a coréalisé avec Claude Trinquesse nous aide à comprendre comment l’Arabie saoudite a à la fois donné naissance à Oussama Ben Laden et constitué un rempart contre L’État islamique. Ce pays qui reste le seul au monde où les femmes n’ont pas le droit de conduire, est souvent méconnu: le documentaire de Julie Lerat nous aide à comprendre le rôle ambigu que joue cette puissance régionale à l’heure du djihadisme international. Interview.
Pourquoi t’être penchée sur les relations entre la France et l’Arabie saoudite?
Depuis les attentats de janvier 2015, l’islam est devenu un sujet qui est au cœur de nos préoccupations. Avec le producteur, Christophe Nick, on a voulu comprendre pourquoi la France s’était rapprochée, après ces attentats, de l’Arabie saoudite, un pays dont est en partie issue l’idéologie des personnes qui attaquent notre pays. Il y a un certain cynisme dans la politique française à faire de l’Arabie saoudite un allié, et en même temps, si on leur met trop la pression, il y a un vrai risque de créer le chaos. Le salafisme fait partie intégrante de la société saoudienne mais cette pratique intolérante de l’islam ne signifie pas forcément le recours à la violence armée. Ce sont ces subtilités que nous avons voulu décrypter pour mieux comprendre ce qui se passe ici.
En tant que femme, as-tu eu des difficultés à tourner sur place?
Très peu, mais je n’étais pas étonnée car je connais bien la région. Au Moyen-Orient, les femmes occidentales sont une sorte de troisième sexe (Rires.), on sait que nous ne vivons pas de la même façon et nous sommes généralement autorisées à aller partout et parler à tout le monde. En Arabie saoudite, c’est quand même un peu particulier car la non-mixité y est très stricte et certains plans, à l’université des hommes par exemple, ont dû être tournés sans moi, par le cadreur et le coréalisateur. Je savais que l’Arabie saoudite était un pays difficile pour les femmes qui y sont considérées comme des mineures, mais j’ai découvert à l’occasion de ce tournage qu’il existe un poids pour tout le monde, y compris pour les hommes célibataires, qui, à certains moments de la semaine, n’ont pas le droit d’aller dans les centres commerciaux en même temps que les femmes et les familles. En Arabie saoudite, tout est fait pour que les gens ne se rencontrent pas et cela pèse sur toute la société.
Une bonne raison de regarder ton docu ce soir?
Déjà, pour découvrir des images étonnantes de l’Arabie saoudite à certaines époques où elle a essayé de s’ouvrir. Surtout, pour mieux comprendre le contexte régional dans lequel elle évolue. C’est impossible de répondre à toutes les questions qu’on se pose actuellement sur le salafisme et le djihadisme sans entrer dans les détails. Le temps long du documentaire nous permet de creuser un peu, et je l’espère, d’y voir plus clair.
Propos recueillis par Myriam Levain
{"type":"Banniere-Basse"}