Si vous ne deviez voir qu’une seule vidéo aujourd’hui, ce serait cette séquence d’On n’est pas couché qui en dit long sur le tabou qui règne autour des agressions sexuelles et sur l’impossibilité des femmes de parler.
Depuis samedi soir, les réseaux sociaux se sont emparé une énième fois d’une séquence de On n’est pas couché, dans laquelle, une énième fois, une invitée a passé un sale quart d’heure sur le plateau de l’émission de France 2. Les téléspectateurs avaient en plus été teasés dès vendredi, puisque ladite invitée, Sandrine Rousseau, qui venait défendre son livre sur la prise de parole après une agression sexuelle (Ndlr: elle a été agressée par l’élu Vert Denis Baupin), avait révélé qu’une violente altercation avait éclaté avec Christine Angot, dont on rappelle qu’elle a écrit abondamment sur les viols répétés que lui a fait subir son père pendant son enfance. Jusqu’ici, tout est normal pour une fin de week-end et un début de semaine. Sauf qu’en fait, rien n’est normal pendant cette séquence qui fait désormais le buzz. Le montage, déjà, perturbe la grille de lecture de la discussion entre deux femmes, puisqu’on voit Christine Angot annoncer qu’elle quitte le plateau, ne pas le faire, puis son interlocutrice poursuivre la discussion les yeux rougis. D’évidence, il manque des pièces du puzzle, qui viennent matérialiser les fameux non-dits et les silences évoqués par Sandrine Rousseau, qui explique en substance qu’une femme violée n’est jamais entendue. Ce passage étrange s’explique en fait par l’interruption du tournage pendant 20 minutes, suite au départ réel de la chroniqueuse dans sa loge, qui n’a pas été diffusé par la chaîne.
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On peut penser ce que l’on veut de la violence avec laquelle Christine Angot prend à partie Sandrine Rousseau, alors qu’en connaissant son histoire, on imaginait qu’elle prendrait sa défense. On peut s’interroger sur la pertinence de hiérarchiser les rôles des écrivains et des politiques et d’évoquer la féminisation des métiers dans une conversation sur le tabou des agressions sexuelles, toujours dans cette optique de ne pas réduire les femmes au statut de femmes forcément objets. Mais la virulence avec laquelle elle explique essayer de ne pas être constamment présentée comme une victime, de même que le désarroi visible de Sandrine Rousseau face à l’hostilité qu’elle ressent au moment de parler, mot qu’elle a précisément choisi pour intituler son livre, en disent bien plus long que tout le reste. Malgré leur incapacité à communiquer et à s’unir, leur souffrance à toutes deux saute au visage, de même que leur colère de ne pas être entendues -l’une étant probablement plus résignée que l’autre sur cette question. Ce qu’il faut retenir de cette séquence télévisuelle, pénible à regarder, ce n’est finalement pas tant ce qui a été dit, plus ou moins habilement, que le malaise qui a immédiatement envahi le plateau. Ce malaise, il nous rappelle à quel point les femmes se sentent encore seules et démunies face à un fléau qui, comme le rappelle Sandrine Rousseau, touche une grande partie d’entre elles sans qu’elles parviennent à briser ce tabou.
Myriam Levain
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