Depuis quelques mois, la révolte contre l’épilation gronde de plus en plus. La blogueuse Clara D. nous raconte comment sa guerre contre ce diktat a commencé.
De Morgan Mikenas à Klaire fait grrrr en passant par Rihanna, Madonna et sa fille Lourdes, les poils n’en finissent plus de se montrer. À la fin du mois de juin, c’est la marque de rasoir new-yorkaise Billie qui a fait parler d’elle via une campagne publicitaire montrant des femmes qui avaient vraiment les jambes poilues, une première mondiale.
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Si la tyrannie de l’épilation commence à prendre du plomb dans l’aile, Clara D., 18 ans, n’a pas attendu ce phénomène pour se débarrasser de cette injonction, et a commencé petit à petit à en parler sur le blog qu’elle avait ouvert en 2011, alors qu’elle n’était encore qu’une préado. On l’a rencontrée alors qu’elle vient de réussir son Bac L et s’apprête à entrer en hypokhâgne. Interview express.
Ton pire souvenir d’épilation?
À 15 ans, alors que je venais de rencontrer mon copain, j’ai acheté un kit d’épilation à la cire. Mon expérience la plus traumatisante a été le maillot, j’ai eu vraiment très mal, il y avait de la cire partout, je n’arrivais pas à l’enlever. Je me souviens que mon copain n’était pas très loin. Il m’entendait et me demandait ce que j’avais: je pleurais, c’était une catastrophe ! Mais je pensais vraiment que je devais y arriver et j’ai poursuivi à la pince à épiler. Ça a été le déclic, je me suis dit: Clara, franchement, tu en es arrivée au point de t’enlever les poils du maillot un à un à la pince à épiler, ça devient grave. J’ai commencé à bloguer sur le sujet.
Quel a été ton cheminement pour t’en émanciper?
Je me suis mise à chercher sur Internet plein de techniques d’épilation et finalement je suis tombée sur des filles qui racontaient qu’elles ne s’épilaient plus. La première vidéo que j’ai vue était de la youtubeuse Solange Te Parle qui se questionnait sur cette tyrannie de l’épilation féminine et invitait à s’en délivrer. Je l’ai trouvée très libre et j’ai pensé: elle ne se prend pas la tête, pourquoi toi tu te la prendrais? Ce qui était dur au départ, c’était le regard des gens, à la plage surtout.
“Si c’était un choix il y aurait de la diversité mais il n’y en a pas.”
Tu étais encore au lycée à l’époque, comment les autres élèves ont réagi?
Ça avait fait un scandale! Tout le monde s’était mis à scruter mes jambes. Les filles étaient même plus dures que les mecs. J’ai tenté d’expliquer que ce que je faisais était un acte féministe. S’épiler n’est pas un choix, c’est un diktat, contrairement à ce que disaient mes copines. Si c’était un choix il y aurait de la diversité mais il n’y en a pas. J’avais été choquée par l’émission Les reines du shopping où une candidate avait gardé ses poils sous les bras, et Cristina Cordula lui avait dit, horrifiée, que c’était passé de mode. Mais pour moi, le poil, c’est politique, ce n’est pas une mode! Cette femme a quand même défilé sans se les épiler, mais c’est dommage, car elle a été décrédibilisée. J’ai espoir que les mentalités changent mais je pense que ça va mettre très longtemps. Aucune de mes copines ne m’a suivi dans ma démarche: certaines sont d’accord avec mon discours mais elles n’ont pas le courage de passer à l’acte.
La dernière fois que tu t’es épilée, c’était à quelle occasion?
Pour un entretien d’embauche. Et pour mon Bac aussi. Je les ai enlevés pour l’oral d’anglais, car c’était un oral hyper important, coef 8, et j’avais peur de tomber sur quelqu’un qui me juge. Je me suis dit que la personne pouvait d’entrée m’avoir dans le collimateur. Mais je vais continuer à essayer d’engager une réflexion autour de la pilosité féminine avec mes futur·e·s camarades d’hypokhâgne. De toute façon ils et elles verront très vite que je ne m’épile plus!
Propos recueillis par Louise Rozès Moscovenko
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