Le clitoris est le symbole universel du plaisir féminin. Violet, jaune ou bleu Klein, il se coud aussi bien sur un jean à Paris, qu’en peluche en Ardèche. Entre esthétisme et réappropriation du corps, il est désormais un logo pop au service du féminisme.
Un quart des filles de 15 ans ne savent pas qu’elles possèdent un clitoris et 83% ignorent sa fonction érogène. Depuis un an, le monde est en train de redécouvrir ce petit organe entièrement dédié au plaisir. En 2017, dans un court métrage animé intitulé sobrement Clitoris, la Québécoise Lori Malépart-Traversy a retracé l’histoire d’un orphelin du désir qui ne demande qu’à se faire caresser. La jeune réalisatrice nous apprend que le bouton rose en tête de vulve cache en réalité toute une partie immergée, constituée de deux branches de dix centimètres, entourant le vagin.
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On pense aussi à l’illustratrice Maude Bergeron, dont le trait célèbre le corps féminin à tous les étages, puis on se ressert deux fois de la série documentaire Clit Révolution, réalisée (et financée par France Télévisions) par Sarah Constantin et Elvire Duvelle-Charles, féministes et membres des Femen. Difficile de citer tous les mouvements qui appellent à l’engagement et l’émancipation par la redécouverte du sexe féminin tant le clitoris est partout. Et on en redemande.
Édifier les valeurs
Quel jour plus opportun que la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes pour tapisser les murs de la ville à coup de clitoris colorés? Julia Pietri, autrice du Petit guide de la masturbation féminine, a créé la page Instagram Le Gang du clito. À travers le projet It’s Not a Bretzel, les clitoris les plus pop ont remplacé le gris des façades parisiennes. À l’image des statues, fontaines et autres symboles représentant les valeurs d’une société qui bouge, le clitoris serait l’emblème d’une nouvelle révolution sexuelle. “Les valeurs doivent circuler dans un cercle plus large que le cocon féministe parisien auquel j’appartiens, explique la militante féministe de 32 ans. Il faut créer des outils pop pour ouvrir des portes en open source, que tout le monde puisse les utiliser et se les approprier.”
Assurer des valeurs en collectif plutôt qu’en solo est le meilleur moyen de s’émanciper de l’analphabétisme sexuel. La montée en puissance de cette chasse à la désinformation charnelle vise à considérer le clitoris comme une arme. Cette même arme longtemps utilisée pour humilier la moitié de l’humanité. “Il faut les peindre, les sculpter, en parler… Le plaisir fait peur car une femme qui se masturbe sans se culpabiliser, c’est une femme libre. Symboliquement, c’est fort”, continue Julia Pietri.
À l’Education Nationale, on note aussi le changement de paradigme. Au même moment où le clitoris est représenté correctement dans un manuel de SVT pour la première fois (édition Magnard), l’artiste anglais Matthew Ellis a érigé une sculpture de clitoris sur la pelouse de l’université de Poitiers. Retenue par un solide mât de plusieurs mètres de haut, l’œuvre semble flotter dans les airs, comme un vent de liberté. Réalisée en couteaux de métal (en référence aux mutilations sexuelles), elle fait face, sur cette même pelouse, à un phallus géant en béton.
Broder l’espace public
À 24 ans, Zélia Porcheron organise des ateliers de confection de clitoris en peluche. Les soirées Coudre un clito rassemblent les Ardéchoises souhaitant revendiquer un droit au plaisir. Avec des chutes de tissus colorés, de la mousse et quelques coups d’aiguilles, Zélia Porcheron tente de briser le tabou du désir féminin tout en esthétisme et franche rigolade. Stéphanie, ergothérapeute, a participé à cet atelier: “La femme peut avoir de la sexualité juste pour le plaisir. C’est une manière ludique de faire passer ce message.”
Toujours en Ardèche, l’atelier d’insertion de la ville de Joyeuse a élaboré une vulve géante en matériaux de récupération. En partenariat avec une recyclerie du coin, la bête de deux mètres montée sur des planches à voile se balade sur les places publiques, pendant le marché ou des événements festifs. Que retenir de ces actions menées loin des cercles parisiens? La volonté de représenter le sexe féminin autant que le sexe masculin dans l’espace public.
Mais faut-il se faire tatouer une vulve sur le bras pour avoir une sexualité conscientisée? Presque… Pour la thérapeute et blogueuse Marie-Noëlle La Nuit: “C’est en se centrant sur son corps, en étant présent à soi dans la pleine conscience de l’autre que l’énergie de la joie peut se mettre pleinement en mouvement.” Si le tote bag clitoridien se fait tendance, la révolution qu’il inspire est orgasmique. Et ça ne fait que commencer.
Cécile Giraud
Ce papier a été initialement publié sur le site des Inrocks.
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