Acceptée à L’Atelier scénario de la Femis, Déborah Hassoun a un an pour écrire son scénario de long-métrage. Atteindra-t-elle son objectif? Chaque mois, elle nous raconte sa progression.
Pour changer, j’ai fait mes devoirs avant la veille de la rentrée. Titre de la leçon: la fiche personnage. La consigne? Raconter la vie de mon héroïne et en bonus celle de sa famille qui squatte mon scénario.
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J’ai pris ma plus belle plume et j’ai utilisé le “je” comme s’ils me chuchotaient leurs secrets à l’oreille. Si j’ai eu envie d’écrire malgré mes zéros en dictée, ce n’est pas juste par esprit de contradiction, c’est aussi parce que j’ai toujours préféré regarder les élèves jouer dans la cour plutôt que le tableau noir. Impossible de retenir les paroles d’une chanson, mais pour ce qui est des petites histoires (soyons honnête: “les ragots”), ma mémoire fonctionne à merveille.
Autour de mon bureau, j’ai enfin ma famille imaginaire. Et comme ils sont du genre à prendre leurs aises, ils osent poser leurs verres pleins trop près de mon clavier.
Je ne me suis pas arrêtée aux dates de naissance et à la profession des parents, je leur ai fait cracher leurs désirs honteux, j’ai versé ma larme sur les traumatismes de leur enfance et souligné en rouge leurs défauts insupportables. Puis j’en ai rajouté une couche pour que la comédie s’incruste le plus naturellement possible.
Il y a mon personnage principal obsédé par la vérité, en guerre avec celle qui a décidé que mentir rendait la vie plus douce, il y a celui qui est d’accord avec tout le monde, celle qui veut toujours faire plaisir, le fantôme, la jalouse, le gamin obsédé par sa chasse au trésor et celui qui a fui à 6000 kilomètres pour ne pas passer Noël avec tous ceux cités plus haut. Autour de mon bureau, j’ai enfin ma famille imaginaire. Et comme ils sont du genre à prendre leurs aises, ils osent poser leurs verres pleins trop près de mon clavier. Cette tribu de papier peut aussi être égoïste, prétentieuse et bavarde, mais je l’aime quand même.
L’idée est simple: mieux je connais mes personnages et plus l’histoire va être évidente. C’est l’idée qui est simple, pas sa réalisation. Certains (excellents) scénaristes prêchent pour la théorie contraire: choisis ta situation et tu adapteras le personnage en fonction. Fixe-lui juste des limites pour éviter qu’il ne coure à gauche alors que tu veux qu’il marche à droite. Au jeu de qui était là en premier, j’ai choisi la poule, ils ont choisi l’œuf. Du moment que le poussin est vivant…
La prochaine étape consiste à tirer le fil de la situation initiale pour monter une intrigue.
Après ce travail rendu, le sentiment de satisfaction est égal à celui qu’on ressent quand on a écrit son nom en haut à droite de la feuille et qu’on pousse le zèle jusqu’à noter la date de l’autre côté.
La prochaine étape consiste à tirer le fil de la situation initiale pour monter une intrigue. Le nombre important de mères et de filles risque de le transformer en cordon ombilical. Note pour plus tard: ne pas étrangler le poussin avec.
Dans mon scénario, le fil est la préparation d’un plat dont seule une personne détient la recette. Et ce n’est pas mon héroïne. Cette dernière est comme une carotte en forme de fleur sur un bobun, jamais appréciée et inutile. Préposée à servir l’apéro, une seule mission lui a été confiée: l’achat des pistaches. L’accès à la cuisine est semé d’embûches, elle bout de l’intérieur, la cocotte-minute va exploser…
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