Pour les 10 ans de Cheek, une personnalité féministe revient chaque jour sur sa décennie. Aujourd’hui, Nesrine Slaoui.
Journaliste et reporter, Nesrine Slaoui a publié en 2021 un récit remarqué sur son expérience de transfuge de classe, Illégitimes. Début 2023, elle signait Seule, un roman qui mêlait les thèmes du harcèlement scolaire, du racisme et des classes sociales. Ajoutant une corde supplémentaire à son arc, Nesrine Slaoui s’est aussi tournée dernièrement vers le documentaire et dévoilera prochainement son premier film pour Arte. Parée d’une conscience féministe qui transparaît dans toutes ses productions et qu’elle exprime aussi directement sur son compte Instagram, massivement suivi, Nesrine Slaoui pose son regard sur la décennie féministe qui vient de s’écouler.
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Quelles avancées féministes t’ont le plus marquée?
La réponse ne me vient pas de manière évidente. Pour le symbolique et l’absurde, je dirais la fin de l’interdiction des pantalons pour les femmes, inscrite dans la loi française en 2013 seulement. Au niveau européen, je pense à l’Espagne et ses tribunaux spéciaux qui ont fait baisser les féminicides de 25% en 20 ans. L’Espagne est aussi devenu le premier pays à adopter le congé menstruel.
Et quels reculs?
Celui du droit à l’avortement aux États-Unis et le procès d’Amber Heard et Johnny Depp. Les deux nous ont malheureusement rappelé que les droits des femmes ne sont jamais acquis et qu’en matière judiciaire rien n’est encore gagné. En France, les débats incessants sur les tenues des lycéennes, de l’abaya au crop top, montrent à quel point nous ne sommes pas débarrassé·es des discours et interdits sexistes. Désolée de gâcher l’ambiance post #MeToo mais l’heure n’est pas encore à la célébration…
Et ton / tes livres féministe(s) de la décennie?
Un féminisme décolonial de Françoise Vergès, qui nous rappelle que le féminisme ne peut exister sans anti-racisme.
Quel est ton / tes film·s féministe(s) de la décennie?
Mustang de Deniz Gamze Ergüven, dans lequel on suit cinq jeunes soeurs d’un village turc qui luttent contre le patriarcat et notamment le mariage forcé.
Quelles personnalités féministes t’ont le plus inspirée?
AOC aux États-Unis (Ndlr: Alexandria Ocasio-Cortez) qui a réussi à renouveler les idées de gauche et utilise à merveille les réseaux sociaux. La réalisatrice, autrice et actrice britannique Michaela Coel, et sa série I May Destroy You sur les violences sexistes et sexuelles.
Pour toi, quel est le mot de cette décennie féministe?
L’expression de cette décennie féministe: #PasVosBeurettes, le hashtag lancé par le collectif Nta Rajel? qui matérialise le combat des femmes d’origine maghrébine contre notre fétichisation.
Quels sont les défis féministes à relever ces 10 prochaines années?
Comme le dit et l’écrit la chercheuse américaine d’origine indienne Gayatri Spivak, donner la parole aux subalternes. Les femmes précaires et racisées doivent être au premier rang des luttes féministes car elles sont à l’intersection de toutes les oppressions.
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