C’est un fail plutôt surprenant de la part de Florence Foresti. L’humoriste, habituellement aussi drôle qu’elle est féministe, n’a pas su trouver le ton ni les mots justes lors d’une interview accordée à Clique TV (voir ci-dessous).
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Cela commence avec un discours sur les jeunes filles d’aujourd’hui: “Bizarrement j’ai pas hyper peur pour elles. Elles vont arriver dans un monde un peu compliqué, mais il me semble qu’elles ont les armes.” On sait malheureusement que non, toutes n’ont pas les armes pour se défendre contre les violences et les abus, surtout lorsqu’elles ont l’âge de regarder Clique TV, mais ok, Florence Foresti se veut positive et refuse de victimiser les femmes. Pourquoi pas.
Mais la suite de l’interview se révèle de plus en plus gênante. Florence Foresti explique qu’elle aussi aurait pu rencontrer un connard qui aurait pu la “casser”, mais se sent obligée de préciser le sens de ce mot et ajoute: “Je parle de violence, je parle pas d’abus sexuel parce que c’est difficile de m’abuser sexuellement… Ou alors je le veux vraiment!”. Avant d’enchérir: “Moi j’ai failli lancer le hashtag #NotMe. Donc, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise? Même le hashtag #WhyNot! Bah ouais! Qu’est-ce qu’il y a?”. Ben y’a un peu comme un malaise…
Certes, l’auto-dépréciation -“je suis vraiment trop un thon”- est un procédé qui a fait ses preuves et le politiquement incorrect -“pourquoi j’aurais pas le droit de me faire violer?”-, peut être très drôle s’il est bien amené. On pense par exemple à la réplique culte du Péril Jeune dans laquelle une étudiante s’offusque qu’on lui dise qu’elle n’a pas le physique pour être violée. Hélas, on sait aussi qu’en humour, le timing a son importance. Et ce qui est drôle en 1994 l’est un peu moins en 2018, en pleine ère post-#MeToo, alors que les femmes commencent à peine à se faire entendre et qu’on oppose à leur quête de justice et d’égalité un puritanisme sans rapport. Ou alors qu’aux Césars, cérémonie que Florence Foresti a animée par le passé, le silence assourdissant des actrices a résonné dans toute la salle Pleyel, pendant que les sketchs de Blanche Gardin ou Laurence Arné ont relégué ce mouvement important et international au rang de vaste blague. Dans ce contexte, la tentative d’humour de Florence Foresti ressemble malheureusement plus à une provocation de Catherine Millet qu’à une blague bien sentie issue de Mother Fucker.
D’autant que la suite de l’interview enfonce encore le clou: “Et surtout, je trouve que les jeunes garçons, ils sont chouettes quoi. S’ils arrêtent de regarder du porno à 10 ans, ça va aider. […] Mais sinon, les jeunes garçons sont vraiment chouettes. Ils aiment les filles comme elles sont maintenant, il me semble. J’espère que je rêve pas.” C’est d’une naïveté d’un optimisme déconcertant et c’est aussi terriblement maladroit dans le contexte, les femmes souffrant généralement que les hommes les “aiment” plutôt trop que pas assez. Comme si l’objectif était d’éduquer les hommes pour qu’ils nous aiment davantage.
En conclusion de l’interview, Florence Foresti tacle Harvey Weinstein et reprend à juste titre la journaliste qui se soucie d’avoir écorché son nom: “On a le droit de mal prononcer son nom. […] On s’en branle, on lui doit pas la bonne prononciation de son nom.” Une chute un peu rassurante et bienvenue, qui vient ponctuer un discours décidément plein d’ambiguïtés.
Faustine Kopiejwski
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